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Russie-OTAN : quelles solutions pour un malentendu stratégique ?

Par Alexandre Sheldon-Duplaix, service historique de la défense

Destiné à contrer la menace de missiles balistiques iraniens, le programme de défense antimissile balistique de théâtre active multicouche (1) fut approuvé lors du sommet de l’OTAN de 2004 à Istanbul. Il s’agissait de créer un système ouvert qui permette à chaque pays d’intégrer progressivement un ou plusieurs de ses sous-­systèmes. En 2007, les États-Unis ont traité avec la Pologne pour le déploiement de dix intercepteurs et avec la République tchèque pour l’installation d’un radar de poursuite. En 2009, ils ont abandonné leur projet de site européen, au profit du déploiement de missiles SM‑3 sur des plates-­formes navales (Aegis) puis à terre, en Roumanie et en Pologne. Le premier site, équipé de 24 RIM‑161 Standard Missile 3, a été inauguré le 12 mai 2016 à Deveselu, en Roumanie, et un second doit l’être en Pologne en 2018. Alors que la Russie s’émeut depuis la publication de ses seconde, troisième et quatrième doctrines militaires (2000, 2009, 2015) d’une extension de l’OTAN dans d’anciennes républiques soviétiques au-delà des pays baltes, la question des missiles antimissiles balistiques autant que celle des radars sur ses frontières semblent rappeler les inquiétudes des États-Unis lors de la crise de Cuba de 1962, même si la nature des missiles – antimissiles – ne peut pas être comparée aux missiles nucléaires anti-­cités que l’URSS déployait dans l’île face aux États‑Unis.

La Russie vulnérable ?

Depuis les débuts du projet, la Russie s’inquiète d’un programme qui, selon elle, remet en cause l’équilibre stratégique et menace la crédibilité de sa dissuasion. Après le refus américain de coopérer avec elle en installant le radar sur une base russe en Azerbaïdjan, face à l’Iran, la Russie est convaincue que le programme est aussi destiné à traquer ses missiles stratégiques à défaut de pouvoir les abattre depuis des sites européens comme l’affirment les États-Unis en citant « la physique de la trajectoire des missiles ». En novembre 2015, le président russe, Vladimir Poutine, déclarait que le système antimissile de l’OTAN en Europe était en réalité destiné à « neutraliser le potentiel nucléaire de la Russie ».

Parallèlement, Moscou et Pékin dénoncent aussi le déploiement annoncé d’un bouclier antimissile face à la Corée du Nord. Officiellement destiné à intercepter les missiles balistiques nord-­coréens, ce système (2) paraît également capable de détecter et d’abattre des missiles chinois, voire russes. Le 25 février 2016, le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, exprimait la préoccupation de Pékin face au déploiement possible du THAAD et de son radar SBX en Corée du Sud. Portant à 2 000 km, le radar en bande X affaiblira selon lui les capacités de dissuasion de la Chine. Le 6 mai, le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, demandait des garanties « légalement contraignantes » prouvant que les futurs missiles américains ne sont pas dirigés contre la Russie : « Tout comme avec le volet européen du programme de défense antimissile américain, on nous affirme que ce programme n’est pas dirigé contre nous, mais nous avons une analyse quelque peu différente. Et même si tout le système n’est pas dirigé contre la Russie, nous avons besoin de garanties légalement contraignantes… Nonobstant notre unité sur l’aventurisme nucléaire nord-­coréen, nous considérons qu’il est absolument injustifiable et très dangereux d’essayer d’exploiter cette situation pour augmenter de manière disproportionnée la présence militaire dans la région.(3) »

De son côté, le département d’État américain se refuse à garantir juridiquement que les systèmes antimissiles balistiques déployés en Europe et en Asie ne seront pas dirigés contre la Russie. Dans le même temps, le président Barak Obama appelait la Russie à ne pas commettre l’erreur de considérer « l’Alliance atlantique et l’Union européenne comme une menace ». Dmitri Peskov, le porte-­parole du Kremlin a réagi en rappelant que depuis la crise géorgienne de 2008, mais plus encore depuis la crise ukrainienne de 2014, l’OTAN désigne précisément la Russie comme une menace, citant « les mesures prises pour renforcer le potentiel militaire [de l’OTAN] en direction des frontières russes ».

Réassurance et bruits de bottes en Baltique

Les inquiétudes suscitées en Pologne et dans les pays baltes par la crise ukrainienne ont décidé l’OTAN à y stationner des renforts. Le 26 mai, le Premier ministre estonien, Taavi Roivas, a demandé une présence permanente de l’OTAN sur son sol pour dissuader une intervention russe. « Il ne doit y avoir aucun vide, la dissuasion doit devenir une nouvelle norme. » Il a également souhaité le maintien des sanctions tout en accusant les bombardements russes en Syrie d’augmenter le flot des réfugiés (4). Pour Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, « remplir les missions de l’OTAN [impose de] renforcer la défense collective et de projeter la stabilité au-delà de nos frontières(5) ». Durant la visite de ce dernier en Pologne, le ministre de la Défense, Antoni Macierewicz, a annoncé le stationnement de quatre bataillons en Pologne, en Lituanie, en Lettonie et en Estonie. Les bataillons comprendront chacun entre 300 et 800 soldats. Selon le ministre de la Défense polonais, cet effort ne serait pas suffisant pour arrêter une offensive russe, mais il permettrait de la dissuader : « D’un point de vue militaire, nous sommes à peu près certains que l’OTAN perdrait le terrain attaqué et devrait le reconquérir ultérieurement… La présence sur l’avant de bataillons permettrait de défendre le territoire pour une période suffisante et de regrouper les forces pour finalement repousser les forces russes(6) ». La Pologne prévoit de dépenser 33 milliards de dollars d’ici à 2022 pour moderniser sa défense et augmenter ses forces de moitié. Pour le ministre de la Défense polonais, un seul bataillon de l’OTAN stationné en Pologne serait suffisant pour dissuader une attaque russe (7).

Dialogue de sourds

À l’université de Varsovie, Jens Stoltenberg a réaffirmé qu’il ne cherchait pas la confrontation avec la Russie, « mais une relation plus coopérative qui permettrait d’évoluer vers une relation plus prévisible(8) ». En avril 2014, l’OTAN avait suspendu la coopération avec la Russie, mais avait tenu deux réunions du conseil OTAN-­Russie (9) (mars et juin 2014) et deux réunions du conseil du partenariat euro-­atlantique qui incluaient la Russie (mars 2014 et mars 2015). Le contact avec la Russie est maintenu au niveau du secrétaire général de l’OTAN, qui a rencontré le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, à la conférence de Munich en février 2016, et du secrétaire général adjoint, qui conserve le contact avec l’ambassadeur russe auprès de l’OTAN (10). Mais, le 20 avril 2016, à l’issue de la première réunion du conseil OTAN-Russie depuis la crise ukrainienne, le secrétaire général de l’OTAN a dressé un tableau peu optimiste de l’état des relations en indiquant que « l’OTAN et la Russie ont des désaccords profonds ». Il a ajouté que les alliés de l’OTAN restaient fermes sur leurs positions et que la coopération ne pouvait pas reprendre si la Russie continuait de ne pas respecter le droit international, déclaration qui semble impliquer au préalable la restitution de la Crimée à l’Ukraine.

La sécession de la Crimée et sa demande de rattachement à la Russie, appuyée d’une opération des forces spéciales russes pour prendre le contrôle effectif de la Crimée, apparaissent comme une conséquence de la rupture de l’ordre constitutionnel à Kiev à la suite de la révolution du Maidan. La sécession puis le rattachement à la Russie semblent soutenus par une très large portion de la population, majoritairement russe et retraitée, qui y voit aussi la perspective de percevoir une pension revalorisée. L’argument du respect de la légalité internationale paraît impossible à faire accepter en Russie à cause des précédents de l’intervention américaine en Irak sans mandat de l’ONU et de celle de l’OTAN pour détacher le Kosovo de la Serbie au nom du droit à l’autodétermination. Pourquoi refuserait-on alors ce droit aux Criméens ? Quant à l’ambassadeur russe auprès de l’OTAN, Alexander Grushko, il a déclaré que ni l’OTAN ni la Russie n’avaient un agenda positif qui permettrait de fixer une nouvelle date pour la rencontre : « Le problème est que l’OTAN et la Russie n’ont plus de calendrier positif aujourd’hui. Tous les projets de coopération qui étaient importants pour la sécurité de la Russie et de l’OTAN ont été suspendus. Le projet de formation de personnel pour la lutte antidrogue en Afghanistan, en Asie centrale et au Pakistan ; le projet pour former du personnel qualifié pour la maintenance des hélicoptères russes et soviétiques de l’armée afghane a été rompu ; la coopération antiterroriste dans son ensemble… a été arrêtée. » Le diplomate ajoute qu’un dialogue sur la confiance mutuelle est impossible sans la réduction de la présence militaire de l’OTAN aux frontières de la Russie : « Nous avons assez de mesures de confiance et de vérifications des activités militaires. Le problème n’est pas le manque de tels mécanismes. Le problème est que l’OTAN n’est pas prête à suspendre la militarisation des régions proches de la Russie, qu’elle équipe avec de nouveaux systèmes de contrôle et de communication, de nouveaux dépôts pour entreposer des véhicules blindés. Il faut considérer le fond de la question et ne pas croire que des mesures superficielles vont aider à résoudre les problèmes posés par le plan de l’OTAN de considérer que la Russie est un pays que l’on a besoin de dissuader(11) ».

Réactions russes…

Le 30 mai 2016, le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, annonçait avoir approuvé une nouvelle version du programme de développement pour le complexe militaro-­industriel et la période 2016-2020. « Nous sommes en train de rééquiper toute l’armée, les forces armées, la marine avec de nouvelles armes et nous avons des objectifs qu’il est nécessaire d’atteindre pour garantir la compétitivité de nos produits sur le marché international. » Pour la Russie, les exportations d’armements constituent un volet important de la richesse nationale dans cette période de crise économique. Plus de 25 milliards de dollars seront alloués au programme 2016-2020 qui prévoit des investissements, des apprentissages nouveaux pour le personnel et un soutien de la science à l’industrie de défense. Le vice-­Premier ministre, Dmitri Rogozin, citait la question des turbines à gaz pour l’armée de l’air et la marine dont la production va démarrer en Russie alors que, jusqu’à présent, elles étaient toutes produites en Ukraine (12). Selon lui, la production de l’industrie de défense russe a augmenté de 13 % en 2015 et les exportations militaires russes ont représenté 14,5 milliards de dollars, plaçant la Russie au deuxième rang mondial, juste derrière les États-Unis. Il affirmait aussi qu’en 2015, les entreprises ont livré 97 % des commandes d’État (13). Autant de bonnes nouvelles pour une Russie appauvrie par la chute des prix du pétrole et les sanctions occidentales et dont l’équilibre social vacillera peut-être. Certains Russes se demandent si l’objectif de l’Ouest n’est pas d’annihiler les progrès spectaculaires enregistrés par leur économie depuis la crise des années 1990.

… et nouveaux armements stratégiques

Le 9 novembre 2015, le ministère de la Défense russe laissait filmer, lors d’une réunion au Kremlin présidée par Vladimir Poutine, des informations classées très secrètes sur un nouveau système stratégique baptisé « Status‑6 » (Статус‑6). Le texte indique que le bureau d’études Rubin développe une torpille qui permettrait d’infliger des dommages inacceptables à l’économie d’un pays en créant de vastes zones de contamination radioactives le long de ses côtes. S’agit-il d’une bévue ou d’une fuite délibérée ? Deux sous-­marins nucléaires spéciaux apparaissent en haut du document. D’abord, le KS‑139 Belgorod Projekt 09852, un SNA Projekt 949A (Oscar II) en cours de transformation depuis 2012 au chantier Sevmash de Severodvinsk. Officiellement, le KS‑139 doit servir de sous-­marin de sauvetage, mais le document suggère un autre rôle, dont celui d’emporter un drone. Désigné « sous-­marin nucléaire spécial » Projekt 09851 et baptisé Khabarovsk, l’autre sous-­marin est inconnu. C’est lui qui devrait pouvoir lancer six torpilles stratégiques « Status‑6 », selon l’analyse proposée par H. I. Sutton (14). Il s’agit en fait d’une grande torpille nucléaire de 24 m de long et 1,6 m de diamètre, 27 fois plus grosse qu’une torpille ordinaire. À l’instar de la torpille stratégique T‑15 (23,5 m) développée initialement pour les premiers sous-­marins nucléaires russes, le Projekt 627 (November) puis abandonnée, l’arme est conçue pour frapper des villes côtières et des objectifs stratégiques comme des ports ou des bases navales tout en échappant aux défenses antimissiles. « Status‑6 » reprendrait le concept de la T‑15 pour atteindre une grande ville comme New York.

« Status‑6 » serait propulsée par un réacteur nucléaire couplé à une turbine à vapeur entraînant une ligne d’arbre. Le document prétend que l’arme peut être lancée à 5 400 nautiques de l’objectif et jusqu’à 1 000 m de profondeur. Ce scénario permettrait un lancement depuis la banquise, rendant une parade difficile. L’arme mettrait quatre jours à atteindre sa cible, mais ce délai donnerait la possibilité de prévenir et d’évacuer les populations pour suspendre l’escalade nucléaire. Une tête de 100 mégatonnes contiendrait du cobalt « sale » afin de maximiser les pluies radioactives qui accompagneraient un tsunami (15). Deux mois avant la supposée fuite, l’édition du 8 septembre de la publication conservatrice américaine le Washington Beacon évoquait déjà le développement par la Russie du drone sous-­marin Kanyon transportant une ogive nucléaire susceptible d’attaquer la côte américaine et les bases de sous-­marins stratégiques. Cette première fuite explique peut-être la seconde (16). Quoi qu’il en soit, l’existence de ce programme reflète les inquiétudes russes concernant la difficile mise au point des missiles Bulava et Sineva, face à l’implantation d’un bouclier antimissile américain en Pologne et en Roumanie qui affaiblira la dissuasion russe. Selon H. I. Sutton, le premier tube destiné à la torpille « Status‑6 » aurait été testé à bord du sous-­marin expérimental Projekt 20120 Sarov mis en service en 2008, en pleine crise de fiabilité des missiles balistiques Bulava et Sineva. En mai 2016, le premier chef adjoint du Comité de défense et de sécurité du Conseil de la Fédération, Evgueni Serebrenikov, signalait que la Russie terminait la conception de missiles de nouvelle génération indécelables par un bouclier antimissile. « Nous concevons une nouvelle génération de missiles, les plus modernes, dont on n’a pas encore parlé. Ils seraient invulnérables aux armes de l’OTAN, notamment, aux systèmes de défense antimissile de l’OTAN .(17) »

Modernisation en trompe-l’œil

Tout comme en Chine, la modernisation de l’instrument militaire est une source de légitimité pour le pouvoir politique russe. Mais, contrairement à l’URSS secrète et à la Chine discrète, la Russie communique sur ses programmes d’armement à tel point qu’un seul bâtiment fait l’objet de multiples annonces à sa commande, sa mise sur cale, son lancement, ses essais puis sa mise en service. L’effet médiatique tonitruant masque mal la chute de l’ordre de bataille de la marine qui perd le second rang mondial au profit de la Chine. Une seule unité d’une seule nouvelle classe de sous-­marins nucléaires d’attaque depuis 1992, alors que la série des Projekt 885 Yasen (Severodvinsk) aurait dû en aligner une dizaine en 2016. Quatre frégates, dont trois appartenant à deux classes nouvelles en vingt-cinq ans, la production d’une bonne année au temps de l’URSS. Une dizaine de corvettes ; six sous-­marins conventionnels, dont le prototype raté d’une nouvelle classe Projekt 677 Lada et sept autres Projekt 636.3 (Kilo) en construction ; aucune nouvelle classe de croiseurs ou de destroyers ; reconstitution de la flotte auxiliaire et en particulier des moyens de sauvetage, mais absence de renouvellement du train d’escadre qui imposera certainement la propulsion nucléaire pour les six futurs destroyers de 18 000 t, dont le premier devrait être mis sur cale en 2019, et pour les deux futurs porte-­avions de 100 000 t dont la construction commencerait entre 2025 et 2030. La Russie n’a pas et n’aura pas les moyens navals de contester la suprématie des mers aux flottes occidentales comme durant les deux dernières décennies de l’URSS. Les techniques de construction des sous-­marins russes restent très avancées. Tirant les leçons de l’indiscrétion de leurs deux premières générations, les Soviétiques puis les Russes mettent au point un mode d’assemblage par blocs et par tranches avec l’ensemble des équipements montés sur des plots absorbant les chocs. Chaque bloc est séparé de la coque, réduisant ainsi les vibrations de celle-ci lorsqu’elle est immergée et en mouvement.

Mais les programmes de sous-­marins tardent toujours. Les « nouveaux » SNLE classe Borei construits par l’assemblage de tranches de coque épaisse des Akula ou Oscar inachevés ou désarmés demeurent des bâtiments de troisième génération. Les trois dernières unités sont construites sur le modèle d’une variante 09552 Borei‑A. Surnommés les « mies de pain » à cause de leur forme, les Projekt 949A Antei (Oscar II) sont modifiés avec des missiles Oniks et Kalibr pour masquer les retards du programme 885 Yasen. En équipant chacun des 24 lanceurs monotubes de trois missiles, le potentiel de combat de ces sous-­marins est multiplié par trois. Désormais, ils pourront lancer 72 missiles de croisière (18).

Avec les frappes contre la Syrie, la réalité russe apparaît menaçante pour des marines européennes qui ont perdu l’habitude de se confronter à un adversaire en haute mer ou pour la marine américaine, empêtrée dans le programme du Littoral Combat Ship (LCS). Ces bâtiments non armés et onéreux font pâle figure à côté des corvettes russes qui se livrent à une démonstration depuis la mer Caspienne avec chacune huit missiles de croisière. Le matériau des LCS, l’aluminium, paraît condamner les équipages, comme si les leçons de la guerre des Malouines en 1982 ou de l’incendie du croiseur Belknap en 1975 avaient été oubliées. Sans autonomie et sans l’espace ni les renforts pour déployer un sonar remorqué performant, le LCS ne semble pas capable de participer à l’effort ASM réclamé par le retour des sous-­marins russes en Atlantique. Quant à ce retour, il faut bien sûr le relativiser. Si l’amiral Chirkov a pu affirmer que le nombre de patrouilles de sous-­marins russes avait augmenté de 50 % depuis 2013, celui de sous-­marins nucléaires d’attaque et de sous-­marins conventionnels opérationnels reste si faible que la Russie n’a pas de marge de progression : six et trois en flotte du Nord ; deux et cinq en flotte du Pacifique ; un et trois en flottes de la Baltique et de la mer Noire (19).

Conclusion

Sous le titre de « quatrième bataille de l’Atlantique », évoquant les activités récentes des sous-marins russes, l’amiral Foggo, commandant en chef de la VIe flotte lançait un appel à l’unité de l’Alliance atlantique, à des exercices de réassurance des alliés en mer Noire et en Baltique parallèlement à une reprise du dialogue avec la Russie par tous les canaux possibles (20). Il paraît désormais essentiel que les échanges portent sur les questions de fond, en particulier le moyen de rassurer Moscou sur les boucliers antimissiles. Les tableaux en annexe démontrent que la Russie n’a pas les richesses suffisantes pour entreprendre un réarmement qui lui permettrait de menacer l’Europe. Ces mêmes tableaux montrent que l’Europe possède à elle seule les ressources pour faire face à la situation.

Mais, au-delà, la question posée par la Russie est celle de la compréhension du message stratégique russe. L’OTAN estime qu’elle pourrait attaquer les pays baltes et la Russie affirme que c’est cette estimation qui constitue le problème, un problème d’incompréhension. Le lecteur pourra se demander si l’amiral Foggo a lu les doctrines militaires et maritimes russes publiées en 2000, 2001, 2009, 2015 et s’il a compris les messages stratégiques contre l’extension de l’OTAN, la militarisation des approches de la Russie et le développement d’un bouclier antimissile sans garanties. Ce dernier point semble réellement préoccuper la Russie alors que l’on pourrait considérer que le nouveau radar n’apporterait pas de nouvelles informations aux États-Unis sur elle et que le nombre de missiles antimissiles installés est presque insignifiant – 48 – au regard des 3 281 têtes de missiles intercontinentaux qu’elle peut elle-même lancer. A. S.-D.

Article paru dans DSI n°124, juillet-août 2016.

Notes

(1) Active Layered Theatre Ballistic Missile Defence (ALTBMD).

(2) Terminal High Altitude Area Defense (THAAD).

(3) « Moscow Seeks Guarantees US missiles in Asia Not To Target Russia », Sputnik News, 6 mai 2016.

(4) « Estonia Calls for Permanent NATO Battalions as Protection From Russia », The Moscow Times, 26 mai 2016.

(5) Alex Lockie, « NATO is sending troops to Poland to stare down Russia », Business Insider, 1er juin 2016.

(6) Ibid.

(7) « One NATO Battalion Enough to ‘Deter Russian Aggression,’ Poland Says », The Moscow Times, 1er juin 2016.

(8) Willem Vancutsem, « Stoltenberg says NATO ready to respond to ‘assertive Russia’ », www​.politico​.eu, 31 mai 2016.

(9) Le conseil OTAN-Russie a été créé le 28 mai 2002 à Rome.

(10) OTAN, « Statement by the Secretary General on NATO-Russia Council meeting », Press Release (2016) 059, 8 avril 2016.

(11) « Stoltenberg : NATO and Russia have profound and persistent disagreements », Tass, 20 avril 2016.

(12) Renewed program adopted for Russian defense industry for 2016-2020 – PM », Tass, 30 mai 2016.

(13) « Russia’s defense industry showed 13 % production growth in 2015 – deputy PM », Tass, 27 mai 2016.

(14) H. I. Sutton, Covert Shores, http://​www​.hisutton​.com.

(15) http://​militaryrussia​.ru/​b​l​o​g​/​t​o​p​i​c​-​8​1​2​.​h​tml.

(16) Bill Gertz, « Russia Building Nuclear-Armed Drone Submarine : ‘Kanyon’ unmanned sub to target harbors, cities », Freebeacon, 8 septembre 2015 ; http://​freebeacon​.com/​n​a​t​i​o​n​a​l​-​s​e​c​u​r​i​t​y​/​r​u​s​s​i​a​-​b​u​i​l​d​i​n​g​-​n​u​c​l​e​a​r​-​a​r​m​e​d​-​d​r​o​n​e​-​s​u​b​m​a​r​i​ne/.

(17) « Kremlin : les mesures visant à renforcer l’OTAN aux frontières de la Russie sont “évidentes” », Sputnik, 26 avril 2016.

(18) http://​tass​.ru/​e​n​/​d​e​f​e​n​s​e​/​8​6​2​656.

(19) www​.russianships​.info.

(20) James Foggo et Alarik Fritz, « The Fourth Battle of the Atlantic », Proceedings, juin 2016.

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