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Psychologie de la baïonnette. Dans les sillons de la décision tactique

Par Koïchi Courant, Etudiant à SciencesPo. (Sécurité Internationale), Chargé d’Etudes à l’EMA (RETEX). Article publié dans DSI Hors-série n°24, juin-juillet 2012

Si « le choc est un mot  », selon la formule du colonel Ardant du Picq, la baïonnette, armement défensif se substituant originellement à la pique, reste théoriquement la principale arme de mêlée à disposition du fantassin en vue de déloger son adversaire d’une position.

La charge à la baïonnette comme expression du « choc »

De fait, la charge à la baïonnette donne rarement lieu à un corps à corps, permettant le plus souvent la prise d’une position à la suite de son abandon par le défenseur. Ardant du Picq établit ainsi, par rapport aux combats antiques, qu’« à moins de circonstances tout exceptionnelles et très rares, qui font déboucher deux troupes nez à nez, le combat s’engage et se fait de loin, une des deux troupes si près que l’on voudra, à deux pas si l’on veut, fait demi-tour avant l’abordage […], nul ennemi ne vous attend si vous êtes résolu, et jamais, jamais, il ne se trouve deux résolutions égales face à face (1) ».

Le Général Thoumas en analyse même le terme « d’enlever une position à la baïonnette » sous cet angle : « les combats de toute une ligne se battant contre une autre ligne avec la baïonnette ont été fort rares ; enlever une position à la baïonnette, voulait dire généralement marcher à l’attaque de cette position sans faire feu (2) ». Si l’effet principal de la charge est l’abandon du combat par le défenseur au moment du choc, la charge à la baïonnette est, pour ainsi dire, l’équivalent tactique du concept de Sun Tzu d’emport de la décision sans engager le combat.

Ce constat général est d’autant plus intelligible en prenant le point de vue de celui qui subit la charge. Comme le constate le colonel Goya, « sur les 48 combats de l’échelon section ou compagnie que décrit Rommel, 18 se concluent par un échange de tirs sans résultats et 30 se terminent par le repli ou la reddition d’un des deux adversaires avant le contact ». Il décrit ainsi le sentiment qui anime le défenseur : « Je ramène dans le rang quelques-uns de mes hommes qui sont sur le point de décrocher de leur initiative. Apparemment, notre tir force l’ennemi à se jeter à terre […]. Les éléments de tête sont à 30 ou 40 mètres de nous. J’ai décidé de ne céder devant leur supériorité numérique que s’ils chargent à la baïonnette (3) ».

Comprendre le phénomène psychologique chez le défenseur est fondamental pour que l’assaillant prenne conscience de sa force. En effet, l’assaut final à la baïonnette fait céder du terrain au défenseur, rentabilisant les pertes de l’approche souvent favorables au défenseur qui se limite au feu pour maintenir la force d’assaut à distance.

Relativisant l’hypothèse de la supériorité numérique comme seule déterminante du succès, il est, d’autre part, possible d’isoler l’effet de la seule charge. Selon Sidney Jary, chef de section britannique pendant la Seconde Guerre mondiale : «  Lorsque nous arrivions dans une position ennemie avec nos baïonnettes, toute résistance avait déjà cessé. Il est inutile d’essayer d’avoir un maximum de fusiliers pour cela. (4) ». De fait, l’effet psychologique de la charge peut être si fort que l’assaillant ne perd que fort peu relativement à son adversaire vu l’impact psychologique quasiment indépendant du rapport de force purement mathématique (5). Enfin, étant donné la tendance historique à la réduction de la masse des unités d’assauts (6), que ce soit en nombre ou en densité, que penser de l’organisation contemporaine en sections, groupes et trinômes de tirailleurs sinon qu’une telle perte de soutien psychologique (7) de type holiste est toujours valable, voire accrue ? (8)

Du croisement effectif des lames

Le véritable corps à corps, peu compatible avec un principe d’économie des forces comme le rappellent les évocations de telles luttes n’est, cependant, pas à occulter totalement. Bien que de tels combats soient coûteux, l’idée selon laquelle ceux-ci sont rares est confortée par le fait qu’ils sont habituellement le résultat d’un encerclement, du manque de munitions ou d’une autre forme de surprise des combattants, ceux-là ne trouvant comme solution que le choc des armes qu’ils auraient probablement voulu éviter si l’engagement s’était commencé à plus forte distance. L’absence de longs et dispendieux corps à corps dans une période plus contemporaine peut s’expliquer de manière quantitative – moins de charges vu une doctrine favorisant le feu –, mais aussi au regard de la psychologie du combat en groupe. En effet, l’évolution du combat en ligne vers celui en groupes de combat, où la force de la masse est moindre, accélère sinon l’anéantissement, au moins la mise en déroute de l’un des adversaires (9). Enfin, les statistiques de blessures et pertes à l’arme blanche (3 % des blessés français pendant la Première Guerre mondiale (10) en disent à la fois beaucoup en ce qu’elles valident l’extrême rareté des combats corps à corps (11) et peu en ce qui concerne son impact psychologique non directement létal (12).

Le combat « à la baïonnette » comme dialectique des volontés

L’effet véritablement majeur de la charge à la baïonnette en tant que choc des volontés étant établi, faut-il encore considérer les déterminants de ce système psychologique. Si la décision était atteinte par la charge plus que par le croisement des lames, la baïonnette en elle-même pourrait paraître secondaire ; là encore il n’en est rien, la lame étant un déterminant psychologique en soi pour le défenseur comme pour l’attaquant.

Déterminant psychologique de la lame en tant que vecteur d’agression subie

Avec le lieutenant-colonel Grossman, nous pouvons considérer que si le combattant a une révulsion pour la mise à mort à l’arme blanche, une révulsion plus grande encore existe dans le fait de se faire blesser ou tuer à la baïonnette. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette peur de plus forte intensité que pour une arme à feu ; la vue de l’arme et la douleur de la blessure à l’arme blanche. En effet, le sentiment de peur dure plus longtemps et est cognitivement plus simple à se représenter, l’arme létale étant directement celle qui brille à quelques mètres et non la balle cachée au sein du fusil ou visible par le biais d’autres tirs. L’intention destructrice peut également se considérer comme étant plus personnelle ; la distance qui se réduit progressivement permet au combattant de mieux jauger le fait qu’il est personnellement pris pour cible, alors que cette personnalisation du danger amoindrit la protection offerte par le groupe qui, de fait, est disloqué. À l’inverse, la balle paraît impersonnelle ; sa foudroyance limite la perception du danger et, relativement, la peur de celui-ci. Il existe ainsi une double relation à la distance créant un sentiment de proximité et d’imminence du danger mortel qui, par sa conscience, accroît la propension à fuir, littéralement ou par reddition. Concurremment, le lien blessure-douleur semble plus évident avec une arme blanche contrairement à une blessure par balle qui semble plus foudroyante et donc de douleur moindre (13). Conséquence de cette peur, certaines unités sont craintes en raison de leur tradition d’utilisation d’armes blanches au corps à corps ; à l’instar des Gurkhas britanniques qui mettent en fuite une unité argentine retranchée sur le Mont William (Malouines) par la seule rumeur de leur futur déploiement.

Déterminant psychologique de la lame en tant que vecteur d’agression portée

En parallèle de la peur de l’arme blanche chez le défenseur, il faut noter un effet galvanisant voire exaltant sur la troupe lorsque l’ordre de fixer la baïonnette est donné. La fixation de la lame permet, par elle-même, d’accroître le moral de la troupe du fait qu’elle est un symbole de l’agression, supposant l’assaut. Marc Bloch rapporte ainsi que lors d’une panique, il « [dut] rallier les hommes tant bien que mal et leur faire mettre baïonnette au canon, moins pour parer à un danger auquel [il ne croyait] guère que pour les rassurer et surtout pour les empêcher de tirer à tort et à travers et de se blesser entre eux (14) ». Aussi, en 1967 à Aden (Yémen), une compagnie britannique fut appelée à rétablir l’ordre dans le camp de Champion Lines occupé par sa garnison de mutins arabes. Ordre fut donné aux Britanniques de ne pas ouvrir le feu ; ce qui donna lieu à une première percée dans le camp mutin en subissant des pertes (1 mort, 8 blessés) sous le feu adverse sans moyen de réponse. La frustration étant haute (15), l’ordre de fixer la baïonnette renforça considérablement le moral et permit de pacifier le camp à la pointe de la baïonnette, sans perte supplémentaire, comme l’expose le major à la tête de cet assaut (16).

Enfin, le fait de fixer la baïonnette au canon selon un rituel particulier issu du « drill », sur ordre et en groupe, apporte, en plus de l’effet d’entraînement que suppose l’action collective, une part d’expérience et de certitude dans un milieu incertain, réduisant la conscience de l’inconnu, facteur de peur. Somme toute, la force suggestive de la lame en tant que vecteur d’agression est, en soi (17), une variable explicative de son efficacité psychologique. Le succès de l’assaillant n’est pourtant pas préétabli, il résulte de sa victoire dans une véritable dialectique des volontés. Ainsi, quelques exemples historiques montrent qu’une troupe pourtant à l’offensive, mais peu déterminée à engager le combat au bout, peut ralentir (18), s’arrêter et elle-même battre en retraite devant une défensive déterminée, elle, à engager le corps à corps (19) ; la lame, outil d’aide à la décision, n’est que le symbole de l’offensive d’infanterie menée à son extrême, l’ultima ratio du combat d’infanterie.

L’apprentissage : matrice des forces morales 

De la rareté des combats au corps à corps pourrait naître une remise en cause de l’utilité de l’apprentissage du combat, ou escrime, à la baïonnette. À cette tendance, en plus de l’évocation des rares, mais effectifs, combats au corps à corps, nous pouvons opposer que « la capacité forme la volonté » et qu’un tel apprentissage surajoute à la préparation physique et morale du combattant.

La capacité forme la volonté

De fait, l’instruction de l’escrime à la baïonnette (« drill » et combat libre) ainsi que l’entraînement sur des parcours variés, rassure l’agent dans sa capacité à vaincre son adversaire si un choc physique se présente ; cette capacité ne peut s’acquérir que dans le suivi d’un entraînement régulier permettant d’en tirer un corpus de techniques et d’automatismes. Cette confiance dans ses aptitudes au combat rapproché rassurera l’agent dans sa capacité à mener sa charge jusque dans les rangs de l’ennemi et à l’y engager corps à corps, notamment si ce dernier ne montre pas de signe apparent de déroute prochaine. D’autre part, la confiance de l’assaillant en ses propres capacités aura à son tour un effet sur la perception que l’adversaire a de celle-ci ; la vigueur et la discipline de la marche au contact de l’assaillant étant d’autant plus assurées que sa résolution est forte. À l’instar d’autres formes de dissuasion, la charge à la baïonnette sera d’autant plus efficace que l’adversaire craint le contact et quel signe plus visiblement menaçant que le feu pur et primitif de la résolution véritable ?

Préparation physique et morale

L’entraînement permet également de simuler et, par là, de limiter les dommages psychologiques post-traumatiques (20). Ce lien physique entre attaque et effusion de sang (mannequin fourré de sang animal par exemple) permet une désinhibition protectrice a priori du mental de l’agent face à une action éminemment traumatisante. Plus prosaïquement, un parcours pour baïonnette est une variante d’entraînement sportif exigeant et agressif, stimulant l’essentielle cohésion et aisément enrichi de fumigènes et effets pyrotechniques simulant le bruit et la confusion du champ de bataille. La répétition permet de plus d’intégrer une discipline et une cadence de charge qui transforment une « fuite en avant » en approche cohérente ; s’il permet, au fond, de conserver les forces physiques de l’assaillant en modulant l’effort, la forme d’une troupe bien en main qui ne ralentit pas (voire apte à accélérer en phase finale) est capitale afin d’imposer sa supériorité morale à l’adversaire (21).

L’avantage de la répétition, enfin, peut se retrouver dans la récurrence de l’assaut à la baïonnette contre un même adversaire. À l’instar de l’engagement répété de troupes particulières (Gurkhas, par exemple), une véritable culture et une légende dorée peuvent se développer à long terme. Il existe un effet cumulatif de la réussite sur la volonté ; dans une charge elle-même, si l’adversaire fuit, celle-ci verra son élan augmenté, mais surtout, la charge sera de plus en plus efficace à mesure des réussites, car, des deux côtés, les combattants la penseront, empiriquement, de plus en plus efficace, ce qui donnera plus d’élan à l’assaillant et plus d’incitatif à la fuite pour le défenseur.

L’arme de la surprise 

Si le général Lewal fait remarquer que « la baïonnette est essentiellement l’arme des surprises de nuit  », la baïonnette reste plus généralement l’arme de la surprise (de l’ennemi), car elle est silencieuse et demande relativement peu de logistique. L’histoire s’en faisant l’écho avec la capture du Ponte Nuovo avant sa destruction, la retraite de Soult du Portugal en 1809, les prises furtives d’avant-postes (22) ou celle du Mont Belvédère le 19 février 1945, seuls faits de la baïonnette.

Un deuxième facteur de surprise est celui visant la représentation de son adversaire par un combattant (surprise morale) ; un individu étant d’autant plus désemparé qu’il ne s’attend pas à une action. Un exemple édifiant peut être tiré de la charge menée en Irak le 21 mai 2004. Un convoi d’une vingtaine de Britanniques de l’Argyll and Sutherland Highlanders fut pris en embuscade par une centaine de miliciens chiites (retranchés et armés de mortiers, RPG et mitrailleuses). Contrairement aux attentes supposées des miliciens, les Britanniques débarquent et se défendent. Les munitions se tarissant, les Britanniques, renforcés d’un groupe du Princess of Wales’s Royal Regiment, fixent les baïonnettes et chargent sur 180 mètres de terrain découvert vers les positions retranchées ennemies ; après un bref, mais intense corps à corps, les miliciens sont mis en déroute, abandonnant entre 28 et 35 morts (20 pour la seule charge) et 12 prisonniers pour seulement 3 blessés britanniques. L’élément de surprise réside dans la décision de ne pas subir l’embuscade, tant en débarquant pour combattre que dans la poussée offensive (la charge) ; étant donné la propagande insurgée présentant le combattant occidental comme un lâche se reposant sur la technologie, la charge à la baïonnette ne pouvait qu’être le plus grand contrepied à cette disposition d’esprit.

De l’utilité psychologique de la baïonnette dans les opérations contemporaines 

La propension des armées occidentales à s’appuyer sur une haute technologie tend, mécaniquement, à leur faire développer un emploi de celles-ci venant cognitivement supplanter l’usage des techniques anciennes, y compris dans des situations potentiellement moins adaptées. Sans luddisme exagéré, le choc à la baïonnette permet pourtant de surprendre l’ennemi asymétrique en jouant sur sa propre propagande, à l’instar des Argylls en Irak, voire à le démoraliser en figurant la volonté, la résilience et l’abnégation des troupes occidentales engagées dans de tels conflits. Plus encore, les mots d’Ardant du Picq, « plus on a de confiance en ses moyens de défense ou d’attaque, plus on est démoralisé, déconcerté de les voir, à un moment donné, insuffisants pour arrêter l’ennemi. Il en est ainsi de la confiance qu’on a dans les armes à feu perfectionnées (23) », résonnent d’une manière toute particulière dans un contexte de dépendance à des technologies complexes et coûteuses. En effet, la confiance, voire la dépendance, en la technologie, en cas de dysfonctionnement ou du fait de son manque d’autonomie, peut directement impacter le moral et le tempo tactique par manque, purement cognitif (automatismes acquis à l’entraînement), d’autres options. Compte tenu de ces aléas, la conservation des capacités d’actions à la baïonnette développe à moindre coût une plus grande rusticité à même de favoriser l’adaptabilité de l’action.

La baïonnette offre également des solutions au sein d’opérations de basse intensité, notamment en ce qui concerne le contrôle de foules (24) ; la lame figurant un vecteur d’agression passif (25) qui permet de moduler le niveau de violence figuré afin d’éviter un engrenage de violence (notamment vis-à‑vis des risques interprétatifs d’un tir de semonce).

Les variables psychologiques de la baïonnette sont à considérer tant dans l’action elle-même que dans la préparation de celle-ci. Aussi, à l’heure où l’armée américaine même abandonne l’apprentissage du combat à la baïonnette pour lui préférer les « pugil sticks  », il est temps de rappeler les qualités propres à cette arme dont la rusticité n’implique pas l’obsolescence ; car si « le choc est un mot  », ce mot est décision.

Article publié dans DSI Hors-série n°24, juin-juillet 2012

Notes

(1) Colonel Ardant du Picq, Études sur le Combat, Hachette, 1880, p. 80-81.

(2) Général Thoumas, Les transformations de l’armée française : essais d’histoire et de critique sur l’état militaire de la France, Berger-Levrault, 1887, p. 104.

(3) Lieutenant-colonel Rommel, L’infanterie attaque, enseignements et expérience vécue, École d’application de l’infanterie, p. 60 et p. 97, cité dans Goya, « Sous le feu, réflexions sur le comportement au combat », Cahier de la réflexion doctrinale, 2006, p. 57.

(4) Jary et Carbuncle, « Infantry Firepower », British Army Review, no 114, décembre 1996, cité dans Goya, op.cit., p. 57.

(5) Voir notamment la charge britannique du 21 mai 2004 en Irak.

(6) « […] dans l’Antiquité, se retirer de l’action était pour le soldat chose à la fois difficile et périlleuse ; aujourd’hui, la tentation est bien autrement forte, la facilité plus grande et le péril moindre ». Ardant du Picq, op. cit. p. 84.

(7) « Sous la mitraille, un homme couché à quatre mètres d’un autre est seul. Le souci individuel absorbe toutes les facultés. Il peut alors succomber à la tentation de s’arrêter, de se dissimuler, de s’écarter hypocritement, puis de fuir.  » Paul Lintier, Ma pièce, souvenirs d’un canonnier (1914), Plon-Nourrit, 1916, p. 45, cité dans Goya, op. cit. p. 33.

(8) L’effet sera d’autant plus opérant que la cohésion du défenseur est faible ; l’affaiblissement préalable du moral adverse est ainsi essentiel à la réussite d’une charge à la baïonnette. De même pouvons-nous noter son efficacité face à des groupes d’insurgés inexpérimentés et d’origines diverses (manquant donc de cohésion) ou dans l’étude du dispersement de mouvements de foule (masse de circonstance sans esprit de corps).

(9) Cela étant, des engagements dus à des situations de surprise ne manquent pas au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, quoiqu’ayant bien souvent lieu à un niveau quasi individuel. Ces engagements souvent dus à des dysfonctionnements d’armement, autre forme de surprise matérielle (quelques instances documentées pour les Malouines dans Tim Ripley, Bayonet Battle, MacMillan, London, 1999) permettent de conserver l’utilité de la baïonnette en tant qu’ultima ratio du combat d’infanterie. Une étude approfondie du combat en environnement urbain mènerait par ailleurs à reconsidérer l’usage de la baïonnette dans le cadre du C4 en milieu restreint.

(10) Sur un total de 2 052 984 blessés. Ministère de la Guerre, Direction du Service de santé, Étude de statistique chirurgicale, guerre de 1914-1918, « Les blessés hospitalisés à l’intérieur du territoire ». L’évolution de leurs blessures, tableau LII, tome 1er, Imprimerie Nationale, 1924, p. LXIII.

(11) Sans nier sa portée, cette remarque reste à moduler par la tendance du combattant à user de moyens contondants (coups de crosse notamment) pour se débarrasser de son adversaire.

(12) D’autant plus qu’une partie de ces pertes est imputable au caedes  : le défenseur en déroute subissant unilatéralement, apathique ou en fuite, la frénésie du vainqueur.

(13) La préférence pour la mort par balle se retrouve chez D. Grossman, On Killing, Back Bay Books, 1995, p. 121 « This powerful revulsion to being killed with cold steel can also be observed with mutinous Indian soldiers captured during the 1857 Sepoy Mutiny who “begged for the bullet” by pleading to be executed with a rifle shot rather than the bayonet […]. We have seen this in Rwanda, where the Hutu tribesmen made their Tutsi victims purchase the bullets they would be killed with in order to avoid being hacked to death.  »

(14) Marc Bloch, L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Coll. « Quarto », Gallimard, Paris, 2006, p. 132.

(15) « This was a very critical point in the operation : […] fire was not to be opened unless absolutely necessary ; wounded had to be attended to ; and having just seen some of their comrades becoming casualties the soldiers were not feeling particularly sympathetic towards the Arab mutineers.  » Major Miller, cité dans Tim Ripley, op. cit. p. 227.

(16) Major Miller cité dans Tim Ripley, ibid.

(17) S’opposant par là à l’indistinction charge/charge à la baïonnette – « nul ne tient devant une attaque à la baïonnette […], baïonnette au canon ou dans le fourreau il n’importe  » – chez Ardant du Picq, op. cit., p. 121.

(18) À l’instar de la charge de McDonald à Wagram qui ne voit arriver au contact qu’entre 14 et 7 % de ses 22 000 soldats ; avec une estimation haute d’un tiers de blessés et de tués, le reste, soit un minimum de 55 %, ayant ralenti la marche d’approche ou s’étant volontairement laissé choir. Voir Ardant du Picq, op. cit., p. 131.

(19) « […] et toujours une des deux troupes si près que l’on voudra, à deux pas si l’on veut, fait demi-tour avant l’abordage. » Ardant du Picq, op. cit., p. 120.

Service de place, service en campagne, service intérieur, (20) Voir sur le traumatisme pour l’assaillant de l’engagement corps à corps, D. Grossman, op. cit., p. 120-133.

(21) « L’ordre seul alors impose dans une attaque, parce qu’il indique une résolution réelle, et voilà pourquoi il en faut prendre l’habitude, et le garder jusqu’au dernier moment, jusqu’au moment du corps perdu. » Ardant du Picq, op. cit., p. 121.

(22) Coup de main du chef d’escadron Gourgaud sur un avant-poste russe à la veille de la bataille de Laon, en mars 1814, et opération nocturne des chasseurs des Vosges lors la destruction du pont de Fontenoy où il est « expressément recommandé de ne pas tirer et de se servir uniquement de l’arme blanche ». Respectivement Histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1837, tome 5, Delloye, 1838, p. 221 et Destruction du Pont de Fontenoy, 22 Janvier 1871, Service de place, service en campagne, service intérieur, Cours spécial des E.O.R. reproduit dans art. 5 no 128, Études Touloises, 2008, p. 27-31.

(23) Ardant du Picq, op. cit., p. 112.

(24) Groupes pouvant être aussi offensifs et rebelles que les mutins d’Aden mâtés, sans effusion de sang chez eux, à la seule baïonnette.

(25) Tant par la seule vue de la baïonnette que par des exercices de démonstration de force (fixation ostentatoire et marche en rang baïonnette au canon). Voir Field Manual 19-15, division 8-3 et 11-6, 25 novembre 1985.

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