Magazine Diplomatie

L’Amérique centrale : un « continent » déchiré

Pont entre l’Amérique du Sud, avec laquelle ils partagent une forte proximité culturelle, et l’Amérique du Nord, à laquelle leur histoire est profondément liée, les sept petits pays de l’Amérique centrale, toujours aux prises avec leurs difficultés économiques et sociales, peinent à affirmer leur identité sur la scène internationale.

Dans un espace plus réduit que la superficie de la France (moins de 450 000 km2) cohabitent sept nations souveraines d’une diversité exceptionnelle à tous égards » (1). Cette phrase d’Alain Rouquié annonçait déjà, il y a plus de 20 ans, la complexité des problématiques liées à l’Amérique centrale.

De nos jours, si nous parlons d’une Amérique centrale déchirée, c’est parce qu’au-delà de la « diversité exceptionnelle » évoquée précédemment, tant au niveau géographique qu’historique, politique ou géopolitique, les pays de cette région furent soumis à des changements extrêmes. Certes, il ne s’agit pas de revenir sur les débats terminologiques concernant le mot « continent », les questions sont multiples à ce sujet. Existe-t-il un continent américain allant de la Terre de Feu jusqu’à l’Alaska ? Peut-on plutôt parler, d’un côté, d’un continent nord-américain comprenant les États-Unis et le Canada et, de l’autre côté, d’un continent latino-américain composé de l’Amérique du Sud, de l’Amérique centrale et du Mexique ? Serait-il plus judicieux d’évoquer une Amérique du Sud, une Amérique centrale et une Amérique du Nord ? Ces questions soulèvent encore, de nos jours, de nombreuses controverses dans les enceintes académiques. Toutefois, le Dictionnaire Larousse rappelle que l’Amérique centrale représente « la partie la plus étroite de l’Amérique (traditionnellement limitée par les isthmes de Tehuantepec au Mexique et de Darién au Panamá), englobant (outre la partie méridionale du Mexique) sept États : Guatemala, Belize, Honduras, Salvador, Nicaragua, Costa Rica et Panama ».

Déchirement géographique et historique

Mais, au-delà des questions sémantiques, il convient de mentionner que dès le processus d’indépendance de l’Amérique latine au début du XIXe siècle, l’Amérique centrale fut déjà géographiquement déchirée entre une Amérique du Sud puissante et un Mexique particulièrement fort et étendu, situé géographiquement en Amérique du Nord (2). Or, depuis le fameux discours du président américain James Monroe en 1823 et la doctrine qui en résulta, les États-Unis ont, pendant pratiquement deux siècles, conçu l’Amérique latine, et donc l’Amérique centrale, comme leur « chasse gardée ».

Cette doctrine Monroe, énonçant que les États-Unis s’engageaient à ne pas intervenir dans les affaires intérieures de l’Europe si les Européens cessaient eux-mêmes d’intervenir dans la région, allait être appliquée avec plus ou moins d’intensité, faisant en tout état de cause du continent latino-américain un lieu d’intervention privilégié des États-Unis. Mais c’est surtout en Amérique centrale que les interventions militaires directes étasuniennes furent les plus fréquentes. 

Ainsi, en 1912, le président Roosevelt envoya des troupes au Nicaragua pour y rétablir l’ordre, à la suite d’un mouvement social. On peut également mentionner l’intervention américaine au Panama entre 1918 et 1921 sous la présidence de Woodrow Wilson. Au Nicaragua, la guérilla entreprise par Augusto Sandino allait pousser le gouvernement américain à envoyer des troupes sur le terrain en 1933 afin d’écraser la rébellion. L’époque de la guerre froide renforça encore les interventions des États-Unis en Amérique centrale. Les militaires américains interviendront au Guatemala en 1954, au Panama en 1947 et 1960.

Citons de surcroit la création de toute pièce du Panama par les États-Unis en 1903. Après la signature du traité de Hay-Buneau-Varilla en 1903, le gouverneur du Panama accorda les droits à perpétuité et la gestion souveraine sur le canal à l’administration américaine, en échange d’une rente annuelle. Le canal de Panama offrit alors au géant américain une voie de communication interocéanique de premier ordre reliant la mer des Caraïbes dans l’Atlantique et le golfe de Panama dans le Pacifique. Depuis 1903, cet accord entre le Panama et les États-Unis a connu de nombreuses renégociations, jusqu’à sa remise en cause définitive par le traité Torrijos-Carter en 1977, prévoyant la restitution du contrôle du canal au Panama pour la fin des années 1990. Bien que l’Autorité du canal de Panama ait repris la direction du couloir de navigation, l’histoire du pays restera marquée par sa création artificielle et son invasion presque un siècle plus tard par les troupes américaines conduisant à la destitution du dirigeant panaméen Manuel Noriega pour trafic de drogue en 1990.

Mais l’histoire de la création de l’État du Panama n’est pas le seul exemple historique à l’origine du déchirement de l’Amérique centrale. Celui-ci se constate aujourd’hui tant au niveau politique que géopolitique.

Déchirement politique

Sans remonter trop loin dans l’histoire de l’Amérique centrale, celle-ci a subi les mêmes changements politiques, et aux mêmes périodes, que l’ensemble des pays d’Amérique latine. Olivier Dabène évoque à ce propos « l’interdépendance en Amérique latine quand différents régimes s’influencent, se copient, s’imitent, et se font des emprunts mutuels, mais aussi, en même temps, s’adaptent de façon semblable à leur environnement intérieur et extérieur. » (3) L’Amérique centrale n’échappe pas à ce processus.

Dès le début des années 1970 jusqu’à la fin des années 1990, les pays d’Amérique centrale, à l’instar de ceux d’Amérique latine, ont connu des dictatures militaires, elles-mêmes combattues par des guérillas marxistes. Certes, toutes les dictatures de l’Amérique latine furent sanglantes, notamment au Chili et en Argentine. Pourtant, le déchirement des guerres civiles qui se sont produites à cette époque lors des affrontements entre les dictatures et guérillas en Amérique centrale se distingue par une violence extrême, que ce soit au Salvador, au Honduras, au Nicaragua ou au Guatemala (4).

<strong>Nicaragua</strong>
• Capitale : Managua
• Régime présidentiel 
• Parlement monocaméral
• Président : Daniel Ortega (réélu le 6/11/16)
• Superficie : 129 494 km2
• Population : 6,1 M hab.
• PIB : 12,7 Md$
• Taux de croissance en 2015 : 7 %
• Classement IDH* 2015 : 127e (sur 191)
• Langue officielle : espagnol

* Indice de développement humain. 
Sources : FMI, Banque mondiale, MAE.

Dans les années 1980 à 1990, comme l’ensemble des pays d’Amérique latine, l’Amérique centrale opère une transition démocratique définie comme un processus commun de passage de régimes martiaux à des régimes constitutionnels. Les dictatures tombent une à une pour être remplacées par des régimes démocratiques. Comme le dit Hubert Gourdon : « On peut citer une pacification idéologique de ces sociétés dont les intellectuels, dessaisis par l’histoire d’un marxisme autrefois érigé soit en utopie soit en mythes propagateurs de violence, se sont, semble-t-il, convertis à une perception pluraliste de la politique identifiée à la démocratie. Un deuxième argument à l’appui de ce retrait des militaires évoque la conversion des États-Unis qui firent le choix de confier exclusivement au jeu aléatoire de ce pluralisme les impératifs de leur géopolitique impériale » (5).

<strong>Panama</strong>
• Capitale : Panama
• Régime présidentiel 
• Parlement monocaméral
• Président : Juan Carlos Varela (depuis le 1/7/14)
• Superficie : 75 517 km2
• Population : 4 M hab.
• PIB : 52 Md$
• Taux de croissance en 2015 : 5,8 %
• Classement IDH* 2015 : 63e (sur 191)
• Langue officielle : espagnol

* Indice de développement humain. 
Sources : FMI, Banque mondiale, MAE.

Mais, si les régimes politiques d’Amérique centrale deviennent démocratiques, il n’en demeure pas moins que le concept de déchirement est le mieux à même de définir la situation actuelle de ces pays. Ainsi, les récentes élections en Amérique centrale des années 2014-2015 font apparaître un contraste flagrant entre une gauche sud-américaine puissante dans les années 2010 – notamment avec les leaders charismatiques tels Hugo Chavez au Venezuela, Evo Morales en Bolivie, Rafael Correa en Équateur, Lula Da Silva au Brésil (6) –, et les politiques néolibérales menées par les gouvernements tant de centre droit que de centre gauche, en Amérique centrale. 

Au moment où la gauche sud-américaine populiste de Chavez mettait en exergue un « socialisme du XXIe siècle », les gouvernements de centre droit ou centre gauche en Amérique centrale apparaissaient en effet comme beaucoup plus modérés que leurs voisins sud-américains. Même le Nicaragua, qui avait renversé le dictateur Somoza dans les années 1980 par une guérilla sandiniste marxisante, avec à sa tête Daniel Ortega, devenu ensuite président de la République, applique désormais une politique économique favorable à l’accueil de firmes internationales, certes vecteurs d’emplois, mais au détriment parfois de la politique sociale.

Au Nicaragua

La révolution sandiniste de 1979 avait constitué un tournant majeur de l’histoire du Nicaragua. Le dictateur Somoza, propriétaire d’un tiers des richesses nationales, avait été vaincu par la guérilla sandiniste (du nom du leader Sandino qui, en 1933, s’était opposé à une intervention armée des États-Unis dans le pays). Cette révolution consacra l’arrivée au pouvoir du Front sandiniste de libération nationale, qui s’y maintiendra jusqu’en 1990. Il s’agissait alors pour le Front de mener une double réforme sociale et économique, malgré l’embargo imposé par les États-Unis, et le financement d’une guérilla contre-révolutionnaire (les contras) par le président américain de l’époque, Ronald Reagan.
Tel n’est plus le cas aujourd’hui. En effet, le paradoxe est saisissant entre les positions du leader guérillero Daniel Ortega des années 1980, élu président de la République sous la bannière du Parti sandiniste en 1985, et la politique néolibérale qu’il mène depuis ses deux réélections plus tardives en 2006 et 2011 (7).

Au Salvador

Au Salvador, le Front Farabundo Marti de libération nationale – la guérilla marxiste qui combattait la dictature dans le pays – s’est transformé en parti politique après la transition démocratique de 1989 (en conservant son nom d’origine). Le scrutin présidentiel de 2014 a accordé une majorité faible, mais suffisante, à son leader historique, Salvador Sanchez Ceren. La nouvelle politique de ce parti correspond pourtant elle aussi aux grands standards d’une économie libérale.

Au Costa Rica

Toujours la même année, en mai 2014, le centre gauche accède aussi au pouvoir au Costa Rica avec Luis Guillermo Solis, qui remporte les élections avec une large majorité (77 % des suffrages).

Au Panama

Le centre droit et les politiques libérales qui en découlent s’imposent également au Panama, là encore en 2014 avec l’élection, au premier tour, de Juan Carlos Varela comme président de la République. Cet homme politique connu dans le pays, qui fut vice-président et ministre des Affaires étrangères, représentait le Parti panaméiste de centre droit. Le Parti panaméiste s’était allié pour ces élections au Parti populaire, autre parti de droite du Panama.

Au Guatemala

Au Guatemala aussi, mais en 2016, le centre droit revient au pouvoir après la démission du président Otto Perez Molina (droite sécuritaire), mis en cause pour des affaires de corruption. Jimmy Morales, soutenu par le Front de convergence nationale, est alors élu président de la République, avec 67,44 % des suffrages. Sa campagne portait essentiellement sur la lutte contre la corruption dans le pays et l’assainissement de l’économie.

Cette position néolibérale de centre droit ou de centre gauche s’inscrit en Amérique centrale dans un contexte dans lequel l’intégration régionale n’est pas très avancée, notamment si on la compare à l’UNASUR (Union des nations sud-américaines) de l’Amérique du Sud ou à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) du Mexique, des États-Unis et du Canada. À cet égard, le déchirement des gouvernements d’Amérique centrale, incapables de s’entendre sur une intégration économique et politique continue, est patent et force ces pays à relever de nouveaux défis géopolitiques.

<strong>Salvador</strong>
• Capitale : San Salvador
• Régime présidentiel 
• Parlement monocaméral
• Président : Salvador Sanchez Ceren (depuis le 1/6/14)
• Superficie : 21 041 km2
• Population : 6,3 M hab.
• PIB : 26,7 Md$
• Taux de croissance en 2015 : 2,4 %
• Classement IDH* 2015 : 120e (sur 191)
• Langue officielle : espagnol

* Indice de développement humain. 
Sources : FMI, Banque mondiale, MAE.

Les nouveaux défis politiques et géopolitiques de l’Amérique centrale déchirée

Corruption

La concrétisation laborieuse de l’indépendance économique et politique de l’Amérique centrale se double de nombreux obstacles au développement de la région. Aucun des sept pays n’est classé dans les têtes de listes des pays émergents comme le Brésil, membre des BRICS. La corruption semble très difficile à combattre dans certains États, notamment le Guatemala où les élites politiques continuent à recevoir de l’argent provenant de trafics illégaux. Et que dire du Belize, considéré par de nombreux organismes internationaux – parmi lesquels l’Union européenne et l’Organisation de coopération et de développement économiques – comme un paradis fiscal dont les banques seraient particulièrement favorables au blanchissement de l’argent « sale » ?

<strong>Belize</strong>
• Capitale : Belmopan
• Régime semi-parlementaire – semi-présidentiel
• Parlement bicaméral avec un Sénat et une Assemblée nationale
• Monarque : Élisabeth II
• Premier ministre : Dean Barrow (depuis le 8/2/2008)
• Superficie : 22 966 km2
• Population : 360 000 hab.
• PIB : 1,76 Md$
• Taux de croissance en 2015 : 1 %
• Classement IDH* 2015 : 106e (sur 191)
• Langue officielle : anglais

* Indice de développement humain. 
Sources : FMI, Banque mondiale, MAE.

Violence et criminalité

De surcroit, un phénomène est présent dans semble-t-il tous les pays de l’Amérique centrale : une forte violence due à de nombreux trafics illicites, en particulier celui de la drogue [lire p. 74]. En effet, pour faire passer aux États-Unis l’essentiel des productions de cocaïne issues des pays andins, les narcotrafiquants doivent, avant de franchir la frontière entre le Mexique et les États-Unis, traverser l’ensemble de l’Amérique centrale, où ils entretiennent une délinquance endémique. Les organisations mafieuses d’Amérique centrale, comme les maras au Salvador – dont les membres sont reconnaissables aux nombreux tatouages peints sur leur corps et leur visage –, auteurs de multiples meurtres et actes de violence, sont maintenant connus. Par ailleurs, le nombre d’armes restées en circulation après les guérillas est très important dans ces pays, ce qui renforce encore les phénomènes de violence.

<strong>Costa Rica</strong>
• Capitale : San José
• Régime présidentiel 
• Parlement monocaméral 
• Président : Luis Guillermo Solis (aussi chef du gouvernement) (depuis le 8/5/2014)
• Superficie : 51 100 km2
• Population : 4,8 M hab.
• PIB : 52,9 Md$
• Taux de croissance en 2015 : 2,8 %
• Classement IDH* 2015 : 68e (sur 191)
• Langue officielle : espagnol

* Indice de développement humain. 
Sources : FMI, Banque mondiale, MAE.

Le déchirement de l’Amérique centrale s’exprime aujourd’hui dans des phénomènes que l’on pensait définitivement bannis de l’Amérique latine. Ainsi le Honduras a-t-il subi un coup d’État en 2009. L’armée, soutenue par la Cour suprême et le Congrès, a renversé le président élu, Manuel Zelaya, et désigné Roberto Micheletti président de facto, jusqu’aux nouvelles élections de novembre 2009 qui virent la victoire légale de Roberto Micheletti Baín. 

De même, alors que les conflits armés entre États semblaient avoir disparu de l’ensemble du continent latino-américain au XXe siècle, une « petite guerre » a opposé le Guatemala et le Brésil en 2016. Les deux belligérants étaient en désaccord depuis plus d’un siècle à propos d’un territoire nommé Adyacencia, se situant dans la partie sud du Belize, et revendiqué par le Guatemala. Ce territoire avait été donné par la Grande-Bretagne au seul pays anglophone d’Amérique centrale, le Belize, en 1859. En avril 2016, les troupes armées du Belize intervinrent dans la zone Adyacencia, pour, d’après le Belize, riposter à une attaque, causant la mort d’un jeune homme qui était présent à la frontière. Cet incident marqua l’émergence de nouvelles fortes tensions entre les deux pays. En réponse, le président Jimmy Morales déploya 3000 soldats à la frontière pour garantir l’appartenance guatémaltèque de cette zone.

<strong>Guatemala</strong>
• Capitale : Guatemala
• Régime présidentiel 
• Parlement monocaméral
• Président : Jimmy Morales (depuis le 14/1/16)
• Superficie : 108 890 km2
• Population : 14,3 M hab.
• PIB : 63,79 Md$
• Taux de croissance en 2015 : 4,1 %
• Classement IDH* 2015 : 128e (sur 191)
• Langue officielle : espagnol

* Indice de développement humain. 
Sources : FMI, Banque mondiale, MAE.

Avancées sociales

Malgré ces problèmes, des avancées en matière sociale semblent être au rendez-vous dans certains pays d’Amérique centrale. Au Salvador, le Plan stratégique 2015-2019, qui propose un meilleur accès à l’eau, à l’éducation, à la santé et l’instauration d’un système de sécurité sociale, a permis une bonne croissance économique du pays. De même, la collaboration entre le Salvador et le Brésil en matière de lutte contre la pauvreté a obtenu des résultats significatifs avec la construction d’un système public de sécurité alimentaire. Au Costa Rica, seul pays au monde à ne plus disposer volontairement d’une armée depuis la fin de la guerre civile en 1948, le président Luis Guillermo Solis a investi fortement, et avec succès, dans des énergies renouvelables et des entreprises de haute technologie à travers son Plan national de lutte contre la pauvreté. Au Guatemala, le président Jimmy Morales a entrepris une grande réforme de l’éducation et du système de santé permettant un meilleur accès de la population aux médicaments et au matériel chirurgical. Il apporte en outre une garantie de logement aux familles les plus pauvres et un soutien appuyé au développement des petites et moyennes entreprises.

<strong>Honduras</strong>
• Capitale : Tegucigalpa
• Régime présidentiel 
• Parlement monocaméral
• Président : Juan Orlando Hernandez (depuis le 27/1/14)
• Superficie : 112 492 km2
• Population : 8,3 M hab.
• PIB : 20,3 Md$
• Taux de croissance en 2015 : 3,5 %
• Classement IDH* 2015 : 133e (sur 191)
• Langue officielle : espagnol

* Indice de développement humain. 
Sources : FMI, Banque mondiale, MAE.

Avancées économiques

Au niveau géopolitique et économique, l’élargissement du canal de Panama en 2016 constitue un changement considérable. En effet, cette opération permet dorénavant à des bateaux de 49 mètres de large et 366 mètres de long, pouvant transporter jusqu’à 12 000 conteneurs, de transiter par ce canal. Les capacités de navigation du canal de Panama ont été triplées, renforçant ainsi les échanges commerciaux avec les États-Unis et offrant une ouverture sur l’Asie. Le Nicaragua travaille lui aussi à la construction d’un canal de même envergure et qui devrait permettre d’obtenir de meilleurs résultats. Cela dit, on peut se demander s’il n’en résultera pas une concurrence accrue entre les deux pays qui vont offrir les mêmes services (8).

En définitive, le « continent » de l’Amérique centrale, comme nous l’avons appelé, semble bien, pour le moins symboliquement, déchiré. À l’inverse de l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale ne semble pas engagée, malgré quelques tentatives, dans l’élaboration d’une politique diplomatique discutée et partagée par l’ensemble des pays de la région. 

Par ailleurs, on ne peut encore que s’interroger sur la position du nouveau président des États-Unis, Donald Trump, à l’égard de ces petits pays d’Amérique centrale. Si le renforcement du contrôle des frontières entre le Mexique et les États-Unis a tout de suite été engagé par le nouveau président américain, quelle sera sa politique en Amérique centrale, zone dans laquelle traditionnellement les États-Unis sont toujours intervenus très fortement ?

L’avenir d’une Amérique centrale forte semble donc dépendre de sa capacité à dépasser ce déchirement en luttant plus efficacement contre les différents trafics et organisations mafieuses et la violence endémique liée, ainsi qu’en construisant une véritable politique d’intégration régionale à l’instar de ses voisins du Sud et du Nord ou une politique de collaboration continentale concrète qui lui permettrait d’avoir une position géopolitique plus affirmée. Si cela ne s’avérait pas possible, l’Amérique centrale devrait alors choisir entre un rapprochement avec le Mexique ou un rapprochement avec l’UNASUR pour peser davantage dans les débats planétaires.

Notes

(1) Alain Rouquié (coord.), Les forces politiques en Amérique centrale, Paris, Karthala, 1991, p. 9.

(2) Alain Rouquié, Le Mexique, un État nord-américain, Paris, Fayard, 2013.

(3) Olivier Dabène, La région Amérique latine, interdépendance et changement politique, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1997, p. 26.

(4) À noter à ce titre que la Guatémaltèque Rigoberta Menchú, d’origine indienne, a reçu le prix Nobel de la paix en 1992, en reconnaissance de son travail pour la justice sociale et la réconciliation ethnoculturelle basées sur le respect pour les droits des peuples autochtones, longtemps combattus par le pouvoir central.

(5) Hubert Gourdon, « Violence, politique et armée en Amérique latine », Pouvoirs, Paris, Seuil, no 98, septembre 2001, p. 117.

(6) Actuellement, cette gauche sud-américaine semble quelque peu s’essouffler avec la mort de Chavez au Venezuela en 2013, remplacé par Nicolas Maduro à la tête d’un État toujours en pleine crise sociale et économique, la destitution en 2015 de Dilma Roussef au Brésil pour corruption, remplacée par son vice-président Michel Temer la même année, et l’élection de Lenin Moreno en Équateur le 24 mai 2017, qui remplace le charismatique Rafael Correa.

(7) Rappelons qu’après la révolution des années 1980, Daniel Ortega laisse la place à des gouvernements plus réformateurs et plus éloignés de la vulgate révolutionnaire sandiniste. Cependant, contre toute attente, il est réélu deux fois président de la République en 2006 et 2011. Il remporte d’ailleurs le dernier scrutin avec 72,5 % des suffrages. Même si ces élections furent contestées, le Secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), Luis Almagro, finira par reconnaitre leur légalité.

(8) Cette opération a largement été financée par des entreprises chinoises.

Article paru dans la revue Diplomatie n°87, « Terrorisme – Les filières djihadistes en Europe », juillet-août 2017.

Jean-René Garcia, Denis Rolland et Patrice Vermeren (dir.), Les Amériques, des constitutions aux démocraties : philosophie du droit des Amériques, Paris, MSH éditions, 2015.

Légende de la photo ci-dessus : Portrait de Daniel Ortega, président nicaraguayen, sur un mur de Belen, au Nicaragua. Omniprésent dans l’histoire politique du pays depuis les années 1960, il semble désormais déterminé à utiliser son alliance avec le patronat pour asseoir l’emprise de son clan. (© Barna Tanko/shutterstock.com)

À propos de l'auteur

Jean-René Garcia

Jean-René Garcia est professeur des universités associé en droit public à l'Université Paris-XIII Sorbonne Paris Cité, codirecteur du master « Études stratégiques » de la faculté de droit de l’université Paris-XIII, et conseiller auprès des secrétaires perpétuels Catherine Bréchignac et Jean-François Bach de l’'Académie des sciences-Institut de France.
Spécialiste des processus constitutionnels en Amérique latine et en philosophie du droit, il a été chercheur associé à l’'Université de la Cordillera (La Paz, Bolivie) et a aussi enseigné et donné des conférences au Brésil, à Cuba, au Mexique, en Uruguay.

À propos de l'auteur

Nikolas Kouloglou

Doctorant en science politique à l’Université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité.

0
Votre panier