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Le Somaliland : trajectoire singulière d’une région somalie dans la guerre civile

La crise du Golfe a remis sur le devant de la scène un problème que ni les États de la région, ni la communauté internationale n’ont été pressés de résoudre alors qu’il est posé depuis près d’une vingtaine d’années : la déclaration unilatérale d’indépendance du Somaliland survenue en 1991.

Un accord du Somaliland (ou Nord-Ouest de la Somalie, pour utiliser le terme qui prévalait avant 1991) avec les Émirats arabes unis (EAU) pour développer le port et l’aéroport de Berbera, construire une base militaire et utiliser ces infrastructures à des usages guerriers (Yémen), signé en 2017, n’avait guère soulevé de protestation dans le reste de la Somalie, où les élites politiques restaient empêtrées dans leurs propres disputes. C’est lorsqu’il a été proposé à l’Éthiopie de devenir actionnaire de la gestion du grand port somalilandais que les esprits se sont enflammés.

Depuis la déclaration d’indépendance proclamée unilatéralement par les chefs coutumiers en 1991, avec plus ou moins d’emphase, les nationalistes somalilandais ont produit une relecture de l’histoire de leur pays et de ses relations avec l’ancienne colonie italienne de Somalie. Sans revenir ici sur cette réécriture de l’histoire, le maître argument qui a perduré dans les conditions changeantes de la guerre civile au Sud a toujours été le même : le Somaliland ayant réussi à se construire comme un havre de paix alors que le reste de l’ancienne Somalie n’a eu de cesse de prolonger une guerre civile sanglante menée par les chefs de guerre puis par les djihadistes, le développement du Somaliland requiert une reconnaissance internationale sur la base des frontières coloniales.

Mais la politique régionale peut aujourd’hui fragiliser les acquis du Somaliland comme elle a contribué jusque-là à les réaliser. Le système économique qui a peu à peu émergé dans les années 1990 est problématique à plus d’un titre. Les divisions internes, quand bien même elles ne conduisent pas toutes à l’affrontement militaire, sont plus profondes aujourd’hui qu’hier et l’offre politique que représente Mogadiscio est plus tangible qu’elle n’a été dans les dernières années en dépit de multiples faiblesses.

La construction de la paix 

Le Somaliland est l’une des expériences les plus originales de construction de la paix (1), ayant débouché sur un système politique qui a réussi à fonctionner jusqu’à aujourd’hui dans des conditions bien meilleures qu’au Sud de la Somalie.

La création du Mouvement national somalien (MNS) date de 1981, mais son assise populaire demeure restreinte pendant des années. Ce groupe armé est sanctuarisé en Éthiopie, qui fait alors figure d’ennemi absolu de la Somalie. Deux séries d’événements vont transformer cette donne. D’une part, une centralisation économique sur Mogadiscio qui prive les opérateurs économiques du Somaliland de toutes marges, s’ils ne sont pas des clients du régime. D’autre part, une violente répression qui pousse une grande part de la population dans les bras du MNS.

Lorsqu’en 1991, Mogadiscio tombe dans les mains des rebelles, l’armée se disloque au Somaliland. La population et le MNS la décrivent alors comme une armée de sudistes, faisant fi des nombreux Somalilandais qui participent à la guerre du côté gouvernemental et oubliant également les violences commises par le MNS sur les civils (même si elles étaient moins nombreuses). La paix au Somaliland va d’abord être construite sur un rapport de force entre le MNS représentant essentiellement les clans Isaaq majoritaires, et les clans minoritaires à l’Est (Dhulbahante et Warsangeli), et à l’Ouest (Gadabursi et Issa) (2).

Cette paix est fragile. Entre 1991 et le début 1993, le MNS se divise et des combats reprennent dans une partie du pays. Ils cessent grâce à la Conférence de Boorama, second événement fondateur du Somaliland qui se tient au printemps 1993 et élit l’ancien Premier ministre (1967-1969), Mohamed Ibrahim Egal, au poste de Président. Celui-ci se retrouve dès 1994 devant un nouveau conflit qui l’oppose à des milices Isaaq du centre du Somaliland mais également plus subtilement à une tendance du MNS qui essaie grâce à la guerre de reprendre la haute main sur la direction du gouvernement. C’est seulement après l’éviction de ces derniers qu’une pacification réussit en 1996.

Cette paix va durer pendant de longues années jusqu’aux premiers incidents dans l’Est en 2004. Mohamed Ibrahim Egal, jusqu’à sa mort en mai 2002, a œuvré à une institutionnalisation du système politique. D’une part, un Parlement et une Chambre haute qui permettent de coupler un système de gouvernance « moderne » avec un contrôle alloué aux chefs coutumiers (3). De l’autre, la création de trois partis politiques (et de trois seulement) pour représenter l’ensemble de la population, aux termes d’une Constitution adoptée unanimement (un objet en soi de controverses) en mai 2001. 

Sans surprise, les échéances électorales ont rapidement cristallisé les tensions non résolues du système politique. De 2005 à 2017, ces compétitions ont donné lieu à leurs lots d’accusations et de contre-accusations mais, de façon remarquable, ces élections se sont conclues pacifiquement. Les élites somalilandaises ont, de ce point de vue, fait preuve d’une maturité qui a souvent manqué à leurs homologues ailleurs en Somalie, car elles ont compris que la paix civile est un acquis historique. 

Il faut cependant noter qu’outre les fraudes, de nombreuses irrégularités ont sans doute eu lieu et tiennent souvent à la définition du corps électoral et à l’éviction du processus de certaines zones connues pour leur hostilité au Somaliland et/ou leur sympathie pour le Puntland voisin qui revendique les populations Dhulbahante et Warsangeli comme siennes (4). D’une manière très caractéristique, l’accent mis sur la modernité technologique dans les récentes élections permet d’occulter des questions basiques comme le droit dénié à tout candidat de prôner l’unité avec Mogadiscio ou le contrôle de la composition du corps électoral (5).

Une région acquise à la stabilisation

Nombre d’acteurs ont fortement contribué à la pacification du pays (6). Les chefs coutumiers, une classe politique relativement expérimentée (elle avait fait ses classes sous Siyaad Barre, n’en déplaise aux puristes), un dirigeant habile, Mohamed Ibrahim Egal. Reste qu’il y a aussi des facteurs plus géopolitiques qui expliquent ce succès, et dans le même temps, les échecs à répétition connus dans le Sud du pays.

D’abord, en termes de géographie humaine, le Somaliland est très différent du Sud de la Somalie. L’importance du pastoralisme fait que les populations vivent dans des zones relativement homogènes d’un point de vue clanique (on excepte ici les villes). Cela explique à la fois l’influence persistante des chefs coutumiers (sans même revenir au type de gestion coloniale) et la rareté des conflits sauf dans des zones spécifiques. Dans le Sud du pays, la situation est tout autre à cause de la présence de l’État colonial et postcolonial, des migrations internes, de l’urbanisation autrement plus importante et de la relative faiblesse du pastoralisme, eu égard aux services urbains et à l’agriculture.

Ensuite, les pays voisins ont joué systématiquement la carte de la paix, ce qui n’a pas été le cas au Sud de la Somalie. Djibouti a laissé ses grands commerçants d’origine isaaq réinvestir de l’autre côté de la frontière et contrôler jusqu’à aujourd’hui les importations de nourriture de base, tout en créant ainsi des milliers d’emplois au Somaliland. Ces commerçants ont soutenu financièrement le président Egal au sortir de la conférence de Boorama et ont payé le cantonnement des milices. Ils se sont certes remboursés avec des marges substantielles de profit, mais la paix a été gagnée grâce à eux. Rien de tel dans le Sud, où les commerçants n’avaient ni les capitaux, ni la vision pour financer une telle transformation. Surtout, l’Éthiopie a fait preuve d’une grande générosité. Elle a fait baisser à de multiples reprises les tensions, a empêché des dissidences armées de se sanctuariser sur son territoire. Elle a aussi pendant des années permis au Somaliland de commercer avec son hinterland sans payer de taxes ni utiliser des devises fortes. Ce n’est que dans les années 2010 qu’Addis-Abeba a revu ces conditions et les a durcies à son avantage. La raison de cette mansuétude initiale était de veiller à ne pas développer de troubles en Ogaden, région frontalière avec le Somaliland où des mouvements armés (dont le Front de libération nationale de l’Ogaden) tentaient de se développer. Elle était surtout, après 2005, d’éviter la contagion djihadiste qui avait déjà gagné le Sud. 

La posture de la communauté internationale a beaucoup évolué depuis 1991. Jusqu’en 1998, elle estime que réussir à stabiliser Mogadiscio permettrait une issue nationale à la crise. Elle échoue et doit alors s’en remettre aux pays de la région, l’Éthiopie en tout premier lieu. C’est à partir de 1998 que de nouvelles relations sont établies avec les autorités du Somaliland : elles ne sont pas sans nuage, celles-ci expulsant plusieurs fois des personnels diplomatiques occidentaux (un souvenir du comportement de Siyaad Barre). Ce soutien est renforcé après 2006, lorsque la menace djihadiste devient patente. Même si la communauté internationale soutient à bout de bras le processus de Djibouti en 2008-2009 puis les nouveaux gouvernements à Mogadiscio (au point de le reconnaître en 2013), elle veille à ce que l’aide au Somaliland ne se négocie pas à Mogadiscio mais à Hargeysa directement.

Des relations compliquées avec l’ancienne Somalie

Pourtant, loin d’être linéaire, le processus d’institutionnalisation au Somaliland a connu des à-coups, voire des reculs depuis 2010.
L’une des principales difficultés du Somaliland à crédibiliser son appel à l’indépendance tient à sa structure économique et son insertion dans l’économie de la région. Les ovidés, marginalement le bétail et les camélidés, constituent la principale ressource d’exportation. Ce secteur est aujourd’hui sous le contrôle d’opérateurs saoudiens, ce qui affecte considérablement les marges bénéficiaires et modifie profondément la structure des milieux d’affaires somalilandais. De plus, ces ovins viennent pour l’essentiel de l’Éthiopie qui, depuis quelques années, entend limiter le commerce informel avec le Somaliland compte tenu des tensions sur son marché des devises fortes. Les grandes compagnies somalilandaises – à l’exception sans doute de Dahab Shil, la plus grande compagnie pour l’envoi d’argent – ont un actionnariat national et non somalilandais. Il faut donc s’interroger sur les conséquences qu’aurait l’accession au statut d’État du Somaliland. Il n’y aucune raison d’imaginer qu’il bénéficierait demain des mêmes avantages qu’hier. Ce sont les secteurs aujourd’hui politiquement marginalisés qui en souffriraient le plus. 

D’un point de vue politique, la reconnaissance du gouvernement somalien par Washington en 2013 et l’appui renouvelé des organisations internationales (Ligue arabe, Union africaine et Nations Unies) à l’intégrité territoriale somalienne font que le Somaliland ne peut plus simplement évoquer la paix intérieure pour justifier son indépendance. Affirmer l’antériorité coloniale (7) ne dispense pas d’un référendum d’auto-détermination conduit avec l’assentiment de la capitale, ce à quoi se refusent les autorités somalilandaises, moins sûres de gagner demain ce qu’elles ont acquis hier (8). Le fédéralisme adopté par l’État somalien, quoi qu’on en pense par ailleurs, offre une réponse aux principales revendications des élites somalilandaises sans aller vers une indépendance. Les grands donateurs ne s’y sont pas trompés en invitant à des négociations directes par l’entremise de la Turquie et de Djibouti.

Enfin, Mogadiscio aujourd’hui n’est plus une ville en ruines, même si la sécurité y reste bien fragile. Le nationalisme somalilandais a prospéré sur l’absence de débats quant aux conditions de l’indépendance, quiconque discutant ce postulat étant emprisonné immédiatement. Mogadiscio reste encore un lieu où la libre expression est possible et beaucoup de Somalilandais font le voyage, certains pour récupérer leurs propriétés que le gouvernement leur restitue pour bien montrer qu’ils sont bienvenus, d’autres pour pouvoir dire tout le mal qu’ils trouvent aux autorités somalilandaises.

La détérioration du pluralisme politique

L’État au Somaliland ne gouverne que de façon approximative et négocie pour l’essentiel une grande part de ses activités (au-delà de la collecte des impôts) avec les grands opérateurs économiques et les chefs coutumiers, raison qui éclaire sans doute l’absence d’élections pour le Guurti depuis sa création en 1999. Il est plutôt l’expression d’un consensus politique sur le vivre-ensemble. Le problème est que ce consensus est en train de se désagréger à cause de la corruption et de la confiscation du pouvoir par une partie des élites isaaq. 

S’il est d’usage de critiquer la corruption du gouvernement à Mogadiscio, on oublie trop souvent qu’elle joue également un rôle important au Somaliland. Les donateurs restent discrets sur les « coûts de transaction » avec les ministères et la présidence de la République à Hargeysa, mais les organisations de la société civile sont plus prolixes. Cette corruption, faite d’accaparement de terrains, de détournement des taxes et de dessous de tables d’opérateurs économiques, est devenue contre-productive politiquement. Auparavant, les ministres, représentants d’un certain clan ou sous-clan, se devaient de redistribuer une bonne part des ressources détournées. Désormais, seuls les ministres deviennent riches, ce qui dans la durée affaiblit la légitimité de l’État. Ce problème est encore plus aigu à Mogadiscio.

De plus, la démographie a son importance, l’idée d’un partage de pouvoir entre les clans isaaq et les autres a vécu. Très rapidement, les clans minoritaires ont compris qu’ils n’étaient qu’un faire-valoir car le centre du pouvoir était contrôlé par les élites isaaq. Cette perception éclaire les conflits des années 1990 mais aussi les ralliements à Mogadiscio depuis 2000. En 2018, ce débat sur la marginalisation a même lieu au sein des Isaaq, notamment les clans qui auparavant bénéficiaient le plus de l’exportation des ovidés, et qui ont perdu une grande partie de leur pouvoir économique avec la mainmise saoudienne sur ce secteur.

Si le débat au sein des Isaaq reste policé, il en est tout autrement des différences entre les populations de l’Est et le gouvernement à Hargeysa. La probabilité de trouver du pétrole dans les régions de Sool et Sanaag a aiguisé les convoitises du Puntland et du Somaliland, mais aussi d’entrepreneurs politiques locaux. Alors que jusqu’en 2004, Hargeysa avait admis une pluralité d’allégeances dans ces zones pour éviter tout incident armé, la politique des gouvernants à Hargeysa et Garoowe est aujourd’hui plus véhémente, voire militariste. Si le dirigeant du Puntland entend faire de cette confrontation un argument électoral, il n’est pas sûr que le président du Somaliland nouvellement élu (2017) ait grand-chose à y gagner.

Nouvelles aubaines, nouveaux dangers

La menace djihadiste et la crise du Golfe ont constitué de véritables aubaines pour le Somaliland dans le court terme mais se révèlent beaucoup plus problématiques avec le temps. 

Les autorités du Somaliland se promeuvent en affirmant que leur pays est libre de toute influence des djihadistes, propos contestable sur la forme comme sur le fond. Le Mouvement des jeunes combattants (Al-Shabaab ou HSM) est né en 2004 ou 2005 à Mogadiscio, mais il inclut dès le début d’importants cadres somalilandais, dont Ahmed Aw Godane qui en est le dirigeant de 2008 à 2015 (9). De nombreux Somalilandais ont rejoint HSM après l’intervention militaire éthiopienne en décembre 2006. Les hommes politiques les plus importants du Somaliland ont perdu un fils dans les rangs de l’organisation djihadiste. Si le Somaliland est fondamentalement épargné jusqu’à aujourd’hui (encore faut-il se rappeler le terrible attentat d’octobre 2008), ce n’est pas simplement à cause de l’efficacité des services de renseignements somalilandais, éthiopiens, et occidentaux qui surveillent les principales villes, c’est aussi parce qu’Al-Shabaab a fait le choix de prendre d’abord le pouvoir au Sud à cause de la profondeur de la crise sociale et d’incertitudes politiques durables. Comme ailleurs en Somalie, les milieux d’affaires de gré ou de force cotisent pour le mouvement djihadiste et des recrues somalilandaises continuent de rejoindre le mouvement.

La crise du Golfe a rehaussé l’intérêt du port de Berbera qui fut pendant la guerre froide un port militaire (sis à côté d’un aéroport également militaire mais dont la piste nécessite une réhabilitation importante). La signature d’un accord avec Dubai Port World est intervenue en 2016 dans une période électorale troublée au Sud : il évoque une réhabilitation et une extension du port de Berbera, de la route entre Berbera et Hargeysa et même un appui budgétaire direct. Il a fallu attendre des mois avant que le Parlement somalilandais soit saisi des termes de l’accord. Les rumeurs de dessous de table ont été nombreuses. Surtout, les autorités du Somaliland ont fait preuve d’une double naïveté.

D’une part, elles ont oublié la mésaventure de Daallo Airlines, entreprise « somalilandaise » rachetée par la même compagnie émiratie en 2006, qui l’a mise en faillite. Il fallait donc obtenir des garanties sur le montant des investissements promis, ce qui n’a pas été le cas. De l’autre, la dimension militaire s’est révélée très coûteuse pour le Somaliland. Si Mogadiscio et les grands donateurs ont accepté la poursuite de l’aide au développement, la création d’une base militaire étrangère soulève des problèmes d’un tout autre ordre. La maladresse des EAU aura fait le reste, en déclarant n’avoir que faire de l’intégrité territoriale de la Somalie. Si nombre de terrains à Berbera ont été accaparés par les élites politiques, rien ne dit aujourd’hui que le développement des infrastructures de cette ville aidera à une reconnaissance du Somaliland. Au vu de la polémique diplomatique, on peut penser exactement le contraire.

Enfin, il est un aspect dont on parle très peu à propos du Somaliland, c’est la migration de ses jeunes (10). Contrairement à l’image de carte postale promue par ses partisans, le Somaliland doit faire face à une fuite de sa jeunesse vers les pays occidentaux. En soi, cela révèle un malaise social qu’on perçoit moins au Sud (mais qui existe tout autant) à cause de la reconstruction et/ou de la guerre. 

Le Somaliland est de ce point de vue dans une position ambivalente. Le système éducatif est plus performant qu’à Mogadiscio au point que certains diplômés vont chercher du travail dans la capitale somalienne au sein d’agences humanitaires ou de grandes ONG internationales car ils parlent et écrivent mieux l’anglais. L’économie vit des envois d’argent de la diaspora mais peine à inventer de nouveaux services, quelquefois à cause d’une population trop peu nombreuse (les chiffres officiels font sourire (11)) ou faute de capitaux suffisants (la diaspora qui rentre au pays est plus pauvre qu’on ne le dit).

L’idée que le Somaliland est indemne de l’extrémisme politique qui sévit au Sud est une fiction. La prévarication des élites gouvernantes comme l’altération des structures économiques avec une monétisation aujourd’hui du secteur du pastoralisme et l’autoritarisme qui se déploie dans les zones urbaines suscitent de nouvelles recrues et poussent à une remise en cause d’un système qui a su construire la paix mais peine à impulser les changements sociaux capables de séduire une grande partie de la jeunesse aujourd’hui désœuvrée et amère.

Somaliland : pays fantôme au cœur de la Corne de l’Afrique

Notes

(1) Pour une vision sympathisante, Mark Bradbury, Becoming Somaliland, Oxford, James Currey, African Issues, 2008. Markus Hoehne, Political Orientations and Repertoires of Identification : State and Identity Formation in Northern Somalia, PhD Dissertation Martin-Luther Universität Halle-Wittenberg, 2011.

(2) Daniel Compagnon, « Somaliland : un ordre politique en gestation », Politique africaine, no 50, juin 1993.

(3) Usure du pouvoir, transformations sociales, autonomie du social vis-à-vis du politique, la légitimité de ces Anciens s’étiole dans les années 2000. 

(4) Le Puntland (capitale Garoowe), créé en 1998, prétend rassembler les clans Harti dont Dhulbahante, Warsangeli et Majeerteen sont les plus importantes composantes.

(5) Nic Cheeseman, Gabrielle Lynch et Justin Willis (2018), « Digital dilemmas : the unintended consequences of election technology », Democratization, 2018.

(6) Roland Marchal, « Somaliland : entre construction et reconstruction d’un État », Afrique contemporaine, no 199, 2001.

(7) Le Somaliland a été une colonie britannique alors que le reste de la Somalie était sous domination italienne. Le Somaliland est devenu indépendant le 27 juin 1960 et l’est resté quatre jours jusqu’à sa fusion avec la Somalie « italienne » devenue indépendante le 1er juillet 1960. 

(8) La Constitution déclare l’indépendance du Somaliland dans ses frontières coloniales.

(9) Roland Marchal, The Rise of a Jihadi Movement in a Country at War, Paris/Nairobi, 2011.

(10) Nimo Ilhan Ali, Going on Tahriib : the causes and consequences of Somali Youth Migration to Europe, Rift Valley Institute, 2016.

(11) Le chiffre de 3,5 millions d’habitants est rarement repris, même par les analystes plutôt proches des aspirations somalilandaises.

Légende de la photo en première page : Vue sur la ville de Hargeysa, capitale de la république autoproclamée du Somaliland. La Somalie, à l’image des autres pays de la Corne de l’Afrique, d’abord assujettie aux rivalités entre pays européens, puis soumise à des régimes autoritaires et claniques, est aujourd’hui une zone déstabilisée par les groupes terroristes (dont le plus important est Al-Shabaab en Somalie), mais également le théâtre de rivalités entre les pays du Golfe. (© Shutterstock/Homo Cosmicos)

Article paru dans la revue Diplomatie n°94, « Russie : le monde selon Poutine », septembre-octobre 2018.

Voir les dernières publications en ligne de l’Observatoire de l’Afrique de l’Est (CERI/Sciences Po), et notamment :
• R. Marchal, « Mutations géopolitiques et rivalités d’États : la Corne de l’Afrique prise dans la crise du Golfe  », Note Analyse 4, mars 2018.
• Markus V. Hoehne, « Elections in Somaliland 2017 and their aftermath », Note Analyse 5, avril 2018.

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