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Parler aux talibans : un processus de paix en Afghanistan ?

Depuis juillet 2018, le dialogue régulier entre diplomates américains et émissaires talibans a ouvert une nouvelle phase dans la difficile recherche d’une sortie de crise en Afghanistan. S’il est trop tôt pour juger des résultats de la négociation engagée (1), on peut replacer ces rencontres dans leur double contexte, celui des évolutions internes à l’Afghanistan et celui du jeu des puissances régionales et internationales mêlées au conflit, alors que l’élection présidentielle est prévue en septembre 2019.

Toutes ces puissances assurent depuis des années que le processus de paix doit être « dans les mains des Afghans et piloté par eux ». La réalité est autre : le gouvernement afghan n’a été présent ni lors des négociations entre Américains et talibans au Qatar, ni lors des réunions organisées par Moscou avec les émissaires talibans. L’incertitude est d’autant plus grande que la classe politique est divisée sur le calendrier de la prochaine présidentielle, initialement prévue en avril 2019 et décalée à juillet, puis septembre, et sur l’hypothèse d’un gouvernement intérimaire préparant l’avenir.

Le contexte politico-stratégique : l’impasse guerrière

L’Afghanistan est confronté depuis quarante ans à une crise aux facettes successives : entrée des troupes soviétiques en 1979 pour sauver un régime communiste divisé ; dix ans de lutte menée contre l’Armée rouge par les moudjahidines avec soutiens américain, saoudien et pakistanais ; guerre civile entre milices des chefs de guerre après la victoire des moudjahidines (1992-1996) ; entrée en lice des talibans, qui fondent en 1996 l’Émirat islamique d’Afghanistan après la prise de Kaboul ; intervention américaine, appuyée par l’OTAN, après les attentats du 11 septembre 2001. La chute des talibans laisse place à un régime intérimaire dirigé par Hamid Karzaï qui, par deux fois (2004, 2009), est élu président. Pour aider le fragile État à se reconstruire, une politique internationale de grande ampleur se met en place, sous l’égide de l’ONU, tandis qu’une Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) cherche à rétablir l’ordre tout en pourchassant Al-Qaïda, alors que les forces de sécurité afghanes (armée et police nationale) se reconstituent.

À compter de 2004-2007, les talibans reprennent vigueur : leurs chefs sont au Pakistan, mais attaques et attentats se multiplient sur le sol afghan. Le président Barack Obama (2009-2017) se résout au sursaut militaire : en 2011, la FIAS compte 132 000 hommes, dont 90 000 Américains. Ce contingent s’amoindrira vite, et le mandat de la FIAS se terminera en décembre 2014, laissant place à la mission « Resolute Support », soit environ 17 000 hommes veillant surtout à la formation des forces afghanes de sécurité, en première ligne désormais contre les talibans, et payant un lourd tribut avec 6 700 tués en 2016, soit trois fois plus en un an que le total des pertes américaines de 2001 à 2018. Les pertes civiles augmentent aussi : 3 800 morts en 2018 et près de 7 200 blessés, 63 % étant attribués aux insurgés et 24 % aux forces gouvernementales ou étrangères, qui ont intensifié les bombardements. L’ONU recense ainsi 32 114 civils tués et 59 561 blessés entre 2009 et 2018.

Après le retrait de la FIAS, qui suit de peu l’installation difficile à Kaboul d’un gouvernement d’« union nationale » que préside Ashraf Ghani depuis 2014 – son rival à la présidentielle, Abdullah Abdullah, devenant « chef de l’exécutif » –, la situation sécuritaire se dégrade, et les talibans gagnent du terrain, dans l’ouest comme dans le nord du pays, bien au-delà de leur traditionnel bastion pachtoune du sud et de l’est. Début 2018, un rapport officiel américain estime que 65 % de la population vit dans des districts « sous le contrôle ou l’influence » du gouvernement afghan, 12 % « sous le contrôle ou l’influence » des talibans, et 23 % dans des « territoires contestés ». Une autre lecture des chiffres « sous influence » suggère que les talibans sont actifs dans 60 % des districts.

Dès 2017, le commandement américain en Afghanistan concède que « la guerre est toujours dans une impasse ». Les talibans ne peuvent tenir les grandes villes qu’ils prennent (Koundouz en 2015) ou tentent de prendre (Ghazni en 2018), mais les forces de l’OTAN et afghanes n’arrivent à s’imposer ni avant ni après l’annonce par le président Donald Trump (depuis 2017) de la « Stratégie pour l’Afghanistan et l’Asie du Sud » en août 2017, puis l’ajout de quelques milliers de soldats américains. Il ne s’agit plus dès lors de chercher à vaincre les talibans, mais d’exercer sur eux une pression suffisante pour les pousser à négocier.

Une longue histoire d’échecs ?

L’histoire des dialogues avec les talibans n’est pas nouvelle, mais jusqu’à 2018 aucune initiative n’avait pu durer. En 2009, Hamid Karzaï, réélu, avait tendu la main aux « frères talibans » et établi en 2010 un Haut Conseil pour la paix, tandis que la communauté internationale lançait le Processus d’Istanbul, forum de dialogue sur l’Afghanistan. À compter de 2012, des émissaires talibans voyagent à l’étranger : Japon, Qatar, France, Chine, Russie, Iran, entre autres. Mais l’ouverture en 2013 d’un bureau de représentation à Doha (Qatar), appuyée par Washington, se heurte à l’opposition de Hamid Karzaï, furieux de voir les talibans en faire une ambassade de l’Émirat islamique. Le bureau restera toutefois sur place. En 2015, une réunion se tient enfin au Pakistan, entre émissaires talibans et membres du Haut Conseil pour la paix. Ses promesses tournent court quand on apprend que le mollah Omar, supposé avoir entériné l’initiative, est en fait mort depuis 2013. Fin 2017, les talibans publient un communiqué rappelant toutes ces initiatives avortées, et en rejettent la faute sur « les envahisseurs américains et leurs alliés », au premier rang desquels l’administration de Kaboul, « marionnette de Washington ».

L’année 2018 commence par une vague d’attentats sanglants à Kaboul. Parmi les responsables, les talibans, mais aussi la filiale de l’organisation de l’État islamique (EI ou Daech), présente depuis 2015 en Afghanistan, une force d’ampleur mesurée, mais meurtrière, constituée surtout d’ex-talibans pakistanais, de factions ouzbèkes et de quelques transfuges des talibans afghans, alors que ceux-ci combattent Daech. La crainte de voir cette dernière se renforcer après la défaite du « califat » en Irak et en Syrie change pour partie la donne afghane. Pour les Russes, les Iraniens, les Américains et les Chinois, l’islamo-nationalisme des talibans est bien plus acceptable que le djihad transnational de l’EI.

Le 14 février 2018, les talibans envoient une « Lettre au peuple américain » pour dénoncer le bellicisme de leur gouvernement et affirmer la légitimité « religieuse et nationale » de leur résistance, et concluent que leur « préférence est de résoudre la question afghane par un dialogue pacifique ». Ils demandent la fin de l’occupation étrangère, et précisent : « Nous n’autoriserons personne à utiliser le territoire afghan contre un autre pays » – en référence voilée à ce qui avait déclenché l’intervention internationale en 2001.

Le 28 février, Ashraf Ghani formule une « proposition de paix » aux talibans, incluant entre autres leur reconnaissance comme parti politique, la libération de leurs prisonniers et la levée des sanctions internationales contre eux, sous réserve que les droits des citoyens, femmes incluses, soient respectés, et que la Constitution soit reconnue, quitte à être amendée. Les talibans ne répondent pas à cette offre, mais ils accepteront en juin, pour la première fois, un cessez-le-feu de trois jours lors des fêtes de l’Aïd el-Fitr. En dépit de scènes de fraternisation inattendues, ils rejetteront sa prolongation, comme ils rejetteront, en août, une deuxième proposition d’un cessez-le-feu de trois mois. À cette date, le dialogue est engagé entre talibans et émissaires américains. Une nouvelle phase commence.

Le dialogue entre États-Unis et talibans

Les contacts entre émissaires américains et talibans ne sont pas nouveaux, mais ils ont pris un tour différent quand Alice Wells, du Département d’État, a ouvert le dialogue avec le bureau des talibans à Doha après que la Maison Blanche eut changé de ligne, donnant le feu vert pour des contacts directs, alors que Washington demandait jusque-là aux talibans de discuter avec Kaboul. Le 21 septembre 2018, Zalmay ­Khalilzad, diplomate américain d’origine afghane, est nommé « représentant spécial pour la réconciliation en Afghanistan ». En octobre, il entame une première tournée combinant un dialogue avec les talibans à Doha et des entretiens avec les dirigeants afghans, pakistanais, qataris, émiratis, et saoudiens. Une deuxième séquence, puis une troisième se tiennent en novembre 2018 au Qatar et en décembre aux Émirats arabes unis, où les talibans refusent une fois encore de rencontrer la délégation de Kaboul pourtant sur place. Des représentants pakistanais, saoudiens et émiratis participent cependant à la réunion d’Abou Dhabi.

La quatrième rencontre, en janvier 2019 à Doha, semble faire avancer les choses, sans qu’on sache si l’annonce soudaine faite fin décembre par Donald Trump de vouloir retirer 7 000 hommes d’Afghanistan (la moitié des 14 000 incluant les forces intégrées à l’OTAN et les forces spéciales, sous commandement unique américain) y a joué un rôle positif ou a au contraire renforcé les positions des talibans. Au terme de six jours de négociations, Zalmay Khalilzad déclare qu’une « esquisse de cadre » a été définie. Mais il ajoute en bon diplomate que « rien n’est agréé tant que tout n’est pas agréé ». Les talibans se félicitent de leur côté des « progrès » accomplis, mais préviennent : tant que la question du retrait des forces étrangères ne sera pas réglée, les avancées sur les autres questions seront impossibles. Ils réitèrent leur engagement sur une question décisive : ils veilleront à ce que l’Afghanistan ne soit pas « une plate-forme pour les individus ou les groupes terroristes internationaux ».

En parallèle avec les rencontres américaines, la Russie en organise, sous un autre format, deux autres à Moscou, auxquelles participent une délégation du bureau du Qatar des talibans, dirigée par Sher Mohammad Abbas Stanikzaï, et des représentants d’une dizaine de pays. Kaboul boycotte la rencontre du 8 novembre 2018, où sont toutefois présents des membres du Haut Conseil pour la paix. Sher Mohammad Abbas Stanikzaï affiche une position dure sur la Constitution afghane, alors même que les talibans avaient multiplié les messages rassurants pour affirmer que les excès du passé, lorsqu’ils étaient au pouvoir, ne seraient pas renouvelés. La seconde rencontre de Moscou, début février 2019, est amèrement commentée par Ashraf Ghani, car ont été invités, outre les talibans, nombre de ses opposants politiques, certains étant candidats à l’élection présidentielle : pour lui, ces rencontres sont inutiles, car aucun délégué afghan ne dispose d’un pouvoir exécutif, même si ces délégués affirment aux talibans qu’on ne saurait remettre en cause les acquis des années Karzaï et Ghani, en particulier sur le statut des femmes. Courtisés par les Russes comme par les Américains, les talibans, jadis définis comme « terroristes », disposent désormais d’une légitimité internationale, même si les combats et les attentats se poursuivent sur le terrain.

Une cinquième rencontre entre Zalmay Khalilzad et les talibans s’ouvre au Qatar le 25 février 2019. Les deux délégations sont renforcées. Libéré en octobre 2018 par les Pakistanais sur pression de Washington, le mollah Abdoul Ghani Baradar, cofondateur du mouvement taliban, rejoint Doha, et prend la tête de la Commission politique, même si Sher Mohammad Abbas Stanikzaï continue de mener les négociations. Du côté américain, le général Scott Miller, chef des forces de l’OTAN et américaines en Afghanistan, fait également le voyage. Zalmay Khalilzad parle d’entretiens « solides et productifs », le porte-parole taliban, de « larges discussions » portant sur deux points déjà clés : le calendrier du retrait américain, et les garanties de l’engagement taliban à ne plus accueillir de groupes terroristes. Ce cinquième cycle se prolonge portes closes, dans un secret riche en ambiguïtés. Le 6 mars, le Département d’État annonce que quatre sujets sont débattus : les modalités du retrait des forces américaines, le rejet du terrorisme international, la possibilité d’un cessez-le-feu, et celle d’un dialogue interafghan entre talibans et Kaboul. Le 8 mars, les talibans démentent. Quatre jours plus tard, la négociation se clôt. Des quatre thèmes « agréés en principe » en janvier, une « esquisse d’accord » se dessine sur les deux premiers (retrait américain et engagement des talibans contre le terrorisme), déclare Zalmay Khalilzad. Le 14 mars, le conseiller à la sécurité nationale afghan, Hamdullah Mohib, accuse le représentant américain de délégitimer le gouvernement de Kaboul en ne l’associant pas. Le Département d’État réagit en informant Ashraf Ghani que l’administration américaine ne traitera plus avec Hamdullah Mohib.

De nombreuses incertitudes

Ces multiples rencontres sans précédent suscitent de l’espoir, mais nourrissent aussi quatre grandes incertitudes. La première porte sur ce qui est vraiment en débat dans le dialogue en cours. Aux deux thèmes reconnus (retrait américain, découplage des talibans de tout mouvement terroriste international), nombre de commentateurs afghans en ajoutent deux autres : celui d’un possible cessez-le-feu durable et celui, sensible, de l’éventuel établissement d’un gouvernement intérimaire incluant des talibans, préalable à l’élection présidentielle.
Tout cela accroît la seconde incertitude, la plus lourde de sens pour l’heure : la place marginale faite au gouvernement afghan. Certes, après chaque rencontre avec les talibans, ­Zalmay ­Khalilzad fait le voyage à Kaboul, une des étapes de ses tournées auprès des grands acteurs régionaux. Mais la rhétorique permanente plaidant pour que les talibans discutent avec Kaboul reste pour l’instant sans effet. Le président afghan est donc dans une position délicate. À la conférence de Genève de novembre 2018, il avait réitéré ses grands principes :
• la Constitution peut être amendée, mais pas rejetée ;
• les droits et les devoirs constitutionnels sont garantis à tous les citoyens, particulièrement aux femmes ;
• aucun espace politique ne peut être concédé à des groupes armés liés à des réseaux terroristes internationaux ;
• les forces de défense et de sécurité fonctionnent dans le respect des lois (un point important s’il y avait réintégration des talibans dans l’armée afghane).

L’approbation de ces principes permettrait un accord de paix, intégrant les talibans dans une société afghane « démocratique et inclusive ».

Mais ceux-ci le veulent-ils ?

Pour asseoir la crédibilité d’un gouvernement contesté par les talibans, Ashraf Ghani multiplie les initiatives. Le statut du Haut Conseil pour la paix s’amoindrit, tandis que le président met en place un « représentant spécial aux affaires régionales pour un consensus sur la paix » et une équipe chargée de négocier, qu’appuiera un « Conseil consultatif pour la paix ». Enfin, en février 2019, Ashraf Ghani annonce une grande jirga à venir, instance inspirée des consultations traditionnelles de la société afghane. Ouverte à des milliers de participants de tout le pays, et faisant place tant aux notables qu’aux femmes et aux jeunes, la jirga devrait établir un consensus entre Afghans sur les objectifs nécessaires à « une paix durable » et définir ce que seraient les lignes rouges à ne pas franchir dans la quête d’un accord avec les talibans. Ces lignes rouges nourrissent une troisième incertitude, qui agite la société civile mobilisée pour préserver les acquis des années post-talibans : en première ligne sont les associations de femmes, pas rassurées par les discours des talibans qui affirment que leurs droits seront respectés « dans le cadre de l’islam et des valeurs afghanes » tout en dénonçant « l’immoralité et l’indécence » se répandant « au nom du droit des femmes ».

Plus largement, quelles garanties peuvent offrir les talibans sur un éventuel accord de paix ? Ashraf Ghani a résumé les inquiétudes à l’égard d’une paix de circonstance qui lui serait imposée, en disant aux talibans : « Notre offre de paix est inconditionnelle, mais la paix est conditionnelle. » Conditionnelle au respect des lignes rouges…

Des élections nationales face au Grand Jeu des puissants

Une quatrième incertitude porte sur l’élection présidentielle à venir. La validité du scrutin de 2014 avait été contestée, avant que de longues négociations et une médiation américaine n’amènent les deux candidats en tête à former le gouvernement. Les législatives, prévues pour 2015, ne se sont tenues qu’en octobre 2018, dans un chaos problématique dû aux menaces et aux attaques des talibans, mais aussi à de graves difficultés organisationnelles. Si la participation fut satisfaisante (officiellement 45 % d’électeurs inscrits, dont un tiers de femmes), les accusations de fraude ont décrédibilisé la commission électorale, dont les dirigeants furent démis en février 2019, sans que les résultats aient été annoncés.

La présidentielle, prévue pour le 20 avril 2019, est repoussée au 20 juillet, puis au 20 septembre, contre l’avis d’Ashraf Ghani. Dix-huit candidats sont en lice, dont celui-ci et Abdullah Abdullah, nombre d’anciens ministres ainsi que Haneef Atmar, ancien conseiller national à la sécurité, et des chefs de parti, dont Gulbuddin Hekmatyar, leader historique du Hezb-e Islami, et Ahmad Wali Massoud, le frère du commandant Ahmad Shah Massoud (1953-2001). Au-delà de la compétition politique, la dialectique entre recherche de la paix et élection présidentielle est en jeu. Le report de l’élection est-il dû à l’incurie de la commission électorale, ou résulte-t-il aussi d’une pression américaine, Zalmay Khalilzad ayant souhaité trouver un accord avec les talibans avant le scrutin ? Compte aussi l’hypothèse d’un gouvernement intérimaire incluant des talibans à mettre en place avant l’élection. Zalmay Khalilzad affirme que ce point n’a jamais été discuté avec les talibans, tandis que Kaboul rejette toute hypothèse de ce genre, Ashraf Ghani affirmant au contraire que l’élection présidentielle assurera une légitimité à qui devra négocier avec les talibans, et qu’une telle négociation ne saurait être hâtive si l’on cherche une paix réellement « durable et digne ».

La dernière incertitude, pour les autorités de Kaboul, tient à ce que l’Afghanistan pourrait être de nouveau au cœur d’un grand jeu entre puissances régionales et grandes puissances. Après avoir tenté une ouverture vers Islamabad, Ashraf Ghani, comme Hamid Karzaï en son temps, cultive des relations très difficiles avec le Pakistan, quoique les rencontres entre autorités civiles ou militaires soient fréquentes. Kaboul continue de voir les talibans comme dépendants d’Islamabad, qui continuerait de bloquer un éventuel dialogue interafghan tout en ayant reçu des remerciements de Washington pour avoir facilité certaines rencontres entre Khalilzad et les talibans. Le Pakistan est toujours dans les circuits du représentant américain, comme le sont d’autres pays, sauf l’Iran. Un Iran accusé par Washington d’avoir, comme Moscou, fourni des armes légères aux talibans pour lutter contre Daech. Les intéressés et les talibans ont démenti. La Chine, qui a participé à de multiples rencontres à géométrie variable sur la question afghane, reste plutôt discrète, et l’Inde, qui a reçu une fois Zalmay Khalilzad, n’a jamais accueilli d’émissaires talibans. Elle craint que les bonnes relations nouées avec Kaboul ne pâtissent d’un retour des talibans et de l’influence pakistanaise dans le pays.

Le risque le plus grand pour Kaboul serait toutefois de voir Donald Trump engager un retrait significatif des forces américaines avant sa campagne pour sa réélection en 2020, bien que le Sénat américain l’ait mis en garde contre un retrait précipité ouvrant la voie aux influences russe et iranienne. La fuite d’un plan hypothétique du Pentagone pour un retrait total échelonné sur trois à cinq ans pourrait rassurer Kaboul, Ashraf Ghani s’étant lui-même donné cinq ans pour négocier une paix durable. Reste à savoir si les talibans, qui précisent qu’un tel plan n’a pas été discuté à Doha, se satisferaient de ce calendrier, et quel usage ils en feraient pour consolider leur position.

<strong>L’emprise des talibans en Afghanistan</strong>
<strong>Les Afghans, premières victimes de la guerre</strong>

Note

(1) Ce texte a été bouclé le 21 mars 2019, alors que les négociations entre talibans et Américains se terminaient le 12 à Doha (Qatar).

Légende de la photo en première page : Élu président en 2014, Ashraf Ghani, peine à diriger le pays dans son ensemble.

Article paru dans la revue Moyen-Orient n°42, « Afghanistan : blessures de guerres, espoirs de paix », avril-juin 2019.
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