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Les monarchies d’Europe : reliques d’un passé révolu ou gages d’équilibre dans un continent divisé ?

Dans l’Europe occidentale tourmentée et divisée de ce début de XXIe siècle, les monarchies, synonymes d’absolutisme par le passé, mais ancrées dans l’histoire et la culture de leur pays, peuvent-elles être symboles d’unité et d’équilibre pour chacune de ces démocraties ?

Il y a plus de vingt-cinq ans, le Dictionnaire constitutionnel, publié sous la direction d’Olivier Duhamel et Yves Mény, rappelait cette évidence : « Le titre de roi est conféré à l’époque contemporaine au chef d’État qui tient sa fonction par le procédé de l’hérédité ; il est synonyme de monarque, même si l’expression peut aussi désigner ceux qui portent un titre de prince ou de grand-duc ».

Ce constat technique reste d’actualité. En matière monarchique, et mis à part la période d’interrègne, « le mort saisit le vif ». La continuité fait figure de dogme. « Le roi est mort, vive le roi ». La stabilité de l’État et des institutions ne saurait être compromise par le décès du titulaire de la fonction royale. Au prince héritier de prendre sans tergiverser la relève.

Quel cadre privilégier pour ouvrir une réflexion sur la monarchie ?
Le temps…

Il faut se situer dans la société politique d’aujourd’hui. En laissant aux historiens le soin d’établir le bilan de Charles-Quint, de Louis XIV ou de Frédéric II. Et de disserter sur les mérites et défauts de Louis-Philippe, de Victoria ou d’Albert Ier. Il faut être de son temps. Aux côtés d’Henri, de Willem-Alexander ou de Felipe VI. Non seulement parce qu’il ne sert à rien de cultiver la nostalgie, mais parce que la société dans laquelle ceux-ci sont à l’œuvre n’est plus celle de leurs prédécesseurs, si prestigieux soient-ils.

À l’heure actuelle, la monarchie s’inscrit dans un ensemble constitutionnel dont elle n’est qu’un des éléments. Pas nécessairement le plus important. Les évolutions les plus récentes contribuent à délimiter de manière stricte – pour ne pas écrire : étroite – les pouvoirs ou, plus exactement, les fonctions qui reviennent au roi. Et à réduire la part d’influence qu’il pourrait exercer dans la vie de l’État.

L’espace…

Il faut faire le choix de l’Europe. Nous ne sommes ni en Afrique, ni en Asie, ni au Moyen-Orient. Au cœur du continent, sept États membres de l’Union disposent d’un roi ou d’une reine, d’un grand-duc ou d’une grande-duchesse : la Belgique, le Danemark, l’Espagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède. Un autre État pourvu d’un régime monarchique participe à l’Espace économique européen ; il est aussi partenaire de Schengen. Il s’agit de la Norvège. Et aux marches de l’Europe, Monaco et le Liechtenstein.

La référence européenne est politique autant que géographique. L’Union impose sa marque. Traité après traité, tous les États membres – monarchies ou républiques – ont consenti à son profit des restrictions significatives de souveraineté. Y compris dans les domaines dits de « politique régalienne ».

La jurisprudence volontiers unificatrice de la Cour de justice a fait le reste.

Le résultat ne s’est pas fait attendre. Les rois d’Europe ne fréquentent pas les institutions européennes. Pas même le Conseil européen, cette conférence qui réunit pourtant, à Bruxelles ou ailleurs, les chefs d’État et de gouvernement. Qu’iraient-ils faire dans cette galère, quel discours seraient-ils habilités à tenir dans ce haut lieu de la politique communautaire ? De quelle marge de négociation pourraient-ils bénéficier ?

Il est superflu d’ajouter que la monarchie présente, dans chacun des sept pays, des traits spécifiques. L’histoire, la culture, le régime politique, la complexité du pays – indépendamment même de la personnalité des rois et reines concernés – le veulent ainsi. Buckingham n’est pas l’Escorial. Il n’y a pas un modèle passe-partout de « monarchie européenne ». Ni au nord (les monarchies dites « scandinaves »), ni au sud. Il est plus exact de parler des « monarchies d’Europe ». Le pluriel est significatif. Il n’est pas près de s’effacer.

Le décalage grandissant entre apparat, droit et pratique

En matière monarchique, il y a lieu de confronter en permanence les objets et les textes avec les réalités. Il ne faut pas hésiter à souligner le décalage qui se creuse entre eux.

Les objets ?

Aujourd’hui encore, certaines dynasties aiment à se mouvoir dans un décor qui est censé illustrer, dans tous les sens du terme, la fonction exercée. Le trône, le sceptre, la couronne… Sans oublier le manteau d’hermine ou le carrosse doré. Tous éléments présentés en grande pompe lors de cérémonies significatives, comme celles de l’avènement du monarque ou du « discours du trône ». Une presse spécialisée fait grand cas des images recueillies lors de ces événements hauts en couleur.

Ailleurs, ces objets ont perdu leur signification concrète. Inutile d’en chercher la trace dans les greniers ou les caves des édifices dont le roi et sa famille ont l’usage. Ce ne sont plus que des éléments de langage. La « succession au trône », pour ne prendre que cet exemple, s’organise sans qu’un siège particulier ne soit établi dans une pièce du palais royal et sans que le nouveau chef d’État ne doive ceindre un ornement particulier ; quant au sceptre, il reste un élément d’héraldique sans devenir le « bâton » que le roi devrait brandir en quelques circonstances. Ces habitudes vont de pair avec un assouplissement et une laïcisation des rituels de cour.

Les textes ?

Il se peut qu’ils n’existent, comme au Royaume-Uni, que de manière embryonnaire et qu’ils se parent alors de commentaires qui visent, sur la base des traditions et des doctrines, à façonner de manière durable – pour ne pas dire immuable – les contours de l’institution monarchique.

Il se peut aussi que, comme en Belgique ou au Luxembourg, les documents officiels aient été conçus au XIXe siècle, soit à une époque où la première Constitution du nouvel État voyait le jour. Pris à la lettre, ils magnifient le rôle du roi. Ils font l’inventaire de ses multiples responsabilités. Interprétés à la lumière d’autres dispositions constitutionnelles, notamment celle qui veut que « le roi n’agit jamais seul », ni dans ces domaines ni en d’autres, ils invitent à pratiquer une lecture moins enthousiaste. La panoplie des attributs de la « puissance souveraine » ou de la « prérogative » du chef de l’État, comme le Luxembourg persiste à le dire, se réduit alors comme peau de chagrin. Les textes énoncent des consignes de prudence plutôt que des exhortations à intervenir.

Autrement dit, attention aux contre-sens flagrants que peut inspirer la lecture littérale de dispositions isolées de la Constitution, surtout si la rédaction originelle commence à dater. Des constitutions plus récentes, comme en Espagne ou aux Pays-Bas, se sont attachées, parfois laborieusement, à trouver les mots justes qui aident à dissiper ces ambiguïtés.

Le seing du roi et les autres fonctions officielles

Des constitutions modernes persistent à énumérer les attributions que le roi doit effectivement exercer – sanctionner la loi, nommer les ministres, conclure les traités, battre monnaie, exercer la grâce… Ces fonctions officielles ne sauraient être négligées au prétexte qu’elles seraient assumées de facto par le gouvernement et sous sa seule responsabilité.

L’une des plus significatives réside dans l’obligation faite au roi d’apposer sa signature (le « seing »), assortie de celle d’un ministre (le « contreseing ») au bas d’un ensemble d’actes qui présentent une importance politique et juridique non négligeable. Ainsi la nomination d’un ministre, d’un fonctionnaire ou d’un magistrat désigné par le roi ne saurait être tenue pour valable si elle ne fait pas l’objet d’un document qu’il signe. La loi votée par une ou deux assemblées parlementaires ne saurait exister par elle-même ; elle doit être sanctionnée en haut lieu. La signature est une condition, pas seulement de validité mais d’existence de l’acte accompli.

Une question disputée revient à savoir si le roi dispose, en ces instants officiels, d’un certain pouvoir d’appréciation et d’un réel pouvoir d’influence. Irait-il jusqu’à détenir, en compagnie du gouvernement ou à son encontre, un pouvoir de codécision – qui pourrait l’amener à utiliser un droit de veto effectif – ou doit-il se contenter, en l’occurrence, d’être le « notaire de la Nation » et de prendre acte de ses préoccupations – justifiées ou non – ?

Deux réponses différentes ont été apportées à cette question essentielle. 
D’un côté, la Belgique a examiné le dossier de l’avortement. À cette occasion, le Roi n’a pas manqué de faire connaître son point de vue (30 mars 1990). Dans une lettre adressée au Premier ministre et publiée avec l’aval de ce dernier, Baudouin observe notamment que, dans un régime parlementaire, il ne revient pas au chef de l’État de s’opposer de son propre mouvement à la volonté que les deux chambres législatives auraient exprimée et que le gouvernement aurait accueillie favorablement.

Compte tenu de ce commentaire avisé, le droit du roi de sanctionner les lois – droit qu’il n’exerce évidemment qu’avec le concours d’un ministre – n’a été ni amendé, ni supprimé. Il est entendu qu’en cas de désaccord entre le roi et le ministre, c’est la volonté du second qui doit l’emporter, puisqu’il est seul habilité à rendre compte de ses agissements devant la représentation nationale.

D’un autre côté, au Luxembourg, le Grand-Duc Henri a fait savoir, dans le dossier de l’euthanasie et de l’assistance au suicide, qu’il ne sanctionnerait pas une loi qui aurait pour objet d’autoriser ces pratiques médicales. Le gouvernement a pris les devants. La Constitution luxembourgeoise a été révisée sur-le-champ. Une solution radicale a été retenue. La procédure d’approbation des lois par le chef de l’État a été purement et simplement supprimée (12 mars 2009).

L’importance ignorée des fonctions procédurales du roi

Les fonctions procédurales assumées par le monarque sont souvent passées sous silence. Elles n’en sont pas moins importantes. En l’espèce, le roi ne décide rien, même avec l’accord des ministres. Mais il intervient, parfois même il s’immisce, dans une procédure en cours. Par exemple, celle qui conduit à désigner un nouveau gouvernement.

L’on est ici au cœur de la « boîte noire » exécutive. C’est dire qu’il n’est pas toujours aisé de démêler la part exacte que le chef de l’État et d’autres acteurs politiques ont pu prendre au cours d’un processus complexe de décision. Des influences subtiles et discrètes peuvent s’exercer à ce moment. Nul n’est en mesure d’en préciser le caractère déterminant.

Il n’en reste pas moins que, sauf là où les mécanismes du parlementarisme rationalisé indiquent de manière précise la marche à suivre, le roi se trouve ici en première ligne. Il improvise. Il reçoit les leaders politiques. Il entend leurs suggestions. Il charge l’un d’eux de former un gouvernement. Il doit parfois s’y prendre à plusieurs reprises. Il peut s’attacher à donner le tempo de la négociation. En définitive, c’est lui qui recueille les accords intervenus entre les partenaires de la future coalition. Il procède ensuite, dans les formes institutionnelles voulues, à la désignation du ministère.

Ici encore, point de méprise. Le roi ne nourrit pas l’illusion qu’il compose les gouvernements et qu’il en désigne les membres. Un ou plusieurs partis politiques sont à la manœuvre. Ils ont leur équipe, leur programme, leurs dogmes et leurs tabous. À eux de s’entendre pour composer une équipe valable et viable.

Si l’un des partis l’emporte haut la main, ce qui est concevable dans un régime électoral majoritaire, la tâche du roi est simplifiée à l’extrême. Il entérine le succès. Il félicite le leader de la majorité qui devient automatiquement Premier ministre. Il souhaite bonne chance à la nouvelle équipe gouvernementale. À elle de faire ses preuves devant le Parlement et devant la Nation.

Si aucune formation politique n’emporte une victoire électorale absolue, ce qui est plus habituel là où les députés sont élus à la représentation proportionnelle, les choses se compliquent. Il y a lieu de composer une coalition. Le roi retrouve ici une liberté de mouvement. Limitée, sans doute, mais réelle. En tenant compte de la distribution des sièges et en étant averti des connivences ou des incompatibilités, le roi peut prendre les initiatives qui permettront au « possible » de devenir « réalisable ». Il peut notamment mettre en piste l’une ou l’autre personnalité. Pas parce qu’elle bénéficierait de son estime personnelle mais parce qu’elle peut lui paraître plus apte que d’autres à s’inscrire dans un projet démocratique qui tienne compte de tous les éléments de la conjoncture politique, y compris de données arithmétiques élémentaires.

Les fonctions protocolaires, plus petit dénominateur commun des monarchies européennes

La mode revient à mettre l’accent sur les fonctions protocolaires du roi. Soit pour considérer qu’elles servent à circonscrire l’ensemble de ses activités et interventions, soit pour y voir un aspect non négligeable mais pas exclusif de la fonction. C’est le plus petit dénominateur commun des monarchies d’Europe.

Dans la première hypothèse, le protocole est une limite. Le roi n’exerce d’autre fonction que protocolaire. Il assiste à des cérémonies officielles, il reçoit en audience des personnalités étrangères, il accomplit des déplacements à l’intérieur ou à l’extérieur… Mais, phénomène essentiel, il est coupé des milieux politiques – des ministres ou des parlementaires – et ne saurait interférer le moins du monde dans leurs projets ou leurs réalisations. Tout au plus, le roi est-il, comme en Suède, « tenu au courant des affaires du Royaume » (chapitre V, art. 1er de la Constitution).

L’opération se réalise à l’entremise du seul Premier ministre. Ce qui réduit forcément le nombre des interlocuteurs.

Dans la seconde hypothèse, le protocole est une modalité. Les tâches protocolaires viennent s’ajouter à la liste des activités officielles, procédurales et symboliques que le roi remplit au cours de son règne. Il lui consacrera la part de temps qu’il jugera indispensable. Il n’y verra pas pour autant la quintessence de sa fonction. Il ne privilégiera pas le domaine du « paraître » sur celui de l’« être » ou de l’« agir ».

La fonction symbolique du roi

Un code protocolaire peut être porteur de symbole. Mais le symbole ne se réduit pas à un recueil de règles de conduite et de courtoisie. Au-delà des textes et des pratiques, le roi est appelé, en effet, à exercer une fonction symbolique.

Le symbole peut être général. Le roi représente l’État. Il est la figure emblématique d’une société politique et du groupe social qui en constitue le substrat. Il est l’image et même le visage que le pays offre aux regards de l’intérieur comme de l’extérieur.

Le symbole peut aussi être plus concret. La Constitution de l’Espagne s’attache à circonscrire la fonction. Elle proclame, depuis le 27 décembre 1978, que le chef de l’État est « le symbole de son unité et de sa pérennité » (Titre II, art. 56). Depuis le 12 janvier 1998, la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg (Chap. III, art. 33) s’inscrit dans la même philosophie. Le grand-duc est « symbole (de l’) unité » de l’État.

L’on ne saurait s’étonner de pareilles affirmations. Voici une autorité unipersonnelle. Elle n’est pas affectée par les changements politiques qui peuvent intervenir dans les hémicycles parlementaires. Elle n’est pas tributaire d’une élection périodique. Elle n’est pas affectée par la composition en mosaïque qui préside à l’aménagement des autres institutions publiques. Peut-être même fait-elle, dans les États les plus diversifiés ou les plus complexes, figure de symbole des préoccupations communes ? E diversitate unitas [la diversité produit l’unité].

En Belgique, en Espagne et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, cette préoccupation unioniste – ce qui ne signifie pas « unitaire » – est particulièrement ressentie. Le roi ou la reine peut s’attacher à l’exprimer dans ses discours et ses comportements, il peut rappeler à tout un chacun les exigences de l’essentiel national. Même s’il prend la peine, dans le même temps, de préciser qu’il est attentif au développement harmonieux des collectivités particulières au sein de l’ensemble étatique. Même s’il sait qu’il ne dispose pas des pouvoirs personnels qui lui permettraient de faire triompher ses préoccupations et de réduire ses opposants au silence.

L’exercice d’équilibre est particulièrement délicat à réaliser au quotidien.

Les rois d’Europe, facteurs de démocratie ?

Les rois d’Europe ne sauraient se considérer comme des acteurs de la société démocratique.

Ils ne sauraient cacher leurs origines – qui n’ont rien d’électives. Ils ne bénéficient pas de l’onction du suffrage universel. À ce titre, ils ne sauraient revendiquer, ni en fait ni en droit, l’exercice de pouvoirs, au sens propre du mot, au sein de l’État. Au mieux, ils n’ont qu’une fonction à remplir : celle de contribuer, avec les moyens modestes qui sont les leurs, à ce que le régime des pouvoirs fonctionne de la manière la plus harmonieuse qui soit. Pour ce faire, ils agiront sans ostentation. Avec tact et discrétion.

Les rois ne peuvent non plus ignorer la capitis diminutio dont ils ont fait l’objet depuis plus d’un siècle, avec l’emprise toujours plus grande que les gouvernements, au sens strict du terme, prennent dans la conduite des affaires publiques du pays. Au mieux, ils accompagnent le mouvement.

Sans le conduire, sans en infléchir les développements et sans jouer au redresseur des torts.

Les rois ne peuvent être sourds aux critiques qui frappent, à l’heure actuelle, les élites politiques. Dans ce contexte, ils pourraient être tentés de relayer des préoccupations citoyennes. Ils pourraient chercher à se présenter comme des médiateurs ou des arbitres entre les préoccupations de la « base » et les comportements des autorités publiques. L’on craint, cependant, qu’un tel discours soit vite qualifié d’hypocrite. Quoi qu’ils disent ou quoi qu’ils fassent, les rois sont dans le camp du « pouvoir ».

Et si, à défaut pour les rois d’être acteurs de démocratie, les monarchies étaient des facteurs de démocratie ? Dans une société où les forces politiques s’affrontent rudement sur un ensemble de dossiers, elles créent un espace de stabilité. Elles placent une institution hors-jeu. Elles écartent une pomme de discorde. À leur manière, elles créent les conditions d’un environnement propice au développement des idées démocratiques, dans toutes leurs dimensions. Elles permettent notamment au débat politique de se développer en dehors des contraintes de tous ordres que fait peser l’imminence d’une élection présidentielle.

« Le roi règne et ne gouverne pas », a-t-on coutume d’écrire. En réalité, il y a lieu de renverser l’ordre de la phrase. Premier élément : le roi ne gouverne pas ou ne gouverne plus. C’est-à-dire qu’il n’est pas en mesure d’agir seul et d’imposer sa volonté à d’autres autorités publiques quelles qu’elles soient. Il vit dans un carcan constitutionnel dont il ne saurait s’affranchir sans perdre du même coup la couronne. Deuxième élément : à défaut de gouverner, le roi règne. C’est-à-dire qu’il témoigne par sa conduite, son attitude, ses interventions (pour autant qu’elles soient bien accueillies) des préoccupations du peuple citoyen et des projets que celui-ci se fait pour son propre avenir.

Les rois d’Europe ne doivent pas souhaiter que leur peuple leur ressemble. Mais ils peuvent faire en sorte de se calquer sur l’image que le peuple se fait d’eux. C’est peut-être le secret de leur longévité.

L’Europe des rois a vécu. Elle ne renaîtra pas de sitôt.

Les rois d’Europe, eux, s’inscrivent dans l’histoire, la culture et la vie sociale d’un État. Le leur. Ils contribuent à façonner une identité collective que l’Union s’impose, jusque dans ses traités, de respecter.

Tel est le paradoxe. Une monarchie s’apprête à prendre ou à garder le large. L’Europe peut apparaître comme la meilleure amie des six autres rois.

Légende de la photo en première page : Le 19 avril 2018, la Première ministre britannique Theresa May participe au sommet du Commonwealth en compagnie de la reine d’Angleterre Elisabeth II. Alors que le Royaume-Uni est empêtré dans un Brexit qui le divise, la Reine – tenue à son devoir de réserve et à une stricte neutralité sur le plan politique – a appelé les Britanniques, le 25 janvier dernier, à l’entente et au respect mutuel. Cette rare intervention avait alors été saluée par plusieurs ministres, qui y ont vu un soutien à leur tentative de trouver un arrangement susceptible d’accommoder le plus grand nombre. (© Number 10)

Article paru dans la revue Diplomatie n°98, « Monarchies d’Europe : Forces ou faiblesses des démocraties ? », mai-juin 2019.

Francis Delpérée, L’État Belgique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 141 p., avril 2017.

Francis Delpérée, Le roi des Belges, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 143 p., novembre 2017.

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