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De l’importance des opérations psychologiques

Depuis plusieurs années, les armées occidentales font face à une contradiction telle qu’on en trouve peu d’exemples dans l’histoire : bien que leur suprématie matérielle soit écrasante, elles ne parviennent pas à emporter la décision et s’enlisent dans des conflits de longue durée alors même que la réalité économique et sociale les incite à réduire la durée et la brutalité de leurs engagements. Leurs adversaires ont bien compris quel est désormais l’enjeu : pendant que les actions militaires classiques menées par les Occidentaux visent l’efficacité, le terrorisme qu’ils utilisent recherche la mise en scène. Le plus important dans un attentat n’est pas la bombe ou le nombre de victimes, mais le fait que les médias diffusent l’information (1).

Si leurs adversaires attaquent sur le champ des perceptions, il faut que les Occidentaux soient capables de les surpasser dans ce domaine. Pourtant, force est de constater que les armées occidentales, et tout particulièrement l’armée française (qui redécouvre ce sujet depuis l’expérience afghane), n’y sont pas encore prêtes. Elles élaborent encore une doctrine dans ce domaine, ce qu’illustre la recherche du nom : on parle successivement d’arme psychologique (TTA 117 de 1957), d’opérations militaires d’influence (OMI), d’opérations psychologiques (PSYOPS), de Military Information Support Operations (MISO) et finalement d’influence militaire pour désigner « l’ensemble des activités dont l’objet est d’obtenir des changements de comportement de la part d’individus, de groupes ou d’organisations (audiences cibles) afin de contribuer à la réalisation d’un effet final recherché (2) ». Une guerre dont la population est non seulement le milieu, mais aussi l’enjeu, suppose de limiter les destructions pour favoriser une normalisation rapide. Dès lors, l’utilisation planifiée des communications pour influencer les attitudes et le comportement humain afin de créer, dans les groupes cibles, des émotions et des actions favorisant la réalisation d’objectifs fixés au préalable devient primordiale. Simple en théorie, la mise en œuvre sur le terrain s’avère bien plus compliquée.

Quelques principes

Ces opérations, qui ont fait leurs preuves au combat et en temps de paix, sont l’une des armes les plus anciennes de l’arsenal de l’homme. Leur efficacité n’est limitée que par l’ingéniosité du commandant qui les utilise. Elles ont le double avantage d’être non létales (au moins pour les alliés) et économiques (par rapport à l’utilisation de missiles ou d’autres systèmes d’armes de haute technologie). Elles présentent également l’intérêt d’être un égalisateur de forces et un domaine en évolution perpétuelle, contrairement aux opérations de guerre classique dont les modes d’action n’ont finalement que très peu changé depuis cinquante ans, même si elles intègrent en permanence de nouvelles technologies. Face à la puissance de feu des Occidentaux et à leur expertise dans les combats dits « symétriques », leurs ennemis, rationnels, cherchent en permanence à les attaquer sur d’autres champs, à les déstabiliser, à contourner les « règles » de la guerre. Ils refusent la bataille et si, par erreur, ils l’acceptent, elle n’est jamais décisive. « Plutôt que de rechercher la compétition sur le champ d’affrontement de la haute vitesse et de la brièveté dominé par les forces occidentales, l’adversaire probable investit les luttes politiques longues et les bras de fer psychologiques. (3) »

Dans la pratique, une campagne psychologique est une guerre de l’esprit dont les armes principales sont l’image et la parole. Le message peut être diffusé de vive voix, par des moyens audiovisuels (télévision, clips), audio (radio ou haut-parleur) ou visuels (sites internet, tracts, journaux, livres, magazines et/ou affiches). L’important n’est pas tant le vecteur utilisé que le message qu’il porte et la manière dont ce message affecte le destinataire. Le point de départ pour utiliser une telle arme est d’abord de tout apprendre sur la cible : ses croyances, ses goûts, ses aversions, ses forces, ses faiblesses et ses vulnérabilités. Les messages devront être élaborés en fonction de ses convictions et de son système de valeur propres sous peine d’être contre-productifs.

Par exemple, au début de la guerre du Golfe (1991), le président américain George Bush a comparé Saddam Hussein à Hitler. Pour son auditoire américain et occidental, cette comparaison était insultante. Cependant, pour un soldat irakien, Hitler était un ennemi des Juifs et a soutenu l’indépendance du Moyen-­Orient face aux Britanniques. Donc, intelligemment exploitée, la comparaison pouvait signifier que Saddam Hussein était l’ennemi d’Israël et voulait empêcher l’influence d’infidèles occidentaux de contaminer le Moyen-Orient, et alors passer pour un compliment plus que pour une insulte.

À l’inverse, à la même époque, les télévisions irakiennes ont diffusé des images en direct montrant leur président venant réconforter des femmes et des enfants occidentaux utilisés comme « boucliers humains ». L’idée initiale était probablement de donner une image positive et humaine de Saddam Hussein, mais elle eut exactement l’effet inverse, tant parmi les téléspectateurs occidentaux que dans le monde arabe : ses adversaires ont facilement retourné ces images pour le présenter comme un lâche se cachant derrière des innocents et ignorant les lois musulmanes qu’il disait défendre.

Connaître les valeurs et les croyances d’un auditoire peut donc permettre d’exploiter les erreurs d’un chef ennemi. Comment apprendre à connaître sa cible ? Les rapports de renseignement, les études de zone, les recherches effectuées dans les pays, les transfuges, l’aide autochtone et même les prisonniers de guerre ennemis sont des sources d’information. Les tracts distribués pendant l’opération « Tempête du désert » avaient été testés sur des prisonniers de guerre coopératifs. Certaines des recommandations pour modifier les illustrations du dépliant ont ainsi pu être prises en compte : supprimer toute trace de la couleur rouge (un signal de danger pour les Irakiens), montrer des soldats alliés barbus plutôt que le visage bien rasé (la barbe exprime la confiance et la fraternité dans la culture irakienne) et promettre des bananes aux Irakiens qui se rendraient (c’est un mets recherché en Irak).

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le nation-building américain fait appel à des anthropologues pour construire des études sur les populations en crise et tenter de les inclure dans les décisions politiques. Dans ce domaine, l’ouvrage le plus marquant pour son rôle décisionnaire est Le Chrysanthème et le Sabre de l’anthropologue américaine Ruth Benedict. Ce livre, commandé par l’Office of War Information à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, est une œuvre d’étude à distance visant à servir de manuel aux forces d’occupation américaines, à déterminer quels éléments culturels pouvaient contribuer à l’agressivité supposée des Japonais et à détecter les éventuelles faiblesses de leur société. Ce livre joua un rôle majeur dans la gestion de l’après-­guerre par les Américains. Il convainquit leurs dirigeants de maintenir l’empereur Hirohito au pouvoir et de sauvegarder la culture traditionnelle.

Utilisées en temps de paix comme en temps de guerre déclarée, les opérations psychologiques ne sont pas une forme de force en elles-­mêmes, mais des multiplicateurs de force qui utilisent des moyens non violents dans des environnements souvent violents. Persuasives plutôt que contraignantes physiquement, elles s’appuient sur la logique, la peur, le désir ou d’autres facteurs mentaux pour susciter des émotions, des attitudes ou des comportements spécifiques. Les Russes ont ainsi déclenché une campagne numérique « #BoycottFrance » début 2018 en République démocratique du Congo, visant à décrédibiliser la présence française en jouant habilement sur la psychologie de la population locale et les souvenirs de l’ère coloniale. Cette action illustre le volontarisme russe dans ce domaine et surtout le fait que les opérations psychologiques, comme celles cybernétiques, puisqu’elles sont non létales et non attribuables, donnent à ceux qui savent les utiliser la possibilité de retrouver une certaine liberté d’action et d’adopter une stratégie offensive, sans risque de représailles militaires, ce qui a bien été analysé par le chef d’état-­major des armées russes (4).

Aux niveaux tactique et opératif, l’arme psychologique vise à :
• abaisser, voire annihiler le moral des forces armées ennemies ou à créer des dissensions de masse et des défections dans les unités de combat et/ou de leurs cadres ;
• soutenir les opérations de couverture et de déception des forces alliées ;
• promouvoir la coopération, la cohésion et le moral au sein de ces unités ainsi qu’au sein des forces de résistance derrière les lignes ennemies ;
• agir sur le moral des populations demeurées dans la zone des opérations tactiques de l’ennemi ;
• aider les autorités civiles et militaires à consolider leurs acquis en instaurant et en maintenant l’ordre public et en rétablissant un gouvernement civil dans une zone occupée ou libérée. Ces opérations dites « de consolidation » correspondent particulièrement bien à la plupart des théâtres sur lesquels les armées françaises sont engagées aujourd’hui.

La quintessence des opérations psychologiques militaires est la diffusion d’informations véridiques à un public étranger afin d’appuyer la politique et les objectifs nationaux et de convaincre les nations et les forces ennemies, neutres ou amicales de prendre les mesures voulues. Enfin, les actions psychologiques ne doivent jamais être élaborées de façon autonome, mais s’inscrire dans un plan d’ensemble et être étroitement coordonnées avec les opérations conventionnelles sous peine d’être inopérantes, voire contre-­productives. Au début des frappes aériennes au Kosovo, en 1999, les forces de l’OTAN ont commencé par larguer des tracts incitant les militaires serbes à « refuser de sortir de leurs casernes ». Quelques heures après, ces mêmes casernes étaient bombardées. Ces deux actions n’étaient probablement pas synchronisées, mais elles ont permis à la propagande de Milosevic d’illustrer la fourberie des Alliés.

Un panel de techniques éprouvées par l’histoire

Historiquement, l’application d’opérations psychologiques sous une forme ou une autre s’est révélée presque aussi essentielle au succès de la guerre que l’utilisation des soldats et des armes. Cependant, ses effets plus abstraits ont souvent été dédaignés ou minimisés en Occident et la guerre psychologique n’a pas fait l’objet de la même théorisation que les autres domaines de la tactique.

Sun Tsu déjà, au cinquième siècle avant notre ère, préconisait clairement le recours à la guerre psychologique comme multiplicateur de force : « Dans la guerre, la meilleure politique consiste en règle générale à prendre l’État adverse intact, l’anéantir ne serait qu’un pis-­aller. Capturer l’armée ennemie vaut mieux que la détruire. Prendre intact un bataillon, une compagnie ou une escouade de cinq hommes vaut mieux que les détruire. En effet, le meilleur savoir-­faire n’est pas de gagner cent victoires dans cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans combattre. (5) » Il estimait que si l’occasion se présentait, un adversaire se rendrait devant un commandant supérieur avant de combattre. Pour cela, les opérations psychologiques doivent être coordonnées et incluses dans la planification initiale et activées avant le conflit. Si, malgré tout, les hostilités commencent, une mise en œuvre des leviers psychologiques appropriés peut y mettre fin plus rapidement.

Le chef mongol Gengis Khan et ses hordes de cavaliers étaient connus pour leur cruauté. Bien que l’image de la domination brutale et barbare des Mongols ne soit pas sans fondement, ses effets ont été décuplés par l’action dans le champ des perceptions : des « agents d’influence » étaient envoyés en avance pour diffuser des rumeurs sur la brutalité et la puissance de l’armée mongole. Gengis Khan a également utilisé la supercherie pour créer l’illusion du nombre en utilisant des manœuvres rapides, faisant paraître son armée plus imposante qu’elle ne l’était réellement. Il disposait d’un réseau de cavaliers légers pour communiquer avec ses subordonnés et ciblait les messagers ennemis pour empêcher leurs commandants de communiquer entre eux. Toutes ces actions ont provoqué une faiblesse dans la psyché des adversaires des Mongols et ont créé le mythe d’une armée invincible.

Plus récemment, les opérations psychologiques ont été largement utilisées par toutes les parties au cours de la Deuxième Guerre mondiale, avec des résultats probants. Des feuillets de reddition étaient largués par les Américains sur les lignes ennemies : 70 à 90 % des Allemands faits prisonniers entre le 1er mars et le 15 mai 1945 en avaient vu ou entendu parler et 75 à 90 % disaient avoir été influencés par ces tracts (6). Pendant la guerre du Golfe, 29 millions de tracts, 66 équipes de haut-­parleurs et une radio (« La voix du Golfe ») ont été mis en œuvre. Les troupes irakiennes furent régulièrement prévenues de l’imminence des attaques aériennes. On peut imaginer qu’elles furent de temps à autre prévenues d’attaques qui n’arrivèrent jamais. L’un des meilleurs exemples d’utilisation réussie des haut-­parleurs a eu lieu pendant cette campagne. La coalition avait isolé, physiquement et psychologiquement, un important élément des forces irakiennes sur l’île de Faylaka.

Plutôt que de réduire l’île par un assaut direct, une équipe du 9e bataillon d’opérations psychologiques à bord d’un hélicoptère UH‑1N a effectué des missions de haut-­parleurs aériens autour de l’île. Le message diffusé invitait l’adversaire à se rendre le lendemain à la tour radio.

Le jour dit, 1 405 Irakiens, dont un officier général, attendaient en formation au lieu dit pour se rendre sans qu’aucun coup de feu ait été tiré.
Concernant l’action sur les populations en Indochine, le Viet-Minh s’est efforcé d’encadrer la population de façon à lui faire jouer un rôle déterminant. Dès décembre 1944, un détachement de propagande fut créé au sein de son armée embryonnaire. Un certain nombre de mécanismes politico-­administratifs ont été mis sur pied et des techniques de manipulation des masses utilisées. Cette tactique a été matérialisée par le Dich Van, qui était une organisation politico-­militaire ayant pour mission d’agir sur le moral de l’adversaire, de la population et des troupes du Viet-Minh. À l’époque, le colonel Lacheroy a correctement analysé ce mode opératoire et mis en évidence l’existence de « hiérarchies parallèles » infiltrées au sein de la communauté autochtone. Malheureusement, avec la nécessité de tenir tout le pays, les effectifs et les moyens absorbés par une extension de la zone contrôlée ont augmenté et cette dispersion des efforts a rendu stérile l’action française sans résoudre correctement le problème posé. Dans la panoplie des outils pouvant être mis en œuvre dans le cadre des opérations psychologiques, la déception (à ne pas confondre avec la désinformation) consiste à permettre à l’adversaire de se procurer des informations sur une opération factice pour mieux le détourner d’une activité réelle. L’opération « Pélican » en novembre 1953 dans la région de Thanh Hoa, en Indochine, en est un exemple. L’opération réelle (« Mouette ») consistait en une attaque de la division 320. « Pélican » a retenu la division 304 que le Viet-Minh ne voulait pas engager en appui de la 320, car il était convaincu que l’action d’ampleur allait se dérouler dans le secteur de « Pélican ».

Enfin, les opérations psychologiques ont aussi été utilisées pour promouvoir la coopération, l’unité et le moral au sein des unités et des peuples amis ainsi que des forces de résistance derrière les lignes ennemies. En 1941, pour mobiliser l’armée et la population face à l’invasion allemande, Staline a accepté de mettre de côté le discours communiste classique et, dans l’un des retournements politiques les plus osés de l’histoire moderne, ses services de propagande se sont systématiquement attachés à identifier le régime communiste avec la « mère Russie », son héritage antique et les symboles qui l’accompagnaient, allant jusqu’à parler de « Grande Guerre patriotique ». Les deux institutions russes ayant les racines les plus profondes dans le passé, l’armée et l’Église ont été réhabilitées. La hiérarchie de l’Église et les distinctions de classe sont revenues aux normes d’avant la révolution jusqu’à ce que la menace ait été définitivement écartée. La diabolisation de l’adversaire est un procédé largement répandu et systématiquement utilisé par les Américains sans aucune nuance, ce qui peut paraître simpliste aux Européens qui ont une représentation moins biblique et plus machiavélienne du monde et des affaires internationales. Ce procédé a l’avantage de souder la population contre un ennemi commun et de justifier toutes les actions entreprises contre lui. Le revers de la médaille est qu’il rendra difficile tout dialogue et, à plus forte raison, tout retournement d’alliance.

Critiques et perspectives

Pourquoi cette arme si ancienne et qui a prouvé son efficacité était-­elle encore, il y a peu, si confidentielle ? Plusieurs réponses peuvent être apportées. D’abord, si la ruse n’est pas totalement étrangère à la culture militaire occidentale, celle-ci, héritière de la chevalerie et de Clausewitz, conçoit mieux l’affrontement réglé de deux armées sur un champ de bataille et a tendance à dédaigner les options non cinétiques. Ensuite, même si divers chefs militaires ont utilisé des opérations psychologiques au cours des siècles, ils l’ont fait, le plus souvent, de manière instinctive, sans que leur travail se soit appuyé sur une théorie ou des données scientifiques. C’est seulement à partir de la fin du XIXe siècle, avec notamment les travaux des docteurs Gustave Le Bon et Sigmund Freud sur la psychologie des foules, puis avec les avancées majeures en sciences du comportement (études statistiques, sondages, etc.) et en communication de masse, que les opérations psychologiques ont été considérées comme un système d’armes crédible permettant d’atteindre les objectifs tactiques sans effusion de sang inutile, ce qui rejoint d’ailleurs les valeurs éthiques des sociétés démocratiques.

Une autre partie de la réponse à cette question réside dans la confusion entre guerre psychologique et propagande. Or, « propagande est un des mots les plus décriés de la langue française. L’usage qu’en ont fait les nazis a habitué à considérer la propagande comme une méthode de perversion et de mensonge (7) ». Aujourd’hui encore, la simple mention d’opérations ou de guerres « psychologiques » évoque le contrôle mental pratiqué par les régimes totalitaires tel que décrit dans le roman 1984 de George Orwell. En France spécifiquement, l’utilisation intensive de cette arme lors de la guerre d’Algérie, avec la création des 5es bureaux de 1954 à 1960, bien qu’elle ait eu des résultats probants (par exemple avec le cas emblématique de la « bleuite ») et ait été théorisée, notamment dans le TTA 117 de 1957, renvoie inexorablement à une expérience traumatisante.
Pourtant, les opérations psychologiques mises en œuvre aujourd’hui par les armées des pays démocratiques répondent obligatoirement à une certaine éthique. Tout flagrant délit de mensonge ou d’utilisation à des fins non avouables serait immédiatement dénoncé par les médias ou sur les réseaux sociaux, discréditerait la source et exposerait les commanditaires à des demandes d’explication du pouvoir politique. Certes, «  la grande erreur du “spécialiste de la guerre psychologique” est de suggérer qu’il possède des moyens mystérieux susceptibles de remplacer l’action militaire… la guerre psychologique n’est pas une arme indépendante… et ne peut réussir que si elle est l’avant-garde d’une politique bien définie… (8) ». Il n’est pas question ici de faire des opérations psychologiques une arme miracle qui permettrait à elle seule de venir à bout de toutes les situations. Elles ne sont qu’un multiplicateur de forces et un économiseur de ressources et leur efficacité dépend largement des liaisons avec le commandement et de l’aide apportée par les troupes de contact.

Mais, si la maîtrise du champ des perceptions (cet espace abstrait où se mêlent compréhension de l’autre, dimension psychologique, recherche de renseignements, prise d’ascendant et conservation de l’initiative) ne suffit pas à remporter la victoire, ne pas le maîtriser alors que les guerres modernes se font au milieu des populations dans un contexte d’hypermédiatisation, d’instantanéité et de globalisation de l’information conduira immanquablement à la défaite. Dans ce domaine, comme dans d’autres, il est important de ne pas se trouver distancé.

Notes

(1) « Une action violente est dénommée terroriste lorsque ses effets psychologiques sont hors de proportion avec ses résultats purement physiques. » Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Calman-Levy, 1962, p. 176.
(2) Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations, Les opérations militaires d’influence, DIA-3.10.1, no 069/DEF/CICDE/NP, Paris, 5 mars 2008, p. 47.
(3) Vincent Desportes, La guerre probable, Economica, Paris, 2015, p. 35.
(4) « Au XXIe siècle, on a tendance à gommer les différences entre l’état de guerre et la paix. Les guerres ne sont plus déclarées, mais quand elles commencent, elles ne suivent pas notre modèle habituel. » Article de Valéri Gerassimov, Courrier militaro-industriel de Russie, no 8-476, 27 février-5 mars 2013.
(5) Sun Tsu, L’art de la guerre, Pluriel, Paris, 2015, p. 115.
(6) Paul Villatoux, La guerre psychologique des origines à nos jours, L’Esprit du Livre, Sceaux, 2010.
(7) Jean-Marie Domenach, La propagande, coll. « Que sais-je ? », PUF, Paris, 1950, p. 97.
(8) Richard Crossman cité par François Géré, La guerre psychologique, Economica/ISC, Paris, 1997, p. 82.

Légende de la photo en première page : Un Afghan tenant dans ses mains un tract produit par la police nationale afghane. (© DoD)

Article paru dans la revue DSI n°147, « Guerre aérienne et opérations multidomaines », mai-juin 2020.
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