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La technologie va-t-elle définitivement gommer les faiblesses intrinsèques des drones MALE ?

Le 11 juillet 2018, un drone MALE MQ‑9B SkyGuardian du constructeur General Atomics Aircraft System Incorporated (GA-ASI) piloté à distance depuis les États-Unis se pose au Royaume-­Uni sur la base aérienne de Fairford après un vol transatlantique de 24 heures au milieu du trafic aérien habité. Une première pour le monde des drones. Cet événement est certainement au drone ce que le vol du Spirit of Saint-Louis de Lindbergh fut pour les avions habités dans la fin des années 1930 : l’avènement d’une révolution dans l’emploi de l’aviation.

Au-delà du parallèle historique, il démontre le niveau de maturité désormais atteint par les technologies développées pour ces plates-­formes. Elles permettent de tirer un certain nombre d’enseignements opérationnels qui ne manqueront pas d’influer sur les concepts d’emploi actuels des drones MALE. En effet, les progrès technologiques et les équipements déployés permettent aujourd’hui de gommer nombre des limitations et faiblesses intrinsèques du drone qui contraignaient au quotidien son emploi en opérations, voire interdisaient, à de rares exceptions près, son utilisation dans les espaces aériens nationaux. Ainsi, la révolution dronique semble désormais inexorablement en marche. Nous proposons d’étudier ces avancées au travers de six capacités nouvelles qui y concourent.

SATCOM autoland

Le vol transatlantique effectué le 11 juillet 2018 démontre qu’il est désormais possible de déployer en vol une capacité ISR (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance) multicapteurs à des milliers de kilomètres, à l’instar de n’importe quel autre avion. La seule nécessité est de disposer sur le terrain de déploiement d’une petite équipe de techniciens chargée simplement des pleins de carburant de l’avion et de sa reconnexion en BLOS (Bewond Line of Site) avec son cockpit situé sur la base de stationnement. Il n’est ainsi plus nécessaire de démonter l’avion ni de mettre en place toute une logistique, dont un ensemble complexe d’antennes, de soutien électrique et technique organisé autour du cockpit. Pour les nations dont le concept d’emploi repose sur les Remote Split Operations (RSO), cela ne change pas grand-­chose dans les missions. Pour les autres qui, à l’instar de la France, réalisent leurs missions depuis les théâtres d’opérations, cela facilite la mise à disposition d’une capacité initiale ISR en urgence, comme dans le cadre d’une évacuation de ressortissants.

À titre d’exemple, dans le cadre d’une mission d’évacuation de ressortissants comme celle qui s’était déroulée au Liban (opération « Baliste » en 2006) ou dans le cadre de l’opération « Hamilton » en 2018, un MQ‑9B aurait pu décoller de Cognac, voler en toute sécurité au-dessus de la Méditerranée et fournir un soutien ISR de 25 heures avant de se poser à Chypre sur la base d’Akrotiri. Une équipe de trois personnes disposant d’un simple ordinateur portable arrivée par un vol commercial aurait suffi pour assurer la remise en œuvre. Le drone, une fois le plein carburant effectué, aurait cette fois été disponible pour une mission de 36 heures. Cette avancée technique permet également de rendre possibles les missions ISR de courte durée, pilotées dans ce cas uniquement à distance. Les restrictions liées aux autorisations de survol et de déploiement persisteront et il est probable que dans une configuration armée cela soit plus compliqué, voire impossible. Néanmoins, cela permet de considérer chaque terrain d’aviation existant dans la zone d’opération comme un terrain de déroutement en cas de problème météo ou technique. Là encore, c’est une faiblesse intrinsèque qui compliquait les opérations et qui est désormais levée. Il est ainsi envisageable d’utiliser des bases avancées avec une équipe de remise en œuvre limitée afin de réduire les temps de transit et ainsi augmenter le temps de surveillance sur la zone d’intérêt. Dans le cas d’un concept d’emploi uniquement basé sur les opérations pilotées depuis le territoire national (modèles américain et britannique), cela permet d’économiser les équipes à déployer pour assurer la fonction LRE (Launch and Recovery – décollage et atterrissage), puisque celle-ci est réalisée à distance. C’est un avantage non négligeable puisque ces systèmes sont très gourmands en ressources humaines, notamment pour le pilotage et la mise en œuvre des capteurs. Le modèle français, qui consiste à déployer les cockpits de pilotage et les éléments d’analyse du renseignement au plus proche des troupes déployées, qu’elles soient conventionnelles ou spéciales, reste bien entendu pertinent.

Afin de s’intégrer dans l’espace aérien pendant les phases de transit, il est fondamental, à l’instar des avions modernes, de disposer pour les drones MALE d’équipements tels que le TCAS (Traffic Collision Avoidance System).

Sense and avoid

Les radars « sense and avoid » couplés au TCAS sont désormais adaptés sur plusieurs drones MALE (MQ‑9B et Hermes 900 par exemple). Ils permettent d’offrir une alternative crédible à la règle traditionnelle du « voir et éviter » et ouvre ainsi le champ à une cohabitation non ségréguée des drones équipés de ces dispositifs avec les autres avions habités. Établie lors de la convention de Chicago de 1949, cette dernière représente le fondement des règles de l’air pour les vols d’aéronefs civils et militaires. Si la technologie a aujourd’hui largement augmenté la vision du pilote grâce à des dispositifs électroniques comme le TCAS, ce fondement reste intangible et disqualifie de facto les drones. En effet, le pilote n’est pas à bord, même s’il est aux commandes du drone depuis un cockpit déporté appelé improprement par les Anglo-Saxons GCS (Ground Control Station). Cela constitue certainement l’évolution majeure dans l’emploi des drones de cette catégorie. On pourrait même aller jusqu’à parler d’une révolution. Si aujourd’hui le TCAS remplace de très loin l’œil humain en tant que capteur d’évitement principal à bord des avions de ligne, le concept de « sense and avoid », pourtant théorisé, ne s’appliquait pas aux drones en raison de contraintes techniques et d’absence d’équipement suffisamment léger et peu consommateur en énergie pour être avionné. Ce n’est plus le cas désormais.

Couplés au TCAS et à l’ADS‑B (Auto Dependent Surveillance Broadcast), les drones MALE disposeront de capteurs actifs tout-temps sous la forme d’un radar air-air leur permettant, à l’instar de tout avion moderne, de faire de l’évitement de trajectoire en automatique face à n’importe quel avion, qu’il soit coopératif, c’est-à‑dire équipé de dispositifs similaires, ou non. On entend par avions non coopératifs tous les aéronefs ne disposant pas de TCAS ou d’IFF, comme les avions de loisir. Cette avancée, couplée à des protections contre le givrage et le foudroiement, a plusieurs conséquences opérationnelles. Elle permettra tout d’abord de voler de manière parfaitement normale dans la totalité de l’espace aérien sans avoir à constamment séparer physiquement les avions pilotés à bord de ceux pilotés à distance. Si la France est très avancée dans les vols de drones MALE au-dessus de son territoire, cela reste néanmoins complexe et soumis à des règles très strictes et contraignantes. L’autre avantage rejoint le point supra par le fait que, désormais, le déploiement de ces avions peut se faire au travers de n’importe quelle classe d’espace aérien. Plus besoin de créer des réseaux de corridors spécifiques. Comme pour n’importe quel autre avion, un plan de vol et des autorisations de survol suffisent. Les drones MALE de l’armée de l’Air pourraient ainsi, dans le cadre de missions préplanifiées, d’un partenariat avec d’autres organismes interministériels ou de vols d’entraînement, se mettre ainsi au service des Douanes, des missions de SAR ou de la Sécurité civile par exemple.

Ces équipements (TCAS) et capteurs (Due Regard Radar) ne sont pourtant pas suffisants pour permettre une cohabitation sans contrainte entre les drones et les autres avions évoluant au-dessus des populations civiles notamment. La consolidation du lien satellite est fondamentale.

Redondance de la liaison satellite principale

La redondance de la liaison principale BLOS en bande Ku ou Ka par une autre liaison satellite fonctionnant dans une autre bande de fréquence (Inmarsat par exemple) assure sinon la poursuite de la mission, du moins en permanence le maintien des capacités de pilotage de l’avion, même en cas de brouillage. Les liaisons de données satellitaires, véritable cordon ombilical numérique, servent au pilotage, à la mise en œuvre des capteurs et à la diffusion des données recueillies depuis l’avion vers le cockpit. Bien qu’elles soient robustes et sécurisées par des dispositifs cryptographiques, ces dernières peuvent parfois être interrompues. Les raisons peuvent être multiples : interférences électromagnétiques ou météorologiques, brouillage, ou tout simplement panne technique sur le système d’antennes au sol ou à bord du drone. Les conséquences de cette interruption de connexion satellitaire sont en premier lieu l’arrêt de la diffusion des données des capteurs et l’incapacité de l’équipage à interagir avec l’avion.

L’avion adopte certes un comportement normé et prédéterminé. Il suit un plan de vol préprogrammé mis à jour en permanence, pour tenir compte des évolutions météorologiques notamment. Mais, dans ce cas, il devient plus un robot suivant une route préprogrammée qu’un avion dont l’interaction avec son environnement lui permettrait de gérer les situations complexes. À moins de faire appel à l’IA (Intelligence Augmentée ou Artificielle), une option qui fait toujours débat, mais qui aurait tout son sens dans cette phase particulière du vol où tous les senseurs à bord sont encore opérationnels. Au-delà de leur conséquence sur la mission ISR, ces pertes de liaison, heureusement rares, révèlent une vraie faiblesse, notamment dans le cas où les drones évolueraient dans un environnement non ségrégué des autres aéronefs, ou dans le cas où la situation météorologique viendrait à évoluer de manière très défavorable, comme pendant la saison des pluies en Afrique. Toutefois, grâce à cette deuxième liaison satellite, l’avion restera désormais toujours pilotable et pourra en toute sécurité soit poursuivre sa mission avec des débits réduits pour la FMV (Full Motion Video), ou être ramené ou posé sur un terrain de déroutement. Cette double sécurité concourt indéniablement à prévenir le brouillage et, en supplément des équipements de sense and avoid évoqués supra, à rendre ces avions parfaitement aptes au vol en milieu non ségrégué.

La dernière étape de ce processus de normalisation réside dans la capacité à produire les avions et cockpits de pilotage selon des normes qui permettront, comme pour n’importe quel avion civil, de les certifier. C’est la condition sine qua non de leur intégration sans limite dans la circulation aérienne générale et pour le survol des populations.

Certificabilité

Les années 2019-2021 vont voir l’avènement de nouveaux drones (MQ‑9B et Hermes-900) qui, construits selon les normes des avions civils, seront ainsi certifiables et certifiés selon les normes établies par les autorités de l’aviation civile et de l’OTAN (STANAG 4671) ou britanniques (UK DEFSTAN 00‑970). Initialement pensés pour remplir un rôle de surveillance puis de combat en opérations extérieures, les drones MALE restaient cantonnés dans des missions regroupées sous la notion désormais bien connue de Dirty Dull and Dangerous (DDD). Ainsi, leur production répondait plus à une logique de performance et de bas coût en raison de leur caractère supposé de « jetable » qu’au respect de normes de navigabilité. En Israël, le leader historique dans la production et l’emploi de drones MALE avec les États-Unis, l’espace aérien reste sous plein contrôle militaire et les drones n’ont donc pas à appliquer les normes civiles. Les exigences des clients, européens notamment, ont obligé les constructeurs de drones israéliens à tenir compte de cet impératif pour espérer obtenir des contrats. Ainsi, sans respect des normes de navigabilité pour l’obtention d’un certificat de vol, pas de vol prolongé au-dessus des populations civiles ni de possibilité de s’intégrer dans l’espace aérien au milieu des autres aéronefs. Cela rendait donc très compliqués les vols, en France par exemple, même si les statistiques de crashs du MQ‑9 Reaper montrent que ce système présente un taux de crashs inférieur à celui du F‑16, voire nul comme au Royaume-­Uni. Bien que cet État dispose de la plus grande flotte de MQ -9 en Europe, aucun ne peut voler, n’étant pas certifiable, dans son espace aérien. C’est pour cela que la RAF a opté pour leur remplacement par le MQ‑9B Protector – la dénomination britannique du MQ‑9B SkyGuardian.

Le programme Eurodrone a vocation, outre à doter l’Europe d’une capacité souveraine dans le segment des MALE, à répondre à ces exigences de certification et de navigabilité, et à permettre, par exemple, aux drones de la Luftwaffe de voler en Allemagne. Bien qu’elle dispose de drones Heron‑1 et de Heron TP, aucun de ces systèmes n’est autorisé à voler dans le ciel allemand. Il y a urgence à franchir ce cap. Il est de plus en plus inacceptable pour le citoyen contribuable, et parfois victime du terrorisme, de penser que ces moyens coûteux ne puissent être employés pour augmenter sa propre sécurité, en complément de moyens traditionnels, au-dessus du territoire national ou des frontières de l’Union européenne. Les modes d’action du terrorisme moderne ont créé une continuité entre le territoire national et les zones d’opération, notamment avec des réseaux animés par des organisations criminelles transnationales rompues à l’art de contourner les moyens traditionnels de surveillance de la police ou de la douane. Ces nouveaux drones certifiables permettent donc d’envisager leur emploi sans restriction sur le territoire national en appui des missions de contre-terrorisme, mais aussi, par extension, de toutes celles concourant à la protection des citoyens (SAR, anticriminalité, lors de catastrophes naturelles).

La mise en œuvre et le déploiement en vol désormais possible de ces drones depuis le territoire national pour des missions de surveillance maritime implique des temps de vol et une endurance accrus.

Doublement de l’endurance

L’augmentation significative de l’endurance des drones MALE modernes offre désormais la possibilité d’obtenir une occupation de l’espace aérien au-­dessus d’une cible et de son environnement. Le temps sur zone va désormais se compter en jours et non plus en heures. Le vol transatlantique réalisé par GA-ASI au moyen d’un MQ‑9B SkyGuardian démontre que les drones MALE disposent désormais d’une endurance très largement supérieure à 24 heures, hors temps de transit. Ces capacités facilitent l’obtention de ce qu’il convient désormais d’appeler l’occupation aérienne. La faiblesse intrinsèque de l’aviation réside en effet dans son incapacité à durer dans son propre environnement, l’espace aérien. Ou alors à des coûts prohibitifs pour la plupart des nations, États-Unis mis à part. L’introduction du quasi-temps réel marque en effet un nouveau tournant dans l’histoire de la guerre aérienne. Cette tendance, d’abord limitée en raison du caractère expérimental de ces nouveaux avions qui s’apparentaient à de fragiles motoplaneurs, s’est progressivement imposée dans le contexte de la guerre contre-­insurrectionnelle ou de basse ou moyenne intensité. Dans le milieu des années 2000, l’avènement de nouveaux drones de la classe des MQ‑9 Reaper et Heron TP s’est accélérée. Aujourd’hui, les besoins concernant la surveillance dans le domaine maritime explosent.
Outre l’augmentation de l’activité de la marine russe et la croissance continue de la marine chinoise, la garantie de la libre circulation sur les mers et du respect des zones économiques exclusives et de leurs ressources naturelles ainsi que les flots des migrants en Méditerranée ou dans le canal de Mozambique sont devenus un enjeu majeur. Et cela se produit dans un moment ou, paradoxalement, la taille des flottes des marines occidentales n’a jamais été aussi faible. En outre, après avoir réduit leurs flottes à la portion congrue en raison de la disparition dans les années 1990 de la menace sous-­marine russe, de nombreux pays sont contraints de réinvestir dans des avions de patrouille maritime.

Toutefois, leur coût à l’heure de vol est d’un tel niveau que ces appareils, de type P‑8 Poseidon par exemple, ne peuvent à eux seuls constituer l’épine dorsale de la surveillance maritime. La nouvelle génération de drones MALE, au coût à l’heure de vol bien plus modeste, représente, avec une endurance portée à plus de 40 heures, une solution crédible et peu coûteuse à ces problématiques de surveillance maritime. Une répartition intelligente des rôles pourrait consister en l’utilisation alternée d’avions pilotés à distance pour la surveillance quotidienne, ou DULL dans la terminologie anglo-­saxonne, et d’avions pilotés à bord pour les missions d’intervention.

Enfin, afin de tirer pleinement profit de cette occupation de l’espace aérien rendue possible par les caractéristiques mentionnées supra, les drones MALE doivent aussi disposer d’une capacité plug and play pour intégrer une variété toujours plus grande de capteurs. C’est particulièrement le cas pour des nations souhaitant disposer d’une pleine souveraineté dans leur recueil de renseignement.

Modularité des capteurs

Les drones MALE modernes permettent, grâce à la séparation numérique du logiciel de commandes de vol de celui du système de mission, de customiser et d’avionner, en fonction des besoins et des aspirations des clients, un plus grand nombre de capteurs sur un même appareil.

Aujourd’hui, le drone MALE devient une plate-­forme ISR omnirôle et plug and play. Comme indiqué dans les précédents paragraphes, les drones MALE modernes permettent désormais d’envisager une surveillance permanente d’un objectif et de son environnement. Afin de tirer profit de l’occupation aérienne ainsi obtenue, il convient de disposer d’une modularité de capteurs en fonction de la mission militaire ou civile sans, idéalement, obérer l’endurance. La palette de capteurs est multiple et s’étend des traditionnelles caméras à haute définition en temps réel (FMV) aux radars multimodes en passant par toute une panoplie d’armes guidées et de capteurs multi-intelligence (COMINT, ELINT, WAMI (1), hyperspectral, guerre électronique, bouées anti-­sous-­marines, etc.).

L’enjeu est de donner la possibilité au client, pour des questions évidentes de souveraineté, d’être rapidement en mesure d’obtenir une intégration de ses propres armements et ensembles de capteurs. Et cela sans remettre en cause la navigabilité puisque le travail aura été réalisé sur le logiciel des commandes de vol qui est par conception séparé du dispositif de mission. Ainsi, en plus de la cryptographie, le client disposera donc du plein contrôle des données recueillies lors d’une mission spéciale, secrète ou à vocation judiciaire. C’est bien là que réside, au-delà de la construction d’un véhicule aérien certifiable en composite, la véritable souveraineté. Dans la gestion quotidienne d’une flotte de drones mise en œuvre par une armée de l’air clairement identifiée, nommée et reconnue comme experte MALE au profit des autres armées et de l’interministériel, la possibilité de disposer de cette souplesse plug and play pour avionner une grande variété de capteurs d’origine nationale serait une avancée considérable.

Conclusion

La technologie va sans nul doute continuer à permettre la normalisation de l’emploi des drones MALE à l’instar de n’importe quels autres aéronefs habités, comme nous avons souhaité le démontrer au travers des six capacités identifiées dans cet article. Elle permet en effet de gommer toutes les contraintes opérationnelles actuelles liées à la météo, à la réglementation ou simplement à des problèmes de conception. Et cela en toute sécurité pour les citoyens puisque ces systèmes répondront aux normes de navigabilité les plus drastiques. Ce nouvel élan va donc amener l’éclosion d’une nouvelle génération de drones MALE modernes qui seront la réponse aux exigences de persistance, de précision et de contraction du temps sur tout le spectre des missions de défense, de sécurité civile et de surveillance maritime notamment. Toutefois, il convient de garder à l’esprit que ces avions restent pilotés à distance et que les données recueillies par la kyrielle de capteurs embarqués à bord nécessitent d’être analysées. En effet, ces systèmes inhabités restent très dépendants d’équipages tout ce qu’il y a de plus humain.

Comme j’aime à le rappeler : « There is nothing more manned than an unmanned system ! » Afin de faire face à ces enjeux, une première réponse réside dans un partage des tâches. Le modèle serait un partage entre des moyens étatiques mutualisés entre les armées sous la direction d’un expert de milieu aérien et une externalisation à des entreprises civiles spécialisées, dans le domaine de l’ISR notamment, pour les missions de surveillance routinière. Autrement dit, les missions monotones ou de routine (DULL). Une autre réponse technique est en préparation, voire en cours d’expérimentation. Il s’agit de l’introduction d’un certain niveau d’automatisation à base d’IA. Cela touchera d’abord l’analyse des données, puis l’aide au pilotage de multiples de drones avant de permettre ensuite une interaction synchrone avec d’autres aéronefs habités selon le concept de « slave wingman ». Une autre révolution. Paradoxalement, il se peut que ce soient des aéronefs sans pilote à bord, et dotés d’une IA, qui redonnent toute sa force à la citation prophétique de Clément Ader : « Qui sera maître de l’air sera maître du monde. »

Note

(1) Wide Area Motion Imagery.

Légende de la photo en première page : Un MQ-9 Reaper américain. Le MQ-9B gagnera deux points d’emport supplémentaires. (© US Air Force)

Article paru dans la revue DSI n°142, « La guerre des perceptions : tromper l’ennemi pour vaincre », juillet-août 2019 .
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