Entrée dans l’Union européenne (UE) en 2013, la Croatie préside pour la première fois le Conseil de l’Union pour six mois, du 1er janvier au 30 juin 2020. L’occasion de dresser un état des lieux de son intégration européenne au moment où le pays se dote d’un nouveau président, Zoran Milanovic, élu en janvier 2020.
Pays de 56 594 kilomètres carrés (dix fois plus petit que la France hexagonale) à la forme en boomerang, la Croatie est peuplée de 4,13 millions d’habitants en 2019. Indépendante depuis le 25 juin 1991, c’est la deuxième nation issue de l’ex-Yougoslavie à avoir intégré l’UE en 2013 après l’adhésion de la Slovénie en 2004, alors que Zagreb avait déposé sa candidature dès 2003. Le chemin complexe et contrasté des négociations d’adhésion explique en partie que la Croatie soit moins intégrée que sa voisine, n’étant membre ni de l’espace Schengen ni de la zone euro. L’application de la libre concurrence et du droit européen a été pour le pays un vrai défi et les longues négociations ont mis en évidence les difficultés rencontrées.
Des négociations lentes et difficiles
Elles ont d’abord été repoussées par le manque de coopération reproché au gouvernement croate avec le Tribunal pénal international (TPI) dans la recherche et l’arrestation de généraux croates, en particulier Ante Gotovina, recherchés pour leurs exactions durant la guerre (1991-1995), dont les persécutions envers des civils serbes de la région de Krajina en 1995. Sa détention aux Canaries (Espagne) en décembre 2005 a permis l’ouverture des négociations d’adhésion. La Croatie adopta alors un plan de réformes de l’ensemble du système judiciaire et juridictionnel pour se conformer progressivement aux normes européennes.
Un contentieux géopolitique entre la Croatie et la Slovénie sur un droit d’accès à la mer au niveau du golfe de Piran a également retardé l’adhésion croate en 2008-2009, Ljubljana menaçant d’y mettre son veto. Le manque d’enthousiasme des Croates lors du référendum du 22 janvier 2012 s’explique par les tensions générées par ces difficiles et longues négociations. Si 66,2 % se sont prononcés pour l’entrée dans l’UE, le taux de participation n’était que de 43,5 %.
Les défis : démographie en berne et forte émigration
Le nouveau président social démocrate, Zoran Milanovic, ancien Premier ministre (2011-2016), élu le 5 janvier 2020 avec 52,7 % des voix face à la présidente conservatrice sortante (2015-2020), Kolinda Grabar-Kitarovic, et prêchant la tolérance dans un contexte de vigoureuse poussée de la droite radicale, aura fort à faire.
À l’instar d’autres voisins d’Europe centrale, le pays connaît une chute démographique importante liée à la fois à une faible natalité – 1,4 enfant par femme – et à une forte émigration de la jeunesse vers l’Europe de l’Ouest, en particulier l’Allemagne, le confrontant à un problème de vieillissement rapide de sa population et à des difficultés, pour certains secteurs économiques, à recruter des employés qualifiés. La Croatie, comme la Slovénie, a été touchée par la crise de la dette européenne qui l’a plongée dans une longue période de récession – de 2008 à 2014 – combinée à un fort taux de chômage (de 17,3 % en 2014). La croissance retrouvée de 2 à 3 % par an depuis 2015, notamment grâce aux secteurs du tourisme et de la construction, a favorisé une baisse du chômage, tombé à 8,5 % en 2018, équivalent à la moyenne de la zone euro.
Le sondage Eurobaromètre no 92 (2019) montre que 62 % des Croates estiment que leur voix porte au sein de l’UE (contre 45 % en moyenne). Ils sont pourtant deux fois moins nombreux (25,2 %) que les Européens à se rendre aux urnes lors des élections européennes de mai 2019. Cela s’explique par le fait qu’avec 12 sièges de députés sur 705 du Parlement européen (soit 1,7 % des élus), les Croates se sentent peu représentés dans cette institution, contrairement au Conseil de l’UE, dont le système de prise de décision est plus favorable aux petits États. L’immigration (46 % des Croates interrogés), le terrorisme (24 %) et l’état des finances publiques des membres (20 %) sont les trois principaux problèmes auxquels l’UE doit faire face, alors que les Européens placent généralement le changement climatique en deuxième position après l’immigration, puis la situation économique. C’est également l’un des rares pays de l’UE non membres de la zone euro dont la population est majoritairement en faveur de la monnaie unique.
La Croatie entend confirmer son intégration européenne et a demandé à rejoindre le mécanisme de change européen dans l’espoir d’une adhésion à la zone euro d’ici à 2023. Dans cette perspective, la présidence croate du Conseil de l’UE est un symbole fort pour cet État, bien qu’elle arrive dans un contexte compliqué par le Brexit où les négociations vont principalement se focaliser sur les modalités des relations futures entre le Royaume-Uni et l’UE. Cela laisse peu de marge à son autre priorité, celle de l’élargissement de l’UE vers la Serbie et le Monténégro, qui ne fait pas consensus au sein de l’Union. « Une Europe forte dans un monde de défis », tel est le slogan, choisi à bon escient, par cette présidence croate.
Cartographie de Laura Margueritte
NOM OFFICIEL
République de Croatie
CHEF DE L’ÉTAT
Zoran Milanovic
(président élu en janvier 2020)
SUPERFICIE
56 594 km2
(128e rang mondial)
LANGUE OFFICIELLE
Croate
CAPITALE
Zagreb
POPULATION EST. 2019
4,13 millions d’habitants
DENSITÉ
73 hab./km²
MONNAIE
Kuna
HISTOIRE
Rattachée à l’Autriche-Hongrie au XIXe siècle, la Croatie intègre le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes en 1918. Pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1941, le pays devient un État satellite de l’Allemagne nazie avant d’intégrer, après la libération, la République fédérative socialiste de Yougoslavie. La déclaration d’indépendance en 1991 déclenche une guerre fratricide, qui prend fin en 1995.
PIB PAR HABITANT EN 2018 (EN PARITÉ DE POUVOIR D’ACHAT)
27 579 dollars internationaux courants
INDICE DE DÉVELOPPEMENTHUMAIN (2018)
0, 837 (46e rang)