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Le Caucase du Sud poursuit sa militarisation sur fond de conflits territoriaux non résolus

Dans ce carrefour stratégique composé de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie, armement et rhétorique de guerre entretiennent les tensions autour de conflits territoriaux « gelés » depuis la fin de la période soviétique. Mais depuis une dizaine d’années, la Géorgie cherche une voie non militaire de résolution des différends régionaux.

Le changement politique intervenu en Arménie en 2018, et les soubresauts afférents (1), ont de nouveau attiré l’attention internationale sur le Caucase du Sud, région située entre mer Noire et mer Caspienne et séparée des républiques du Caucase du Nord par la chaîne du Grand Caucase. La situation sécuritaire, dans cette zone qui comprend également la Géorgie et l’Azerbaïdjan, est toujours déterminée par des conflits territoriaux non résolus (Haut-Karabagh, Ossétie du Sud, Abkhazie), à l’ombre desquels les opposants ont opéré un réarmement considérable. À l’heure actuelle, c’est particulièrement vrai pour les adversaires du conflit du Haut-Karabagh — l’Azerbaïdjan et l’Arménie.
Il y a dix ans, l’éclatement de la « guerre d’août 2008 » entre la Géorgie et la Russie à propos de l’Ossétie du Sud était un sévère avertissement illustrant les risques d’une militarisation à outrance des parties impliqués dans les « conflits gelés ». La Géorgie, qui semble désormais avoir abandonné l’option militaire pour résoudre ses conflits sécessionnistes, a significativement réduit ses dépenses militaires comparativement à celles d’avant 2008. Serait-elle en voie de devenir un modèle régional ?

Des positions figées, une rhétorique guerrière

Les conflits du Haut-Karabagh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud font partie des conflits les plus compliqués et les plus anciens qui existent actuellement sur les territoires de ce qui constituait l’Union soviétique. Depuis le début des années 1990, les gouvernements de la région (arménien, azerbaïdjanais et géorgien) ont chacun donné des interprétations historiques divergentes de ces conflits et des problèmes de sécurité régionaux plus vastes — notamment les tensions OTAN-Russie. Parallèlement, la position des gouvernements azerbaïdjanais et arménien entourant le conflit du Haut-Karabagh est devenue plus intransigeante au fil du temps, en raison même de sa non-résolution. Les deux gouvernements dénoncent les injustices historiques qui leur auraient été infligées et développent ainsi le discours de leur propre victimisation.

Tout en critiquant constamment les doubles standards des États occidentaux (offrant plus de soutien à l’intégrité territoriale de la Géorgie qu’à celle de l’Azerbaïdjan), le gouvernement azerbaïdjanais souhaite que les puissances occidentales reconnaissent les injustices subies par les Azéris et qu’elles agissent en conséquence pendant le processus de paix. Pour sa part, tout en s’appuyant principalement sur le soutien extérieur de la Russie et de sa diaspora, le gouvernement arménien estime que la communauté internationale finira par reconnaître un jour le Haut-Karabagh. Ainsi, les deux discours continuent de générer des stéréotypes négatifs de l’autre, menant à l’isolement, à l’intransigeance et au manque de confiance mutuelle, empêchant les parties de s’engager dans un dialogue constructif. Les rares occasions d’échanges restent superficielles car aucun des antagonistes ne veut réellement s’attaquer aux sujets qui dérangent : les territoires occupés, les personnes déplacées, les réparations et dédommagements. Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que les deux protagonistes se soient lancés dans une course aux armements, qui dénote qu’ils n’ont pas écarté l’option militaire pour régler leur différend territorial.

Des forces en présence inégales

Or, les forces en présence ne sont pas équilibrées. Parmi les États du Caucase du Sud, les dépenses militaires les plus élevées en termes absolus sont celles de l’Azerbaïdjan ; non sans surprise, car ce dernier, avec ses plus de 10 millions d’habitants, constitue le plus grand et le plus populeux pays de la région. C’est également ce pays qui a la plus grande capacité financière, notamment grâce à sa production d’hydrocarbures (2), bien que la baisse des cours du baril depuis 2014 ait forcé tous les pays exportateurs de pétrole à réviser à la baisse leurs dépenses pour la sécurité et la défense. Malgré la réduction de son budget militaire, ce dernier a néanmoins varié entre 1,6 et 2,2 milliards de dollars depuis 2011 (3), celui de 2019 étant estimé à près de 1,8 milliard (4). L’Azerbaïdjan s’est classé 12e de l’indice global de militarisation (IGM) 2018 du Centre international de conversion de Bonn (BICC) (5).

C’est ainsi que le président Ilham Aliyev se targue fièrement d’avoir multiplié ses dépenses militaires par 15 depuis 2003 (6). Bakou a opéré cette militarisation dans le contexte du conflit du Karabagh. Les autres parties liées au conflit — l’Arménie et le Haut-Karabagh — sont loin derrière en termes absolus : pour tenter de faire contrepoids à l’Azerbaïdjan, l’Arménie n’a dépensé que 609 millions de dollars américains pour son armée en 2018, ce qui constitue néanmoins une augmentation nette comparativement à ses dépenses militaires de 2017, estimées à 444 millions de dollars (7). Son degré de militarisation est toutefois considérable par rapport à la taille limitée de sa population et de son économie. L’Arménie occupe en effet le troisième rang dans l’indice de l’IGM. Parallèlement, le personnel militaire du Haut-Karabagh est estimé entre 18 000 et 20 000 personnes, pour une population totale de 150 000 habitants.

La Géorgie figure loin derrière ses voisins dans l’IGM — au 55e rang. Cela dit, avant la « guerre d’août » de 2008, sous la présidence de Mikheil Saakachvili, les dépenses militaires géorgiennes étaient en pleine croissance, passant de moins de 1 % du PIB sous la présidence de son prédécesseur Chevardnadze, à plus de 9 % entre 2003 et 2008. Après la guerre cependant, le gouvernement à Tbilissi a considérablement réduit son budget militaire. Les deux territoires sécessionnistes de Géorgie — l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud — ont également un degré élevé de militarisation en raison de la présence des troupes russes sur place. Plus de 4000 soldats russes sont stationnés sur le petit territoire de l’Ossétie du Sud, qui compte aujourd’hui environ 30 000 habitants.

Les leçons de 2008

Avant la « guerre de cinq jours » entre la Russie et la Géorgie en août 2008, le terme utilisé pour désigner les conflits territoriaux non résolus était « conflits gelés ». La courte guerre a cependant montré qu’il ne fallait pas compter sur la permanence de l’état gelé des conflits et qu’on ne peut exclure la reprise des hostilités qui avaient secoué le Caucase du Sud au début des années 1990. La « guerre d’août » constitue un tournant majeur dans le développement de la politique de sécurité dans l’espace post-soviétique, car la Russie s’était engagée pour la première fois dans un conflit militaire avec un pays de son « étranger proche » strictement orienté vers l’Occident. La reprise des hostilités avait été précédée d’une escalade des tensions entre la Géorgie et ses régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, lors de laquelle la Russie s’est rangée du côté des parties sécessionnistes. Une autre leçon pour la communauté internationale a été qu’elle a réagi beaucoup trop tard à cette escalade qui s’annonçait depuis des mois. L’opération militaire a débuté dans la nuit du 7 au 8 août en Ossétie du Sud avec une attaque d’artillerie de l’armée géorgienne contre sa capitale, Tskhinvali. Le rapport publié un an plus tard par la Mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie évaluait les opérations militaires sous l’angle du droit international. Les auteurs du rapport concluaient que l’attaque géorgienne contre l’Ossétie du Sud n’était pas légitime au regard du droit international, mais que l’opération militaire russe au-delà de l’Ossétie du Sud au cœur de la Géorgie — notamment à proximité de sa capitale, Tbilissi, et en Abkhazie — était à son tour disproportionnée, de même que l’action des groupes militaires ossètes contre les populations géorgiennes en Ossétie du Sud.

La guerre perdue, qui était une confrontation asymétrique depuis le début, a encore réduit la popularité déjà affaiblie de Saakachvili. Cela a conduit, après les élections législatives de 2012, à un changement de pouvoir démocratique. Comparativement à son prédécesseur, le nouveau gouvernement, soutenu par la coalition « Rêve géorgien », a poursuivi une politique plus pragmatique à l’égard de la Russie et de ses deux territoires sécessionnistes, reconnus depuis par Moscou comme des États indépendants, tout en maintenant son rapprochement avec la communauté transatlantique sur les plans de la sécurité et de l’économie. La Géorgie a réduit ses dépenses militaires de 880 millions de dollars en 2008 à 317 millions de dollars en 2018 (8). L’effectif de ses forces régulières était estimé en 2017 à 26 000 militaires, à savoir 1,28 % de sa population. En termes quantitatifs, il se situe loin derrière l’Azerbaïdjan (82 000 militaires, soit 1,63 % de sa population) et l’Arménie (49 000 militaires, soit 3,55 % de sa population) (9). La Géorgie semble ainsi avoir abandonné « l’option militaire » pour restaurer son intégrité territoriale et a publié une déclaration de non-violence et une nouvelle proposition de paix, intitulée « Une étape vers un meilleur avenir », axée sur les échanges commerciaux, le développement économique et la création d’opportunités dans le système d’éducation (10).

La Géorgie : moins militarisée mais plus proche de l’OTAN

Qualitativement, cependant, la Géorgie a amélioré ses capacités militaires, tirant les leçons de la guerre d’août. Cette modernisation vise à assurer l’interopérabilité avec l’OTAN, qu’elle souhaiterait rejoindre malgré l’opposition de Moscou et dont elle s’est déjà beaucoup rapprochée. Cela est désormais plus visible sur le terrain, par exemple avec la mise en place, en 2015, du Centre conjoint OTAN-Géorgie de formation et d’évaluation, ou encore avec la tenue de plusieurs exercices conjoints, y compris sur le sol géorgien. Parallèlement, la Géorgie a apporté une contribution remarquable aux missions de sécurité internationales, si l’on considère son bassin de population et la taille limitée de ses forces armées — par exemple en Afghanistan, où jusqu’à 1600 militaires géorgiens ont participé à la mission de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), et plus de 800 à la mission de suivi. La Géorgie a déployé des efforts similaires en Irak et en République centrafricaine. Les liens commerciaux temporairement bloqués entre la Géorgie et la Russie se sont également améliorés. Néanmoins, les tensions géopolitiques entre les parties impliquées dans la guerre se poursuivent depuis 2008. La Russie a lié encore plus fermement ses « protectorats » de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud en y déployant un total de 8000 militaires et en cimentant davantage leur séparation de la Géorgie au moyen de traités d’alliance et d’intégration (11).

Lors du dernier sommet de l’OTAN, en juillet 2018, des menaces se sont encore fait entendre de la part de Moscou contre la Géorgie, si cette dernière rejoignait l’Alliance occidentale. Le Premier ministre géorgien de l’époque, Mamuka Bachtadze, et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, ont réagi conjointement lors de leur rencontre du 18 juillet en réaffirmant la souveraineté de l’État géorgien. Stoltenberg a alors réitéré le soutien de l’OTAN à l’intégrité territoriale de la Géorgie et appelé la Russie à retirer ses troupes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Depuis, les relations entre l’Alliance et la Géorgie sont plus étroites que jamais. Cela dit, malgré les déclarations de solidarité en provenance de Bruxelles, la Géorgie n’a pas vu ses perspectives d’adhésion à l’Alliance transatlantique s’améliorer. Ainsi, le président américain Donald Trump a déclaré à la mi-juillet 2018 que le pays avait une chance d’y adhérer un jour, « mais pas pour le moment ». Lors du sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008, l’Alliance militaire avait accepté son admission de principe, mais à la demande de l’Allemagne et de la France en particulier, elle s’était abstenue d’accorder au pays un ticket d’entrée sous la forme d’un plan d’action pour l’adhésion. Il en est toujours ainsi aujourd’hui, même si la Géorgie démontre de manière exemplaire sa coopération avec l’OTAN. En tout état de cause, bien que sa pleine admission à l’OTAN se fasse encore attendre, la Géorgie reçoit un appui international considérable grâce à ses relations privilégiées avec l’Alliance. Cet appui semble lui procurer la marge de manœuvre nécessaire pour tenter une nouvelle approche visant une résolution pacifique de ses conflits sécessionnistes, et ce malgré les interventions russes aggravant la situation, une stratégie qui n’a pas encore donné de résultat.

Le conflit du Haut-Karabagh, moteur de la militarisation régionale

Bien que le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ne soit pas autant le théâtre de tensions géopolitiques est-ouest que les conflits territoriaux non résolus en Géorgie ou les combats en Ukraine, le degré de militarisation qu’il a entraîné dans la région est alarmant. Il en est de même pour la rhétorique guerrière qui revient de façon cyclique dans les discours officiels des protagonistes. Le 24 juillet 2018, les porte-parole des deux parties se sont menacés mutuellement de représailles militaires. Des représentants du Haut-Karabagh ont mis en garde leurs voisins contre une « frappe militaire immédiate » en cas d’attaque. À son tour, le ministère de la Défense azerbaïdjanais a fait remarquer qu’il existait sur le territoire arménien des objets dont la destruction rendrait des zones entières inhabitables pendant des siècles, une allusion à peine voilée à la centrale nucléaire de Metsamor, qui produit près de la moitié de l’électricité du pays et qui, en raison de la vétusté de ses installations et de son établissement dans une zone d’activités sismiques, est déjà considérée comme la centrale nucléaire la moins sûre au monde. Au printemps 2019, réagissant aux habituelles menaces azerbaïdjanaises intervenues peu après le sommet des chefs d’État arménien et azerbaïdjanais du 29 mars, le ministre arménien de la Défense a indiqué qu’« en cas de reprise du conflit, l’Arménie ne se contenterait plus de défendre ses positions et celles de la République d’Artsakh [Haut-Karabagh] comme elle l’a fait jusqu’à présent mais qu’elle avancerait en territoire ennemi » (12). 

L’Azerbaïdjan présente de plus en plus « l’option militaire » comme la seule option qu’il lui reste pour restaurer son intégrité territoriale internationalement reconnue, étant donné l’incapacité du Groupe de Minsk (13), en place depuis 1992, de parvenir à une résolution du conflit. Lors des opérations militaires d’avril 2016 — qui avec un bilan de 200 morts comptent parmi les plus violentes depuis le cessez-le-feu de 1994 —, l’armée azerbaïdjanaise avait repris certains territoires occupés par l’Arménie. Cette dernière n’est pas en mesure de rivaliser avec la puissance militaire et économique de l’Azerbaïdjan, qui en dépit des embargos non contraignants de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) depuis 1992 et de l’ONU depuis 1993 (14), a importé des armes en provenance de Russie, d’Israël, de Turquie, de Biélorussie, d’Ukraine et d’autres pays. Pour la seule Russie, ses achats se sont élevés à hauteur de cinq milliards de dollars américains. Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), 13 % de l’ensemble des importations d’armes en Europe aboutissent en Azerbaïdjan. En outre, ce pays développe sa propre industrie d’armement et s’impose désormais lui-même comme un exportateur dans ce domaine.

L’Arménie s’est largement appuyée sur la Russie, avec laquelle elle a convenu d’un « partenariat stratégique », pour ses efforts de réarmement. La Russie maintient environ 5000 soldats et des troupes à la frontière arménienne à proximité de la Turquie et de l’Iran, sur sa base militaire de Gyumri. En 2016, l’Arménie avait reçu de Moscou des missiles Iskander. Elle négocie actuellement avec le Kremlin pour l’achat d’avions de combat Su-30SM destinés à améliorer sa capacité de défense aérienne. Pour de tels projets, Erevan tire des avantages financiers de ses relations étroites avec Moscou, contrairement à l’Azerbaïdjan.

Agissant à la fois comme le principal médiateur et comme le principal fournisseur d’armes des deux parties, le Kremlin joue un rôle ambivalent dans le conflit du Haut-Karabagh. L’Arménie ne peut pas non plus compter sur la solidarité des autres membres de l’organisation de sécurité régionale dominée par la Russie, l’organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), à laquelle l’Azerbaïdjan n’a pas adhéré. En effet, la Biélorussie, pourtant un pays membre de l’OTSC, a récemment livré des missiles Polonez, de fabrication biélorusse, à l’Azerbaïdjan (15). Dans un effort de moderniser davantage les forces armées de l’Arménie, le ministère arménien de la Défense a lancé un « programme de modernisation 2018-2024 » axé sur l’innovation technologique. Le chef populaire de la « révolution de velours » du printemps 2018 et nouveau chef du gouvernement, Nikol Pachinian, s’efforce cependant de rassurer Moscou et une large fraction de la population arménienne que son arrivée au pouvoir n’affectera pas les relations de l’Arménie avec son « partenaire de sécurité » russe. Même si l’Azerbaïdjan est resté neutre par rapport au changement de pouvoir en Arménie, cela ne signifie pas qu’un rapprochement se dessine entre les deux. Lorsque Pachinian a demandé la réadmission du Haut-Karabagh dans les négociations de paix menées par l’OSCE, dont il est exclu depuis 1998, et que son fils a effectué son service militaire de façon ostentatoire au Haut-Karabagh, Bakou a répondu par de nouvelles menaces.

Quels risques de déflagration ?

Même si les experts régionaux jugent peu probable une reprise des hostilités armées dans le Caucase du Sud, un tel scénario ne peut être complètement écarté. Alors qu’en Géorgie, on observe des tendances vers une limitation de l’armement et la recherche d’une alternative à la confrontation militaire pour résoudre les conflits gelés au sein de ce pays, le contraire semble se produire dans le cas du conflit du Haut-Karabagh. La communauté internationale doit prendre au sérieux la récente rhétorique agressive alimentée par le réarmement massif résultant de ce conflit. Cette rhétorique guerrière constitue en fait le principal obstacle à tout règlement pacifique du conflit. Prenons l’exemple du retrait des troupes arméniennes des provinces occupées situées à proximité du Haut-Karabagh, réclamé depuis longtemps par plusieurs acteurs internationaux comme premier pas vers un règlement pacifique. Certains politiciens arméniens avaient effectivement envisagé un tel retrait, du moins partiel. Il est cependant peu probable que ce geste de rapprochement voie le jour dans un avenir proche tant que « l’option militaire » restera sur la table comme une solution viable. À moins d’une avancée dans le développement des processus de paix en Géorgie — ce qui est peu susceptible de se produire tant que la Russie soutiendra ses protectorats en Ossétie du Sud et en Abkhazie —, il y a peu de chances que la nouvelle approche adoptée par Tbilissi puisse servir d’exemple pour l’autre conflit gelé du Caucase du Sud, le Haut-Karabagh.

<strong>Les conflits « gelés » du Sud-Caucase</strong>
<strong>Le Caucase, une région au cœur d’enjeux stratégiques</strong>

Notes
(1) Voir Tigrane Yégavian, « Arménie, an II de la révolution de velours », Diplomatie no 99, juillet-août 2019.
(2) L’Azerbaïdjan dispose des 20es réserves mondiales prouvées de pétrole (0,4 % du total) et des 25es réserves mondiales prouvées de gaz (0,5 % du total), avec un potentiel offshore non exploré encore substantiel. Voir DG Trésor, « Le secteur des hydrocarbures en Azerbaïdjan : une lente transition du pétrole vers le gaz », DG Trésor, 12 avril 2019 (https://​www​.tresor​.economie​.gouv​.fr/​A​r​t​i​c​l​e​s​/​2​0​1​7​/​1​2​/​1​3​/​l​e​-​s​e​c​t​e​u​r​-​d​e​s​-​h​y​d​r​o​c​a​r​b​u​r​e​s​-​e​n​-​a​z​e​r​b​a​i​d​j​a​n​-​u​n​e​-​l​e​n​t​e​-​t​r​a​n​s​i​t​i​o​n​-​d​u​-​p​e​t​r​o​l​e​-​v​e​r​s​-​l​e​-​gaz).
(3) D’après les données du SIPRI : « Military expenditure by country, in constant (2017) US$ m., 1988-2018 », Stockholm International Peace Research Institute, 2019, p. 20 (https://​bit​.ly/​2​I​S​o​nhR).
(4) « Azerbaijan to increase spending on defense, national security », Aznews, 23 octobre 2018 (https://​www​.azernews​.az/​n​a​t​i​o​n​/​1​3​9​6​4​8​.​h​tml).
(5) Pour une représentation graphique de l’Indice global de militarisation, voir le site du BICC (https://​bit​.ly/​2​G​4​U​IPL).
(6) « Ilham Aliyev : Azerbaijan’s Military Expenditures Grow 15 Times », Turan News Agency, 26 juin 2018 (https://​bit​.ly/​2​l​C​0​gXo).
(7) SIPRI, op. cit., p. 20. Étant donné les tensions avec son puissant voisin, l’Arménie est entraînée par les dépenses militaires de l’Azerbaïdjan et a ainsi augmenté son budget militaire de 33 % entre 2017 et 2018, une tendance qui se poursuit. Voir Nan Tian et al., « Trends in World Military Expenditure, 2018 », SIPRI Fact Sheet, avril 2019, p. 8 (https://​bit​.ly/​2​W​a​4​PbU).
(8) SIPRI, op. cit., p. 20.
(9) Les statistiques relatives à la taille des forces armées sont tirées du site « Perspective monde », de l’Université de Sherbrooke (https://​bit​.ly/​2​W​2​9​wFz).
(10) « Government Announces New Peace Initiative for Abkhazia, S.Ossetia Residents », Civil.Georgia, 4 avril 2018 (https://​old​.civil​.ge/​e​n​g​/​a​r​t​i​c​l​e​.​p​h​p​?​i​d​=​3​1​002).
(11) En plus d’accords d’amitié, de coopération et d’aide mutuelle avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, signés dès 2008 et qui assurent un soutien militaire de la Russie aux deux régions séparatistes géorgiennes, la Russie a conclu un traité d’alliance et de partenariat stratégique le 24 novembre 2014. « Moscou signe des accords d’amitié avec l’Abkhazie et l’Ossétie », France24, 17 septembre 2008 (https://​bit​.ly/​2​P​4​V​hyl) ; « La Russie et l’Abkhazie signent un accord d’alliance », La Presse, 24 novembre 2014 (https://​bit​.ly/​3​1​x​s​01T).
(12) « L’Arménie soumise, c’est fini », Armenews, 13 avril 2019 (https://​bit​.ly/​2​J​a​R​8ow).
(13) Créé par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE, devenue depuis OSCE), ce groupe de pays co-présidé par les États-Unis, la France et la Russie est chargé d’encourager la recherche d’une résolution pacifique et négociée entre les opposants du conflit sur le Haut-Karabagh.
(14) Les textes de ces résolutions sont disponibles sur le site du SIPRI (https://​bit​.ly/​2​B​y​7​CTF et https://​bit​.ly/​3​5​Y​E​2ob).
(15) « OTSC : Erevan critique des commentaires du dirigeant biélorusse », Armenews, 14 novembre 2018 (https://​bit​.ly/​3​2​C​H​we8).

Légende de la photo en première page : Le 7 avril 2016, un soldat arménien revient du front après la guerre de quatre jours qui a opposé le Haut-Karabagh à l’Azerbaïdjan. Malgré la signature en 1994 d’un cessez-le-feu pour mettre fin au conflit qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan à propos de ce territoire, aucun traité de paix n’a été signé et les escarmouches sont encore nombreuses. Aujourd’hui, cette enclave, qui représente environ 20 % du territoire dépendant officiellement de Bakou, est sous contrôle arménien. (© Shutterstock/Suren Sarumyan)

Article paru dans la revue Diplomatie n°101, « La Chine au XXIe siècle : Quelles ambitions ? Quelle puissance ? », novembre-décembre 2019.
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