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Le virus Trump : fin de la démocratie américaine ?

Donald Trump a non seulement cherché à exploiter les facteurs structurels de division de la société américaine, mais il a, par ses tendances populistes et son dédain des mécanismes institutionnels, dégradé le fonctionnement même de la démocratie aux États-Unis, au point d’avoir fait des élections de 2020 celles qui consacrent incontestablement toutes ses fractures.

* En amont des élections américaines 2020, qui auront lieu le 3 novembre, nous publions ici la version intégrale de l’article de Charles-Philippe David qui paraîtra dans une version légèrement raccourcie dans Diplomatie n°106 (novembre-décembre 2020), en partenariat avec

Le 4 novembre, suivez la soirée électorale américaine à 0h30 avec la Chaire Raoul-Dandurand

[Le 3 novembre à 18h30, heure de Montréal]

La mise en garde de la nièce du président, Mary Trump, partagée par une majorité de commentateurs, est sans équivoque : « Si mon oncle obtenait un second mandat, ce serait la fin de la démocratie américaine. (1) » Elle attribue notamment la cause de ce malheur à la capacité de Donald Trump à attiser la division. Certes, la polarisation politique aux États-Unis n’est pas un phénomène nouveau et des affrontements parfois violents ont émaillé l’histoire du pays — dès la fin du XVIIIe siècle, ou au cours des années 1850, 1890, 1960, tour à tour sur des enjeux comme l’ingérence étrangère, l’esclavage et les droits civiques, ou pour des raisons identitaires (liées à l’enjeu de l’immigration), économiques (l’accroissement des inégalités) ou institutionnelles (l’augmentation des prérogatives de l’exécutif). Ce qui est inédit aujourd’hui, c’est que « pour la première fois de leur histoire, les États-Unis font face à [ces] quatre menaces simultanément (2)  ». La polarisation politique est exacerbée, les inégalités sont aggravées par la crise pandémique, le sentiment xénophobe est décuplé par un président qui exploite les ferveurs antimigratoires, tandis que sa pratique des pouvoirs présidentiels a érodé la légitimité de la fonction de président. Les piliers de la démocratie sont ébranlés. Cet état de fait ne remonte pourtant pas à l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, et ne se réduit pas à son seul mandat. Des facteurs structurels expliquent en effet la profonde division entre les Américains, notamment des facteurs politiques et identitaires associés au système électoral particulier des États-Unis.

L’hyperpolarisation américaine

Les reculs de la démocratie américaine ne sont pas nouveaux, et se creusent grandement depuis au moins le milieu des années 1990 avec la radicalisation graduelle du Parti républicain au Congrès. Une particularité s’est installée dans le fonctionnement des partis politiques et rend compte de l’hyperpolarisation : la disparition de l’aile centre-droite démocrate et de l’aile centriste et progressiste républicaine. Tandis que le Parti démocrate s’est métamorphosé en parti « arc-en-ciel », le Parti républicain s’est essentiellement défini comme celui des Blancs (en particulier des chrétiens évangéliques). Toute une transformation de l’échiquier politique s’est ainsi produite dans les dernières décennies — rappelons que les démocrates promouvaient la cause des conservateurs du Sud et que les républicains représentaient le parti antiesclavagiste. Parmi les reculs, on assiste selon certains à une sorte de « nationalisation des politiques racistes du Sud (3) ». La partisanerie atteint en 2020 des sommets rarement égalés (comparables à ceux de 1876), ce qui engendre entre élus, groupes de pression et médias un climat de « guerre civile » paralysant et sapant le fonctionnement des institutions politiques. Deux facteurs structurels sont à l’œuvre.

Les biais du système électoral radicalisent les partis

En premier lieu, le système électoral américain non seulement favorise l’affrontement quasi exclusif entre les deux grands partis politiques, mais il les a transformés en « tribus idéologiques ». Délaissant toute modération pour plaire à leurs bases, ces partis ont ainsi voulu se démarquer idéologiquement, si bien que la vision exprimée par Roosevelt en 1944 s’est entièrement réalisée : « Nous devons disposer de deux véritables partis, un libéral et l’autre conservateur (4) », avait-il préconisé. Ses vœux ont été exaucés. Le parti « libéral » s’est transformé en parti urbain multiethnique et côtier tandis que le parti « conservateur » s’est retranché dans les terres profondes (de même que dans les péri-banlieues des villes) et vise la défense d’une seule identité démographique. Si l’on devait caricaturer, on conclurait qu’il n’y a plus de libéraux chez les républicains et qu’il n’y a plus de conservateurs chez les démocrates. Un « virus anti-compromis » semble désormais prévaloir en tout temps (5).

Le système électoral est en outre d’une telle complexité qu’il transforme la procédure de vote en réel champ de bataille : preuves d’identité requises, inscriptions sur les listes, efforts de suppression de vote (en particulier auprès des minorités afro-américaine et hispanique), sans mentionner les nombreux projets de redécoupage électoral qui favorisent le vote du parti qui les parraine (6)… Pour le journaliste politique Michael Tomasky, le parti qui gagne le droit de dessiner à sa guise la carte électorale des comtés dans un État acquiert le pouvoir de déterminer l’issue des élections législatives fédérales et étatiques, si bien que la plupart des observateurs considèrent que le système est depuis longtemps brisé. La composition et les règles du Collège électoral n’arrangent rien. Les grands États peuplés sont sous-représentés alors que ceux plus petits et moins peuplés sont surreprésentés (ce qui, compte tenu des tendances politiques traditionnelles de ces territoires respectifs, avantage le Parti républicain). À titre d’exemple, l’État du Wyoming et ses 600 000 habitants ont la même représentation au Sénat que les 40 millions de personnes vivant en Californie. C’est une situation que The Economist surnomme « la tyrannie de la minorité (7) » : les cinq États les moins populeux récoltent en effet 50 % de grands électeurs en plus et trois fois plus de sénateurs, par habitant, que les cinq États les plus peuplés. Faut-il alors être surpris que deux élections présidentielles sur cinq, depuis 2000, aient mené à la victoire du Parti républicain (avec moins de votes à l’échelle nationale, mais en emportant la majorité des grands électeurs) ? En effet, dans une course très serrée, la probabilité que le candidat républicain l’emporte est 66 % plus forte que pour le candidat (ou de la candidate) démocrate. La même situation prévaut au Congrès : ainsi, en 2012, les démocrates ont obtenu un million trois cent mille voix de plus que les républicains à la Chambre des Représentants, mais ces derniers ont gagné 33 sièges de plus. Répartis dans les États moins peuplés, 18 % des électeurs peuvent à eux seuls élire une majorité républicaine au Sénat. Autrement dit, les 53 sénateurs républicains représentent moins du tiers de la population américaine et 41 % des électeurs, alors que les 47 sénateurs démocrates parlent pour 59 %. Certains estiment donc que les démocrates doivent l’emporter avec au moins sept points d’avance à la présidentielle et onze à la Chambre pour être sûrs de gagner et compenser l’effet de la distribution inégale (autrement appelé l’effet d’inversion) du vote en faveur des républicains.

Enfin, le discours civique et la croyance dans les vertus de la démocratie se sont sérieusement étiolés au cours de vingt-cinq dernières années, et l’une des raisons est attribuable au rôle joué par un paysage médiatique de plus en plus partisan. En décrivant les médias conventionnels comme « l’ennemi du peuple », Donald Trump a largement contribué à radicaliser le « tribalisme » politique (8). Il est vrai que le programme politique du parti républicain s’est substantiellement durci depuis une dizaine d’années — comme prévu par plusieurs experts — pour devenir un « parti d’insurgés, […] idéologiquement extrême, méprisant le compromis, mettant en doute les faits et la science et niant toute légitimité à ses adversaires [si bien que] Trump est le point culminant de la désintégration du Parti républicain (9) ». Son ascension représente à la fois le symptôme et la cause d’une polarisation accrue dans le débat politique. Il exploite et tire profit de cette polarisation. Pour autant, selon le journaliste et historien Yoni Appelbaum, « le chemin vers l’enfer est pavé de républicains (10) » : le parti deviendra minoritaire avec pour seul objectif de défendre par tous les moyens la cause de la minorité blanche aux États-Unis, ce qui, selon lui, signifiera la fin des États-Unis, du moins dans leur forme actuelle — l’autre dimension controversée de la polarisation.

L’idéologie de la suprématie blanche attise la haine

En second lieu, Donald Trump canalise les anxiétés raciales de cette minorité dans une forme d’ethno-nationalisme qui défend une version restreinte et exclusive de l’identité américaine. Combien de fois a-t-on entendu, de la part de certains Américains : « Tout a tellement changé que je me sens comme un étranger dans mon propre pays. » ? Donald Trump est le premier président qui prône ouvertement les vertus de n’être le président que d’une partie des Américains : les Blancs menacés d’Amérique (qui perdront au milieu du siècle leur statut démographique majoritaire à l’échelle nationale, mais conserveront tout de même la majorité dans 37 États, qui votent surtout républicain). Sa seule idéologie est celle « de la suprématie blanche », dénonce l’écrivain Ta-Nehisi Coates (11). Le trumpisme a eu raison du Parti républicain. Il l’a transformé de manière durable en parti dont la raison d’être fondamentale consiste à protéger l’identité (et le statut économique (12)) des Blancs aux États-Unis. Cette mission est vouée à l’échec et conduira à des tensions sociales toujours plus vives au fur et à mesure que la défense de l’identité traditionnelle blanche ira en s’intensifiant (13). La peur qui sous-tend cette orientation politique est nourrie par l’immigration de Latino-Américains, considérée, en très grande partie à tort, comme illégale — tout comme celle des ressortissants de pays musulmans a été assimilée sans nuance aucune à la menace terroriste. « Les politiciens républicains sont de moins en moins timides dans leur promotion des stéréotypes et des anxiétés raciales et ethniques, exploitant les peurs de la majorité blanche face aux tendances démographiques adverses et à la fin de sa prépondérance politique à long terme », écrit John Campbell (14). Quand la peur fait place à la haine, qu’exploitent en outre des politiciens xénophobes et nativistes sans scrupules (comme Donald Trump), le racisme s’avère paranoïaque et endémique. Selon un observateur de longue date, « une nouvelle droite a émergé aux États-Unis, pour laquelle les Blancs hétérosexuels chrétiens d’Amérique sont en danger, la famille nucléaire traditionnelle est en péril, la civilisation occidentale est en déclin, et par conséquent, les Blancs doivent réaffirmer leur position (15) ». Donald Trump a saisi habilement l’opportunité pour exploiter cette quête identitaire. Un nationalisme nouveau genre attise ainsi les braises de la polarisation. « Pour que l’Amérique blanche survive, l’Amérique doit mourir. Les républicains ont fait leur choix », résume l’universitaire Carol Anderson, chercheur en études afro-américaines, qui lie directement la popularité de Donald Trump en 2016 à la promesse qu’il a faite aux républicains d’un retour à la domination des Blancs (16).

La pyromanie présidentielle

La meilleure description du « virus » Trump est celle de David Frum, l’ancien rédacteur des discours de G. W. Bush, devenu commentateur politique, qui prédisait déjà en 2017 la corrosion démocratique, la création d’une « Trumpocratie » qui menacerait les fondements de la république américaine. « Ce qu’il faut craindre d’une présidence Trump n’est pas tant le renversement soudain de la Constitution, mais plutôt la paralysie insidieuse du gouvernement, ce n’est pas tant le mépris ouvert pour les lois que la subversion accumulée des normes, enfin ce n’est pas tant l’utilisation du pouvoir pour intimider les dissidents que l’encouragement au recours à la violence pour radicaliser ses supporters. (17) » Trois ans plus tard, on ne peut mieux résumer les tendances et la dérive de ce président vers des formes autoritaires d’abus du pouvoir présidentiel. Donald Trump est passé maître dans l’art de la pyromanie politique. Celle-ci est exercée de deux manières : un comportement autoritaire d’une part, l’emploi des méthodes populistes et de la désinformation d’autre part.

Vers une démocratie illibérale en Amérique ?

En premier lieu, selon les professeurs Levitsky et Ziblatt, une démocratie meurt et glisse vers l’autoritarisme lorsque apparaissent le rejet des règles du jeu démocratique, la contestation de la légitimité des élections, les attaques contre la presse et les médias, enfin la propension à restreindre les droits et les libertés (notamment des adversaires politiques) et à vouloir contrôler le système judiciaire (18). On n’en est pas exactement là aux États-Unis, sous Trump, mais d’aucuns estiment que les indicateurs sont passés du vert à l’orange — sinon au rouge — depuis 2017. C’est du moins ce que pense le politologue Stephen Walt qui en suit l’évolution et conclut à une tendance négative et inquiétante (19). L’un de ces indicateurs est la relation des conseillers et hauts fonctionnaires du gouvernement au chef de la Maison-Blanche : ceux-ci semblent totalement soumis au président Trump, particulièrement depuis son exonération lors de la procédure de destitution. L’occupant du bureau Ovale a donc atteint son objectif d’affaiblir les institutions du « Deep State  » (« État profond »), comme il les surnomme. Certes, le nombre de « collaborateurs » du président qui acquiescent à ses moindres désirs et qui défendent ses idées les plus contestables peut à première vue paraître surprenant. Mais le désir de servir le pouvoir et de gagner personnellement, conjugué à la peur de contredire le président et de subir ses représailles, motive une telle loyauté (20). Plusieurs inspecteurs généraux du gouvernement, qui occupent pourtant un poste neutre et respecté, ont d’ailleurs été renvoyés pour avoir publiquement levé le voile sur certains agissements jugés suspects au sein du gouvernement (la même logique s’applique aux conseillers scientifiques) (21).

Si Donald Trump est encore président le 20 janvier 2021, il est permis de croire que la dérive autoritaire prendra de l’ampleur. « S’il est au pouvoir encore plusieurs années, le dommage à la démocratie américaine sera irréversible […] Quatre ans d’une situation d’urgence deviendraient huit ans d’une situation permanente. (22) » Plusieurs spécialistes ont ainsi sonné l’alarme en affirmant que les conséquences du comportement de Donald Trump peuvent créer un terrain fertile pour l’autoritarisme, du moins pour l’implantation d’une démocratie illibérale (23). Pour preuve, la volonté affirmée du président de déployer des troupes dans les villes américaines dans la foulée des manifestations contre la brutalité policière et le racisme structurel à la suite de la mort de George Floyd en mai dernier. L’occupant de la Maison-Blanche est-il prêt à tout, y compris à contester le résultat des élections du 3 novembre ? C’est la question que tout le monde s’est posée à l’approche de celles-ci, et qui va de pair avec celle de savoir de quels pouvoirs discrétionnaires présidentiels il serait prêt à user, en évoquant une situation nationale d’urgence afin de mettre en application des directives spéciales (24).

Des débats intoxiqués par le populisme et la désinformation

En second lieu, la combinaison d’un discours populiste efficace et d’une grande maîtrise de la communication télévisée et numérique a permis à Donald Trump d’atteindre une symbiose parfaite entre le messager et le message, qui explique certainement la loyauté fidèle que lui voue sa base électorale et le haut niveau de polarisation que cette combinaison virale produit (25). La fracture de la vie politique américaine est d’abord amplifiée par les effets de son discours populiste. Il excelle dans l’art de diviser, le propre du populisme, entre bons et méchants, entre « le vrai peuple » et « l’élite corrompue », et sa stratégie a fonctionné dans la mesure où sa clientèle politique lui est restée attachée. Il sait exploiter le chaos et en tirer profit, selon le journaliste Mark Danner qui redoute lui aussi que Donald Trump ne veuille exploiter une crise qu’il aura créée de toutes pièces (26).

La fracture de la vie politique aux États-Unis est ensuite la conséquence d’une désinformation systématique encouragée par le président lui-même. Il ment beaucoup — au moins six fois par jour, selon les calculs du Washington Post. Un tel comportement a pour effet de banaliser ses propos erronés et fantaisistes, en plus de lui permettre de distraire ses sujets, de déformer les faits et de minorer ou d’exagérer les menaces liées aux dossiers tels que l’immigration, l’économie ou la pandémie. En outre, l’ingérence étrangère (russe), le piratage informatique et les cyberattaques ont contribué à intoxiquer les débats avec des nouvelles entièrement fabriquées et de la désinformation ciblée pour tenter d’influencer l’opinion publique (27). Ainsi, en 2016, quelque 125 millions d’Américains ont pu lire sur Facebook du matériel mensonger entièrement conçu à Moscou et visant à semer la division. Il en est de même, voire pire, en 2020, considérant notamment les vulnérabilités de l’infrastructure électorale dans plusieurs États américains. Toutes les opinions, les thèses et les théories complotistes les plus farfelues peuvent être exprimées et séduire un auditoire parfois crédule. Dans ce contexte, il n’est nullement surprenant d’apprendre qu’un nombre appréciable d’Américains (16 % d’entre eux) estiment que les risques liés à la pandémie sont exagérés, à l’instar de ce que leur a souvent dit leur président, ou que le virus a été créé intentionnellement par la Chine afin d’affaiblir les États-Unis (30 % des républicains).

Les élections de 2020 exposent tous les effets du virus Trump sur la polarisation électorale. On peut résumer la campagne présidentielle de cette façon : Donald Trump le pyromane a attisé le feu et alimenté les tensions raciales en soufflant sur les braises de la violence qui sévit aux États-Unis, en attribuant aux démocrates la responsabilité du chaos qui prévaut, puis s’est présenté aux électeurs comme l’homme providentiel à même de rétablir la loi et l’ordre dans le pays, menacé par des radicaux socialistes. Au-delà du résultat de l’élection, que nous ne connaissons pas à l’heure d’écrire ces lignes, cette stratégie sera restée assez douteuse, ne permettant pas de convaincre une majorité d’électeurs. L’espoir des démocrates et leur stratégie reposent sur le fort sentiment anti-Trump, autant pour mobiliser leurs différents électorats que pour maintenir la fragile unité au sein du parti, au moins jusqu’à ce qu’ils gagnent l’élection. En effet, l’élection n’occulte que temporairement la polarisation entre les factions (centriste et de gauche) à l’intérieur de ce parti, ainsi que le faible appui en faveur de Joe Biden chez les jeunes électeurs (18 à 34 ans) (28). Enfin, il ne faut pas sous-estimer la volonté de Donald Trump de mener une stratégie de la « terre brûlée » jusqu’en janvier, susceptible d’infliger à la démocratie américaine des dommages considérables pouvant paralyser le pays. Seul un raz-de-marée électoral, un résultat sans ambiguïté, serait en mesure de restaurer la légitimité de la république et la foi dans les institutions démocratiques (29). 

Notes

(1) Mary L. Trump, Too Much and Never Enough. How My Family Created the World’s Most Dangerous Man, New York, Simon and Schuster, 2020, p. 17.

(2) Suzanne Mettler et Robert C. Lieberman, « The Fragile Republic. American Democracy Has Never Faced So Many Threats All at Once », Foreign Affairs, vol. 99, no 5, septembre-octobre 2020, p. 184.

(3) Robert Mickey, Steven Levitsky et Lucan Ahmad Way, « Is America Still Safe for Democracy ? Why the United States Is in Danger of Backsliding », Foreign Affairs, vol. 96, no 3, mai-juin 2017, p. 26. Walter Russell Mead évoque des parallèles entre la période actuelle et celle de 1865-1900 durant la reconstruction, et demeure optimiste, notant que la démocratie américaine avait alors dû s’adapter à des changements importants : « The Big Shift. How American Democracy Fails its Way to Success », Foreign Affairs, vol. 97, no 3, mai-juin 2018, p. 10-19.

(4) Cité par Sean Wilentz, « How Our Politics Broke », The New York Review of Books, vol. 66, no 8, 9 mai 2019, p. 24.

(5) L’expression est de Jonathan Rauch, « What’s Ailing American Politics », The Atlantic, vol. 320, juillet-août 2016, p. 58. L’une des raisons pour lesquelles l’affrontement idéologique est plus intense est l’influence des primaires qui promeuvent l’accès plus facile aux candidatures radicales. Lire l’article de Jonathan Rauch et Ray La Raja, « Too Much Democracy is Bad for Democracy », The Atlantic, vol. 324, décembre 2019, p. 62-68.

(6) Michael Tomasky, « Fighting to Vote », The New York Review of Books, vol. 65, no 17, 8 novembre 2018, p. 8-11. À noter que les banlieues et les péri-banlieues des villes américaines constituent désormais pour la première fois le groupe démographique majoritaire dans l’élection de 2020.

(7) « American Democracy’s Built-in Bias », « The Minority Majority », The Economist, 14 juillet 2018, p. 13 et 21-24 ; Corey Robin, « The Tyranny of the Minority, from Iowa Caucus to Electoral College », The New York Review of Books, 21 février 2020 (consulté en ligne). Le vote des citoyens des dix États les moins peuplés vaut ainsi au Collège électoral deux fois et demi le poids du vote des citoyens des dix États les plus peuplés.

(8) Amy Chua et Jed Rubenfeld, « The Threat of Tribalism », The Atlantic, vol. 322, octobre 2018, p. 77-81. Les auteurs rappellent un sondage de 2017 qui dévoilait que plus de 50 % des supporters de Trump étaient d’accord avec l’idée que le président puisse renverser des décisions judiciaires et aussi avec l’idée de reporter les élections de 2020 s’il le souhaitait. Sur l’effet Trump et le réalignement du parti républicain, voir Alan Abramowitz, The Great Alignment : Race, Party Transformation, and the Rise of Donald Trump, New Haven, Yale University Press, 2018. Andrew Hacker, « Hopeful Math », The New York Review of Books, vol. LXV, no 14, 27 septembre 2018, p. 71-73.

(9) Sean Wilentz, « The Culmination of Republican Decay », The New York Review of Books, vol. 66, no 15, 10 octobre 2019, p. 9 (Wilentz cite le livre de Thomas Mann et Norm Ornstein de 2012) ; Ruth Ben-Ghiat, « How Trump Bent and Broke the GOP », The New York Review of Books, NYR Daily, 12 août 2020. Pour Jacob Hacker et Paul Pierson, le Parti républicain équivaut désormais à un parti « antisystème », dans « The Republican Devolution : Partisanship and the Decline of American Governance », Foreign Affairs, vol. 98, no 4, juillet-août 2019, p. 42-50.

(10) Yoni Appelbaum, « How America Ends », The Atlantic, vol. 324, décembre 2019, p. 47.

(11) Ta-Nehisi Coates, « The First White President », The Atlantic, vol. 321, octobre 2017, p. 76.

(12) Nous n’abordons pas cette dimension dans cet article, mais il faut noter au passage que l’appauvrissement des Blancs est notable depuis la crise financière de 2009. Si, en 2017, les 10 % les plus riches de la société ont récolté 77 % de la richesse nationale et ont vu leurs profits substantiellement augmenter, les 90 % restants ont vu leurs revenus diminuer. Le richissime président exploite habilement le profond ressentiment, notamment de la classe moyenne blanche (rappelons aussi que deux tiers des Américains ne possèdent pas de diplôme universitaire). David Cole, « Taxing the Poor », The New York Review of Books, vol. LXV, no 8, 10 mai 2018, p. 25-26. La crise pandémique a même une incidence sur la polarisation dans la mesure où trois quarts des décès causés par le virus sont concentrés dans des comtés urbains qui ont voté à 60 % en faveur des démocrates. Le virus oppose ainsi les États démocrates aux États républicains ! Lire Jonathan Rodden, « How America’s Urban-Rural Divide Has Shaped the Pandemic », Foreign Affairs, 20 avril 2020.

(11) Jonathan Metzl, Dying in Whiteness : How the Politics of Racial Resentment Is Killing America’s Heartland, New York, Basic Books, 2019 ; Nell Irvin Painter, « What Is White America ? The Identity Politics of the Majority », Foreign Affairs, vol. 98, no 6, novembre-décembre 2019, p. 177-183.

(12) John Campbell, American Discontent : The Rise of Donald Trump and Decline of the Golden Age, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 19.

(13) Bernard E. Harcourt, « How Trump Fuels the Fascist Right », The New York Review of Books, NYR Daily, 29 novembre 2018.

(14) Carol Anderson, « Republicans Want a White Republic. They’ll Destroy America to Get it », Time, 17 juillet 2019. L’exploitation du sentiment antimigratoire est brillamment analysée par David Frum, « How Much Immigration is Too Much ? », The Atlantic, vol. 323, avril 2019, p. 64-74.

(15) David Frum, Trumpocracy : The Corruption of the American Republic, New York, Harper, 2018, p. XI. Lire aussi, de David Frum : « How to Build an Autocracy », The Atlantic, vol. 321, mars 2017, p. 49-59, et « Trump Builds his Autocracy », The Atlantic, vol. 322, octobre 2018, p. 19-22. Le journaliste français Fabrizio Calvi n’hésite pas à qualifier le président de mafieux dans Un parrain à la Maison Blanche, Paris, Albin Michel, 2020.

(16) Steven Levitsky et Daniel Ziblatt, La mort des démocraties, Paris, éditions Calmann-Lévy, 2019 ; Timothy Snyder, De la tyrannie : Vingt leçons du XXᵉ siècle, Paris, Gallimard, 2017.

(17) Stephen Walt, « 10 Ways Trump Is Becoming a Dictator », Foreign Policy, 8 septembre 2020, et « The World’s Weakest Strongman », Foreign Policy, 6 juin 2020. Jack Goldsmith estime pour sa part que Donald Trump ne peut avoir les compétences requises pour être un dictateur puisqu’il est l’un des pires présidents de l’histoire. Il le compare au « monstre de Frankenstein », dans la mesure où Trump cumule les pires attributs de plusieurs de ses prédécesseurs : « la rage d’Andrew Jackson, la bigoterie de Millard Fillmore, l’incompétence de James Buchanan, l’autoglorification de Theodore Roosevelt, la paranoïa, l’insécurité et l’indifférence devant la loi de Richard Nixon, enfin le manque de maîtrise de soi et la malhonnêteté impulsive de Bill Clinton », dans « Will Donald Trump Destroy the Presidency ? », The Atlantic, vol. 321, octobre 2017, p. 60.

(18) Lire la critique cinglante d’Anne Applebaum, « The Collaborators », The Atlantic, vol. 324, juillet-août 2020, p. 48-62. David Runciman, How Democracy Ends, New York, Basic Books, 2019.

(19) Walter Shaub, « Ransacking the Republic », The New York Review of Books, vol. 67, no 11, 2 juillet 2020, p. 55-58.

(20) George Packer, « How to Destroy a Government. The President is Winning His War on American Institutions », The Atlantic, vol. 324, avril 2020, p. 57, 74. Packer rappelle que les hauts fonctionnaires du FBI qui ont enquêté sur les liens entre Trump et la Russie ont tous été renvoyés ou mutés.

(21) Cass Sunstein, Can It Happen Here ? Authoritarianism in America, New York, Dey Street Books, 2018 ; Masha Gessen, Surviving Autocracy, New York, Riverhead, 2020.

(22) Elizabeth Goiten, « The Alarming Scope of the President’s Emergency Powers », The Atlantic, janvier-février 2019, p. 38-47. Ces pouvoirs vont de la prise de contrôle sur les réseaux internet au déploiement de troupes des forces armées pour mater une insurrection, en passant par l’imposition de sanctions financières contre des citoyens américains pour cause d’insubordination ou de sédition. Selon Elizabeth Goiten, ces pouvoirs incluent la suspension de la Constitution en cas de crise majeure. Fintan O’Toole estime qu’après son acquittement par le Sénat en février dernier, Donald Trump a eu les coudées franches pour défier encore plus les normes et gouverner comme il le souhaite, donnant une suite réelle à la phrase de Nixon « quand c’est le président qui le fait, ça veut dire que ce n’est pas illégal », dans « Whatever He Wants », The New York Review of Books, 27 février 2020, p. 35.

(23) James Poniewozik, Audience of One : Donald Trump, Television, and the Fracturing of America, New York, Penguin Random House, 2019. Le caractère de Trump est sans nul doute le produit de son expérience télé.

(24) Mark Danner, « What He Could Do », The New York Review of Books, vol. 64, no 5, 23 mars 2017, p. 4-6. Mark Danner pense que Trump adopte sciemment une stratégie de polarisation pour conserver l’appui de sa base.

(27) Jonathan Freedland, « Disinformed to Death », The New York Review of Books, 20 août 2020, p. 38-40 ; McKay Coppins, « The Billion-Dollar Disinformation Campaign to Reelect the President », The Atlantic, vol. 324, mars 2020, p. 28-39 ; Franklin Foer, « The 2016 Election Was Just a Dry Run », The Atlantic, vol. 324, juin 2020, p. 40-50 ; Thomas Rid, Active Measures. The Secret History of Disinformation and Political Warfare, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2020.

(28) Joseph O’Neill, « Save the Party, Save the World », The New York Review of Books, 20 août 2020, p. 32-34, et « Brand New Dems ? », The New York Review of Books, 28 mai 2020, p. 44-46. O’Neill estime que les républicains sont bien meilleurs que les démocrates pour « vendre » leurs idées politiques et il craint le factionnalisme au sein du parti, même en cas de victoire de Biden le 3 novembre. Michael Tomasky souligne que 46 % des démocrates s’identifient comme « libéraux », 37 % comme « centristes » et 15 % comme des « conservateurs » (ces derniers sont enclins à faire défection et à voter républicain), dans « The Rules of the Game », The New York Review of Books, 18 juillet 2019, p. 18.

(29) David Frum, « America After Trump », The Atlantic, décembre 2019, p. 13-16.

Légende de la photo en première page : En septembre 2020, au cours d’une conférence de presse, le président Donald Trump a refusé de s’engager à garantir un passage du pouvoir sans violence en cas de défaite à l’élection présidentielle américaine du 3 novembre — déclaration qui a entraîné un flot de réactions indignées. Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, allié du président, a aussitôt assuré sur Twitter que le résultat des élections serait respecté avec « une transition en bon ordre, comme tous les quatre ans depuis 1792 ». (© White House/Shealah Craighead) 

Article à paraître dans la revue Diplomatie n°106,  novembre-décembre 2020 (en kiosque en novembre 2020).

À propos de l'auteur

Charles-Philippe David

Professeur titulaire au département de science politique, président de l’Observatoire sur les États-Unis et fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand à l’Université du Québec à Montréal.

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