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Seabasing et forces spéciales

Satisfaite des résultats, l’US Navy commanda en 2015 un troisième ESD à General Dynamics National Steel and Shipbuilding, l’USNS Lewis B. Puller, qui sera reconfiguré en Expeditionary sea base (ESB) au cours de sa construction. Il dispose d’un pont central surélevé, assez grand pour accueillir quatre MH‑53, une zone de maintenance avec une grue et une zone de stockage. Son déplacement est légèrement supérieur : 106 692 t.p.c. Un deuxième ESB (le futur Hershel « Woody » Williams) fut commandé en 2015 et est entré en service en mars 2020, tandis qu’un troisième, le futur Miguel Keith, est en cours de construction. D’autres unités devraient être commandées.

Pavillon marchand pour l’USSOCOM

Construits par Edison Chouest Offshore (4), le C‑Champion et le C‑Commando sont des remorqueurs de haute mer modifiés pour le soutien aux opérations spéciales et loués à l’US Navy. Ils sont affectés à la Special mission support force (PM2). En réponse aux besoins du Naval special warfare command (NSWC), le C‑Champion fut choisi au détriment du high speed vessel et du littoral combat ship du fait d’un coût à l’emploi trois fois moindre. Modifié en coordination avec le NSWC, il est équipé de caissons hyperbares pour la décompression et peut accueillir un Dry deck shelter (DDS) ainsi que le sous-­marin humide ASDS. Il comprend un espace de commandement et une zone de vie pour 25 soldats. Les Maritime support vessels (MSV) civils tels que le C‑Champion et le C‑Commando sont peints en blanc et orange, et l’emploi de marins civils sur un bâtiment considéré comme un moyen de l’USSOCOM permet de mieux se fondre dans l’environnement d’un port naval et d’opérer dans la discrétion. Ces remorqueurs sont conçus pour évoluer en haute mer, tout en étant aptes à servir de vaisseau mère dans des zones littorales reculées, habituellement inaccessibles aux AFSB et aux MSV plus imposants comme le MV Cragside. Loué à Maersk et battant pavillon américain, le Cragside est un MSV Ro/Ro long de 193 m accueillant 45 hommes en plus de son équipage, cette capacité pouvant étant être portée à 209 hommes s’il le faut. Son autonomie standard est de 45 jours, mais peut atteindre 90 jours. Il est apte à soutenir les missions de l’USSOCOM (déploiement, récupération, ravitaillement d’embarcations rapides, hélicoptères et drones) et à accueillir tous les modèles de voilures tournantes, du MH‑6 aux CH‑47 et MV‑22. Le pont permet de faire décoller et atterrir deux MH‑60 simultanément. Son hangar peut accueillir jusqu’à huit embarcations de 12,5 m, une de 10 m, quatre jet-skis et quatre Zodiac F470, déployables par la rampe de poupe.

Du côté de la Royal Navy

Le projet britannique baptisé Future Commando Force, qui doit faire évoluer les Royal Marines vers une force d’action spéciale plus légère et plus agile, inclut la réforme de la force amphibie à travers la création de deux Littoral strike groups (LSG), chacun articulé autour d’un Littoral strike ship (LSS) accompagné de navires d’escorte et de soutien.

Ce futur LSS sera modulaire et multirôle, prépositionné sur une zone d’intérêt (Indo-Pacifique pour l’un et Atlantique-Méditerranée pour l’autre), affichant un niveau de préparation opérationnelle élevé et apte à soutenir un large spectre de missions allant de la gestion de crise humanitaire au combat amphibie. Contrairement aux bâtiments d’assaut ou à ceux des groupes aéronavals, les LSS devraient être des navires commerciaux militarisés. Plus lents et dépourvus de systèmes d’autodéfense, ils seront structurellement moins résistants que les bâtiments militaires, mais la Royal Navy a déjà éprouvé le concept aux Malouines avec des cargos qui avaient été dotés de ponts d’envol pour les Harrier.

Peu de détails techniques ont été révélés par le ministère de la Défense britannique, mais il semble que la solution à l’étude soit celle de la location à une société privée telle que Prevail Partners, qui s’est manifestée avec sa solution de navire multirôle. Apte à l’accueil de 200 personnes avec des moyens aériens (hélicoptères et drones), des embarcations rapides et des véhicules terrestres, celle-ci serait opérationnelle dès cette année et pour 300 jours d’opérations par an, avec une forme très semblable à celle du MV Cragside. Une autre possibilité serait de modifier deux navires de transport maritime Ro-Ro de la classe Point, conçus par la société Houlder et déjà opérés dans les années 2000 par Foreland Shipping en tant que contractor, avec des équipages de réservistes de la Royal Navy.

Le seabasing sous-marin

Plus anecdotique, le concept de seabasing est aussi envisagé avec des sous-­marins pour accroître les capacités des SEAL, qui ne peuvent opérer qu’en faible nombre à partir de ceux de l’US Navy. En 2014, celle-ci annonçait la conversion de huit sous-­marins de classe Ohio et Virginia qui joueraient le rôle de vaisseau mère sous-­marin à partir de 2020. Ils pourront accueillir le DDS, un sas amovible qui permet le déploiement des mini sous-­marins humides du NSWC. Ils conservent toutefois une capacité de frappe directe avec des missiles de croisière Tomahawk.

Notes

(1) En jargon naval, Ro/Ro est la contraction de Roll-on/Roll-off, désignant la capacité de chargement/déchargement d’un navire.

(2) L’interface TATVS (Test article vehicle transfer system) permet le transbordement de véhicules lourds jusqu’au char M‑1 Abrams par une houle de niveau 4.

(3) Pour Float-on/Float-off, une architecture de coque qui rend ce type de bâtiment semi-submersible grâce à des ballasts. Les cargos Flo/Flo peuvent embarquer une charge utile bien supérieure à celle d’un cargo classique, et notamment transporter un autre navire en immergeant une partie de sa coque, et ont fait leurs preuves dans les opérations de secours lors de catastrophes naturelles.

(4) Edison Chouest Offshore est une société militaire privée ayant de longues années d’expérience en collaboration avec l’US Navy et le Military Sealift Command, qui lui louent des navires spécialisés.

Légende de la photo en première page : L’USS Ponce (classe Austin), opérant dans le golfe Persique comme AFSB (Afloat forward staging base) en 2014, a quitté le service en 2017. (© US Navy)

Article paru dans la revue DSI hors-série n°75, « Numéro spécial : Technologies militaires 2021  », décembre 2020-janvier 2021 .
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