Environnement

Armée française : un acteur majeur dans la transition énergétique

« C’est parce que nous avons l’empreinte environnementale la plus importante de l’État que nous avons l’impérieux devoir d’être un acteur volontaire et engagé de la transition énergétique. » Florence Parly, ministre des Armées, n’y va pas par quatre chemins. Mais derrière ce constat, se cache un double défi : faire de l’armée un acteur important de la transition énergétique et être prêt aux nouvelles menaces induites par le changement climatique.

Relever le défi de la transition énergétique

C’est à Saint-Christol, dans le Vaucluse, au sein du 2e REG (régiment étranger de génie), que la ministre des Armées, Florence Parly, a souligné l’importance, pour les armées, de s’engager plus fortement encore dans la transition énergétique et la lutte contre les changements climatiques. Le choix du régiment n’est pas dû au hasard. En effet, le 2e REG est l’une des unités de l’armée française parmi les plus engagées dans la transition énergétique. Le 5 septembre 2019, Florence Parly a ainsi inauguré la nouvelle chaufferie biomasse (réseau de chaleur alimenté par des matières végétales) de la caserne ainsi qu’un parc de capteurs solaires à concentration d’une superficie de 1 000 m2. La caserne de Saint-Christol peut ainsi réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 90 % et sa consommation d’énergie fossile de 45 % par rapport à 2010. En décembre 2019, cinq hectares supplémentaires devaient accueillir des panneaux solaires photovoltaïques.

La visite de la ministre se voulait donc un moment fort, alors que le ministère des Armées, comme le soulignait madame Parly, est particulièrement gourmand en énergie et impose une importante empreinte environnementale.

C’est la raison pour laquelle les armées ont déjà commencé à remplacer les moteurs Diesel par des moteurs à essence classiques. Cela a néanmoins accru la demande en essence de 97,5 % entre 2016 et 2018. Les services des essences des armées (SEA) estiment que les consommations de carburant devraient augmenter de 20 % par an, soit un million de mètres cubes.

La ministre veut en fait aller bien plus loin : « Je souhaite que le ministère anticipe les évolutions nécessaires à nos équipements de défense, pour prendre en compte la problématique des nouvelles énergies. » Cela veut dire accélérer le mouvement dans la recherche sur les carburants alternatifs, solutions déjà à l’étude au sein des SEA. En ligne de mire, l’hybridation électrique de certains matériels terrestres. C’est dans ce contexte que la ministre des Armées a annoncé la création d’une « task force Énergie » dont la mission sera de traiter ces dossiers jugés prioritaires. L’objectif est notamment de remplacer progressivement les véhicules de service du ministère par des véhicules électriques ou hybrides pour atteindre 50 % du parc d’ici à 2030. Florence Parly a également indiqué que des solutions concernant les transports de personnels devront être discutées avec les collectivités locales chaque fois que cela sera possible. Les dépenses énergétiques du ministère des Armées s’élèvent à 840 millions d’euros par an et les carburants opérationnels représentent 75 % de sa consommation énergétique.

Bâtiments et énergies renouvelables

Après la base du 2e REG à Saint-Christol avec sa chaufferie biomasse, Florence Parly a indiqué qu’elle souhaitait « accélérer le rythme d’établissement des contrats de performance énergétique sur les emprises du ministère, ainsi que le plan de mise aux normes énergétiques [des] bâtiments ». De ce fait, la rénovation énergétique de 5 300 bâtiments va être engagée.

L’empreinte carbone du ministère va être réduite grâce à la suppression des chaufferies au charbon et au fioul lourd « dans les meilleurs délais ». La ministre a par ailleurs précisé que le raccordement des sites aux réseaux de chaleur urbains ou à défaut l’utilisation des chaufferies biogaz ou biomasse allaient être privilégiés.

Autre point important, elle a évoqué le développement des énergies renouvelables. Les efforts porteront notamment sur l’énergie solaire grâce au plan gouvernemental « Place au soleil » qui vise à mobiliser tous les acteurs pour augmenter la part du solaire dans le mix énergétique français. Il faut savoir que le ministère des Armées est le premier propriétaire foncier avec 274 000 hectares de terrains militaires. L’armée va proposer 2 000 hectares d’ici à trois ans pour implanter des installations photovoltaïques. Les entreprises qui exploiteront ces installations paieront une redevance au ministère des Armées.

Ainsi, la base aérienne 110 de Creil va devenir l’une des plus grandes fermes solaires d’Europe. D’ici à la fin 2022, 547 000 panneaux photovoltaïques seront installés sur les anciennes pistes. Cela représente 253 hectares sur 430, dont 180 pour l’installation des panneaux. Le programme, dévoilé en février dernier par Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, devrait s’élever à 130 millions d’euros. Ce projet creillois est ainsi le plus important du programme « Place au soleil ».

C’est l’entreprise Photosol qui doit installer les panneaux. Elle a obtenu une autorisation d’une durée de 30 ans, non renouvelable, pour occuper le site. La redevance prévue devrait rapporter à l’État 68 millions d’euros. L’installation des panneaux doit débuter cette année. L’énergie produite sera injectée dans le réseau de l’agglomération de Creil et profitera aux habitants.

En outre, des corridors réservés aux espèces peuplant le site doivent être construits. Ce ne sont pas moins de 73 hectares qui vont être sanctuarisés pour ces espèces. « Dix sortes d’orchidées sauvages et un papillon très particulier, la livrée des prés, sont présents. Il y a aussi tout un cortège d’oiseaux en forte régression dans les plaines agricoles, comme le pipit farlouse ou le milan royal, qui ont été répertoriés ici », a d’ailleurs indiqué un responsable du Conservatoire d’espaces naturels de Picardie.

Ce projet rejoint le point évoqué par la ministre des Armées à Saint-Christol : « 80 % de nos terrains militaires en métropole font l’objet d’une protection au titre de la biodiversité. C’est une donnée que nous avons intégrée : nous adaptons les activités des sites militaires pour protéger les espèces, en particulier lorsque celles-ci sont menacées. »

Le ministère des Armées engagé dans les achats responsables

D’autre part, le ministère des Armées a été l’une des premières administrations publiques à concevoir l’importance du développement durable dans les achats responsables. Cela a d’ailleurs été sanctionné par une directive dès 2007 : « Est responsable l’achat qui concilie, dans la durée et sur l’ensemble du processus d’achat, l’atteinte des objectifs de performance économique avec la maîtrise des impacts sur l’environnement et le renforcement de la responsabilité sociétale du ministère vis-à-vis de ses parties prenantes. » Dès l’été 2012, le ministre a signé une directive (la troisième après celles de 2007 et de 2009) plus ambitieuse encore. L’objectif était d’associer l’ensemble des services achats à la démarche des achats responsables ; de diffuser la notion de performance élargie ; de renforcer la professionnalisation des acheteurs.

À propos de l'auteur

Boris Laurent

Manager Défense & Sécurité chez Sopra Steria Next, historien spécialiste en relations internationales et en histoire militaire et officier de réserve au sein de la Marine nationale

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