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La guerre aérienne, fait culturel total

En revanche, traiter d’une esthétique culturelle du fait technique est un exercice différent. Si Pierre Dugué aborde, en un sens, cette question dans son article sur l’anticipation, les travaux sur le sujet me semblent peu nombreux. On peut néanmoins penser à quelques pistes dans le domaine aéronautique, par exemple si l’on observe les designs des avions de chasse dits de 5e génération, qui semblent tous répondre à certains standards esthétiques en termes de lignes ; s’agit-il de contraintes techniques, ou bien de souhait des avionneurs de coller à la représentation qu’on en a et ainsi « faire 5e génération » ? Pour Marcel Dassault (à qui l’on prête la phrase : « un bel avion est un avion qui vole bien »), le choix quasi systématique de l’aile delta des avions de chasse du groupe relève-t‑il de considérations techniques, ou est-ce le fruit de choix esthétiques, aussi dictés par le poids des expériences passées (un path dependency technique, mais aussi esthétique) en la matière ?

C’est évidemment très subjectif, mais quelles œuvres ayant une « densité aéronautique » vous paraissent être les plus sous-estimées ?

Dans un premier temps, j’encouragerais les lecteurs à se repencher sur les films d’aviation militaire qui sortent du « paradigme » Top Gun. Je pense évidemment au Crépuscule des aigles, mais aussi à Twelve O’Clock High qui évoque la vie d’un escadron de bombardiers américain en 1942. Je pense également aux films mettant en lumière la place des femmes dans l’aviation comme Le ciel est à vous. Le film The Dambusters est à conseiller pour sa dimension presque pédagogique de la conception et de l’exécution d’un raid contre les barrages allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et qui a beaucoup inspiré le premier Star Wars. Et d’ailleurs, le premier Star Wars peut tout à fait se voir comme un film d’aviation !

Dans un autre registre : dans le premier film Iron Man, lorsque Tony Stark s’envole pour la première fois avec son armure, il déclare émerveillé « c’est comme dans un rêve !  », réalisant ici une double aspiration à la fois technique et onirique. S’il s’agit d’une brève séquence dans le film, on trouve là une « densité aéronautique » plutôt intéressante et significative.

Propos recueillis par Joseph Henrotin, le 6 mai 2021.

Notes

(1) Sur le rapprochement entre sport et aviation pendant la Première Guerre mondiale, voir : Luc Robène, « Les sports aériens : de la compétition sportive à la violence de guerre », Guerres mondiales et conflits contemporains, no 251, juillet-septembre 2013, p. 25-43.

(2) On pense notamment à l’ouvrage de Grégoire Chamayou, Théorie du drone (La Fabrique, Paris, 2013).

(3) Michelin Jean, « Éditorial », Inflexions, no 44, 2020/2, p. 9-11.

Légende de la photo en première page : La place de Goose dans les performances aéronautiques artistiques ne se limite heureusement pas au chant. (© D.R.)


Article paru dans la revue DSI hors-série n°78, « Numéro spécial Aviation de combat 2021 », Juin-Juillet 2021.

Fait aérien, arme aérienne et culture, Tony MORIN (dir.), coll. « Stratégie aérospatiale », La Documentation Française, Paris, 2021.


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