Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

La société japonaise face à de nombreux défis

En 2015, le Premier ministre Shinzo Abe a lancé l’idée d’une société où toutes les femmes peuvent briller (josei ga kagayaku shakai). Mais pour plusieurs femmes japonaises, ces propos ne semblaient pas refléter la réalité politique. En mars 2020, l’entrepreneur Yasuharu Ishikawa a dû démissionner de son poste au Conseil pour l’égalité des sexes du Bureau du Cabinet à la suite de révélations de harcèlement sexuel envers des employées de sa compagnie. Le mouvement #metoo a eu une moins grande répercussion au Japon qu’en Corée du Sud, mais il a néanmoins eu suffisamment d’ampleur pour provoquer la démission du vice-ministre administratif Junichi Fukuda en 2018, après des accusations de harcèlement sexuel. Ce mouvement a attiré l’attention de la société et a remis en question le monde de la politique et des grands médias japonais (6) en lien avec la relation de pouvoir entre les hommes et les femmes en milieu professionnel.

Après avoir échoué à obtenir un procès pénal pour viol en 2015, Shiori Ito, devenue la figure emblématique du mouvement contre la violence sexuelle au Japon, a enfin gagné un procès civil en décembre 2019. Entretemps, en 2017, le Japon a adopté une loi modifiant le Code pénal sur les délits sexuels, qui était resté inchangé depuis 110 ans. Ces modifications sont modestes (7), mais permettent maintenant, entre autres, aux hommes de porter plainte en tant que victimes. Ce changement va de pair avec la récente reconnaissance de la légitimité de la communauté LGBT au Japon. Malgré plusieurs polémiques, le Japon a adopté une nouvelle loi en 2003 qui permet à un individu de changer de sexe dans le registre familial (8).

Propos recueillis par Thomas Delage le 21 mars 2020.

<strong>Évolution de la population japonaise entre 1880 et 2100</strong>

Notes

(1) Selon le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales.

(2) Il n’y a pas de catégorie « inseki  » dans les statistiques disponibles, car ce type de suicide, commis par des hommes occupant un poste important, est difficile à classer, bien qu’il soit très médiatisé. On peut penser par exemple au cas de l’ex-ministre Toshikatsu Matsuoka en 2007 ou bien celui de Yoshiki Sasai, de l’institut Riken, en 2014. Des chercheurs comme Nobukatsu Otomo et Hideyuki Sadakane ont analysé les causes des suicides communiquées par l’Agence nationale de la police, et ont identifié un nombre relativement élevé de suicides de type « inseki  » en se basant sur le fort pourcentage de causes financières chez les hommes de 50 à 59 ans, surtout durant les années de crise économique (près de 50 % en 2005, contre moins de 20 % chez les femmes de la même tranche d’âge).

(3) Gerontology 2013-2014, NLI Research Institute, 2014. La statistique nationale annuelle n’est pas disponible puisque le gouvernement n’a pas établi de critères pour le kodokushi.

(4) Le travail d’éducatrice en garderies, étant un rôle traditionnellement réservé aux femmes, et donc moins bien rémunéré, intéresse moins les Japonaises.

(5) Union interparlementaire, « Les femmes dans les parlements nationaux : état de la situation au 1er février 2019 ».

(6) La journaliste qui a accusé Fukuda avait rapporté la nouvelle à son supérieur de la chaîne TV Asahi, mais celui-ci lui a conseillé de ne pas ébruiter l’affaire. Elle a donc transmis ses preuves au magazine Shincho.

(7) Le temps d’emprisonnement des agresseurs est passé de trois ans à cinq ans et des enquêtes peuvent maintenant être lancées sans que les victimes ne portent plainte au préalable.

(8) Le registre familial, ou koseki, est un peu comme un livret de famille en France. Il n’existe pas d’acte de naissance au Japon ; c’est l’extrait concernant la personne en question dans son registre familial qui est utilisé.

Légende de la photo en première page : En 2019, le Japon est passé sous la barre des 900 000 naissances, soit le nombre de naissances le plus bas jamais observé. Cette baisse historique de 6 % par rapport à 2018 marque le déclin le plus important de la natalité au Japon depuis 1975. En cause notamment : deux Japonaises sur trois seraient célibataires chez les 18/34 ans, le coût de la vie extrêmement élevé pour les jeunes, et le poids des cotisations de retraites et santé face à une population vieillissante. (© White House)

Article paru dans la revue Les Grands Dossiers de Diplomatie n°56, « Géopolitique du Japon », Juin – Juillet 2021.
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