Magazine DSI HS

F-35 : les inconnues ne sont toujours pas levées

Ainsi, initialement prévu pour 2024, le Block 4 n’est plus attendu avant 2027, dans le meilleur des cas, pour un coût d’environ 15 milliards de dollars. Un montant qui vient s’ajouter aux frais de développement déjà engagés, et qui sera nécessairement répercuté sur les clients, qui devront débourser plusieurs millions de dollars par appareil lors de la mise au niveau de leur flotte. Un montant qui, évidemment, n’est absolument pas pris en compte dans les contrats jusqu’à présent signés à l’exportation, étant donné que le montant final du Block 4 ainsi que son calendrier de déploiement restent aujourd’hui inconnus.

Un avion inutile ?

Traditionnellement, un client n’est pas tenu de mettre à jour sa flotte de chasseurs. Néanmoins, même s’il sera déployé 25 ou 30 ans après le lancement du programme, le Block 4 n’est pas une rénovation à mi-vie du F‑35, mais bel et bien son premier standard pleinement opérationnel. Le delta est si important que les derniers « wargames », simulant la défense de Taïwan par les États-Unis en 2030, ne prenaient même pas en compte le standard Block 3F actuel. Un chef d’état-­major adjoint de l’USAF déclarait alors que chaque F‑35 sortant des chaînes aujourd’hui était « un chasseur que l’on ne s’embêterait même pas à inclure dans nos scénarios  ».

Mais au-delà du standard intégré à bord du F‑35, c’est la nature même des missions confiées à l’appareil au cours des « wargames » qui suscite des interrogations sur la pertinence du concept JSF auprès des forces américaines. Durant la simulation de l’automne dernier, les frappes en profondeur contre la Chine ont été menées à l’aide d’armes hypersoniques larguées par des B‑52 et des F‑15EX, mais aussi par l’intervention du futur B‑21 et d’un hypothétique NGAD. Face aux systèmes A2/AD chinois, le F‑35 manque déjà d’allonge et de puissance de feu pour réaliser les missions de pénétration et de destruction des menaces adverses, pour lesquelles il a pourtant été conçu. Au cours de la simulation, le F‑35 – accompagné par un hypothétique successeur low cost du F‑16 – s’est donc contenté de remplir des missions d’escorte, de soutien et de défense rapprochée.

Pour les défenseurs du Lightning II, la douche est d’autant plus froide que ces tâches, certes essentielles, n’ont pu être accomplies efficacement par les F‑35 que parce que le scénario incluait la présence, en nombre, de NGAD et de nouveaux chasseurs low cost.

Des appareils qui, pour l’heure, n’existent pas, et qui ne pourront pas entrer en service dans la décennie sans que des coupes drastiques ne soient faites dans les commandes de F‑35. Si cela devait avoir lieu, le F‑35 pourrait bien être cantonné aux opérations européennes, que ce soit au sein des forces américaines ou de celles de l’OTAN. La facture globale serait réduite pour le Pentagone, mais les coûts d’achat et de maintenance viendraient à exploser pour l’ensemble des clients export du F‑35.

Notes

(1) Short take-off, vertical landing.

(2) Ainsi, 871 défauts étaient répertoriés fin 2020, contre 873 en 2019, malgré des dizaines de correctifs apportés.

(3) Joseph Henrotin et Philippe Langloit, « F‑35 Lightning II : les déboires d’un rêve aéronautique », Défense & Sécurité Internationale, no 108, novembre 2014 ; Joseph Henrotin et Philippe Langloit, « F‑35 : le rêve aéronautique connaît toujours des déboires », Défense & Sécurité Internationale, hors-série no 66, juin-juillet 2019 ; Joseph Henrotin, « Le Block 4/C2D2 du F‑35 : coûts, risques et opportunités », Défense & Sécurité Internationale, no 148, juillet-août 2020.

Légende de la photo en première page : Les livraisons de F-35 se poursuivent, mais nombre de problèmes majeurs ne sont toujours pas réglés. (© US Air Force)

Article paru dans la revue DSI hors-série n°78, « Numéro spécial Aviation de combat 2021  », Avril – Mai 2021.
0
Votre panier