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Haute intensité : la survie des postes de commandement

La redondance consiste à détenir une pluralité de moyens capables de remplir les mêmes fonctions, de sorte que la destruction de l’un d’eux ne remette pas en cause l’intégrité de la structure. Elle ne se limite pas seulement à disposer de moyens en réserve pour remplacer les éléments défectueux, mais peut être conçue comme cultivant l’interchangeabilité de chaque sous-­système. Elle suppose une culture de la modularité, à la fois pour le personnel et pour le matériel ou les ressources. La redondance doit s’appliquer également à l’architecture des réseaux SIC, comme c’est le cas avec les réseaux mobiles maillés qui permettent la communication entre deux terminaux lorsque l’infrastructure centrale est indisponible. Ainsi, la neutralisation/destruction d’un élément du réseau serait (quasi) sans conséquences pour le reste des entités.

La réorganisation consiste, quant à elle, après la neutralisation ou la destruction d’un de ses composants, à reconstruire la structure de commandement sur ses propres ressources. Elle suppose des transferts d’autorité permettant de suppléer le « nœud » manquant et de reconstituer, au plus vite et même de façon imparfaite, la chaîne hiérarchique. Elle repose sur des aspects techniques, comme l’architecture des réseaux de communication, mais aussi sur le développement préalable de procédures et de formations adaptées (la capacité pour le personnel à remplir les fonctions du niveau hiérarchique immédiatement supérieur, par exemple).

Enfin, la régénération est la reconstitution à l’état initial de la structure de commandement éprouvée par une attaque. Elle est indispensable pour garantir la résilience de l’ensemble. Contrairement à la redondance, qui est interne, la régénération suppose de détenir la capacité de remplacer à l’identique ce qui a été détruit, soit parce que la ressource est disponible par ailleurs (sur le territoire national par exemple), soit parce qu’il est possible de la recréer dans des délais acceptables.

Conclusion

En définitive, la discrétion, la mobilité, la protection et la résilience sont les conditions de la survie des structures de commandement. Ces capacités sont extrêmement interdépendantes et parfois contradictoires, et devront nécessiter un arbitrage ou des compromis de la part des chefs militaires. Avec le regain d’intérêt pour la haute intensité, la prise de conscience de la fragilité de nos PC est maintenant réelle. Reste qu’un réinvestissement matériel, intellectuel et comportemental dans ces enjeux semble indispensable.

Notes

(1) David Zucchino, Thunder Runs, Atlantic Books, New York, 2005, p. 162-171.

(2) « Vers un retour du combat de haute intensité », dossier du G2S no 26, novembre 2020.

(3) Serge Caplain, « La fourmilière du général : le commandement opérationnel face aux enjeux de la haute intensité », Focus Stratégique no 89, Ifri, juin 2019.

(4) Hors forces affectées à la protection, soit 160 militaires supplémentaires (une compagnie d’infanterie et une batterie de défense sol-air).

(5) CDT 52.001, Mémento d’organisation et de fonctionnement du PC de niveau 2, juillet 2004.

(6) G-RAMM : Guided-rockets, artillery, mortars, and missiles.

(7) Command, control, communications, computers, intelligence, surveillance and reconnaissance.

(8) La plus connue est Hack-RF – quelques centaines d’euros.

(9) Général Alabergère, « Vers un retour du combat de haute intensité », op. cit., p. 101.

(10) Rémy Hémez, « Opérations de déception. Repenser la ruse au XXIe siècle », Focus stratégique, n81, Ifri, juin 2018.

(11) Counter-Rocket Artillery Mortars : dispositifs alliant des systèmes d’acquisition et de tir permettant la destruction en vol des munitions (roquettes, obus) avant qu’elles ne frappent leur cible.

(12) DC-004, Glossaire interarmées de terminologie opérationnelle, Paris, CICDE, 2013, p. 131.

Légende de la photo en première page : La protection physique des postes de commandement n’est qu’un aspect de la question. (© Fred Marie/Shutterstock)

Article paru dans la revue DSI n°153, « US Navy vs Marine iranienne : Opération « Praying Mantis » », Mai-Juin 2021.
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