Depuis 2001, la situation des femmes afghanes – alors soumises aux lois féroces du régime taliban depuis 1996 – s’est améliorée mais reste caractérisée par des niveaux de violence, de discriminations et d’inégalités parmi les plus élevés du monde. L’insécurité, le manque de moyens dans la police et la justice ou l’influence persistante des fondamentalistes religieux et de certaines pratiques traditionnelles dans la société ont limité les progrès.
Selon les Nations unies, l’indice de développement de genre a doublé entre 2000 (0,322) et 2019 (0,659), mais reste l’un des plus faibles de la planète. Tout comme l’indice de développement humain des femmes (0,391 en 2019) qui, certes, reste inférieur à celui des hommes (0,593), mais a connu une progression spectaculaire depuis 2000 (0,138). Parmi les femmes de plus de quinze ans, 7,2 % possédaient un compte bancaire en 2017, contre 2,6 % en 2011. Du côté de l’éducation, en 2018, 35,7 % des filles avaient atteint le second degré, contre 64,3 % pour les garçons. En 2020, selon les données officielles, elles représentent pourtant la moitié des 32,89 millions d’habitants dans le pays, soit 16,13 millions, dont la majorité vit en zone rurale (11,43 millions).
Un certain progrès
La création d’un ministère des Affaires féminines en 2001, l’inscription de l’égalité des sexes à l’article 22 et de l’accès à l’éducation aux articles 43 et 44 dans la Constitution en 2004, et l’adoption d’un Plan d’action national pour les femmes en 2008 ont marqué des progrès significatifs. Les avancées législatives se sont traduites par une participation publique accrue. Selon l’Autorité nationale de la statistique et de l’information d’Afghanistan (NSIA, en anglais), 10,3 % des femmes ont participé aux processus de décisions gouvernementales, et 20,3 % dans le secteur des ONG, en 2016. En 2018, les femmes formaient 22,4 % des membres de la Chambre haute (15 élues sur 67) de l’Assemblée nationale et 21,3 % de ceux des Conseils de province (96 postes sur 451), mais elles n’occupaient aucun poste de gouverneur de province sur 34. Quant au secteur judiciaire, 12,7 % des juges (261 sur 2 061) étaient des femmes, contre 4,7 % dix ans plus tôt.
En 2009, la loi sur l’élimination des violences contre les femmes donne lieu à la formation d’institutions et à des mesures de sensibilisation. Une enquête menée par les Nations unies entre septembre 2018 et février 2020 note que si les plaintes et les condamnations sont en hausse, le système échoue à véritablement protéger les femmes. En cause, notamment, la loi, qui stipule que seuls les femmes victimes ou leur avocat peuvent porter plainte dans la majorité des cas. À l’effet dissuasif s’ajoute le fait que les victimes n’ont pas toujours la possibilité de le faire – dans le cas des mariages d’enfants par exemple – ou sont intimidées pour retirer la plainte. Quant aux viols, leur requalification en « relation extraconjugale » expose à des représailles, à des mariages forcés ou à des « crimes d’honneur » (pourtant interdits).
L’accès aux soins est difficile, en particulier pour les femmes enceintes. Selon Médecins sans frontières (MSF), près de 40 % d’entre elles ne reçoivent aucune attention pendant leur grossesse, tandis que l’insécurité et la précarité économique conduisent les deux tiers à accoucher à domicile. Ainsi, le taux de mortalité infantile a baissé, mais il reste l’un des plus élevés au monde, avec 46,5 décès pour 1 000 naissances en 2019. Les Afghanes sont, de surcroît, ciblées par le terrorisme, comme en témoigne le massacre perpétré dans une maternité de Kaboul en mai 2020.
Le risque d’un retour en arrière
Dans un contexte politique agité, elles sont également victimes d’attaques ciblées, à l’instar de deux juges de la Cour suprême tuées le 17 janvier 2021, de la militante pour les droits des femmes Freshta Kohistani, assassinée le 24 décembre 2020, de la journaliste Malala Maiwand, exécutée le 10 décembre… Les exemples sont nombreux. L’accord signé entre les États-Unis et les talibans en février 2020 devant conduire au retrait des troupes américaines le 1er mai 2021 n’a pas été synonyme de retour au calme. Au contraire, le pays a connu une recrudescence des violences. Quant aux négociations de paix entamées en septembre 2020 entre le gouvernement et les insurgés, elles sont au point mort.
Ces assassinats témoignent d’une situation préoccupante pour l’avancée des droits des femmes, et de la possibilité d’un retour en arrière. En effet, les progrès sont fragiles et pourraient être remis en cause si les talibans reprenaient le pouvoir à Kaboul. Ces derniers ne revendiquent pas toutes les attaques, mais cela leur permet de propager la peur tout en feignant de respecter leur engagement de faire baisser les violences. Il en résulte que celles-ci se sont déplacées et intensifiées dans les zones rurales, tandis que la possibilité d’une paix est menacée par les opérations de l’organisation de l’État islamique (EI ou Daech) dans les villes.
L’instabilité politique et l’insécurité rendent difficile l’amélioration du statut socio-économique des Afghanes, menacées dans tous les domaines. Toutefois, malgré ces obstacles, elles continuent de militer, de s’engager et de participer à la vie publique, voire de négocier avec les fondamentalistes pour obtenir la paix.