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Du « Big 7 » aux conflits d’aujourd’hui

Lors de sa mise en service, les pièces travaillent de manière autonome. Il faut attendre 1978, et l’arrivée du véhicule chenillé de commandement et de contrôle avancé PPRU‑1 et de son radar Luk‑23, pour intégrer le ZSU-23/4 au sein d’une chaîne de tir et de commandement. Les normes d’engagement de la section sont les suivantes : en position statique, la section de ZSU‑23/4 se déploie sur le terrain avec un intervalle de 200 m entre chaque pièce ; lorsque le régiment est en mouvement, la section est à 400 m en arrière du véhicule de commandement du chef de bataillon et de celui de son adjoint, avec des espacements moindres entre chaque pièce suivant la configuration du terrain, compris entre 150 et 250 m, créant ainsi une bulle de défense aérienne hautement létale pour les aéronefs ennemis.

Au début des années 1970, le retard accumulé par les Soviétiques en matière d’électronique et de contre-­mesures est tel que le ZSU‑23/4 pourrait bien être retiré du service actif s’il n’évolue pas rapidement. En effet, la source d’émissions générée par le radar Gun Dish lors de son emploi est aisément détectable par les pilotes de l’OTAN qui, dans un premier temps, peuvent facilement éviter la bulle de défense créée par la section et, dans un second temps, envoyer les coordonnées des pièces afin qu’elles soient détruites par des missiles antichars longue portée TOW ou HOT, hors de portée des tubes soviétiques.

Des versions évolutives

Le ZSU‑23/4 est décliné en quatre versions majeures. La première, apparue en 1964, est celle de présérie produite en faible nombre. La seconde, « V », en 1968, est la première à être produite en grand nombre. Elle ne sera que faiblement exportée et seule la Pologne se porte acquéreur de quelques exemplaires. Extérieurement, elle se caractérise par les deux caissons placés de part et d’autre de l’arc avant de la tourelle, qui abritent les bandes de munitions. La troisième version est plus largement exportée et sera même la première à être produite sous licence à l’étranger, plus précisément en Pologne. Désignée ZSU‑23/4 V1, elle est produite à partir de 1970. Son succès réside dans l’électronique embarquée, qui devient enfin fiable grâce à une très nette amélioration du système de ventilation en tourelle. Cette amélioration vitale va de pair avec celle du radar RPK‑2 qui est remplacé par une version plus évoluée dénommée 1RL33M2. Elle autorise le tir en mouvement jusqu’à 40 km/h. La motorisation est revue avec l’adoption d’un moteur Diesel V‑6R‑1 plus puissant.

En 1973 apparaît la quatrième version, désignée « M1 », dotée d’une électronique de bord réellement performante qui ne fait plus appel aux tubes cathodiques. De plus, le radar peut travailler en mode détection de manière indépendante, sans être asservi aux canons en permanence comme précédemment. Cette version représente un réel bond technologique avec l’installation des nouveaux canons 2A7M avec système de refroidissement qui prolonge leur durée de vie de 3 500 à 4 000 coups. De plus, leur système d’approvisionnement pneumatique est abandonné au profit d’un système pyrotechnique plus fiable. Avec quelques discrets changements au niveau de l’aspect extérieur, il est dénommé Biryuza (« turquoise »), afin de bien spécifier cette rupture technologique. En 1977, cette version est dotée d’un système d’identification IFF (Identification friend or foe) destiné à éviter les tirs fratricides, et devient le « M3 ».

Largement répandu au sein des forces du Pacte de Varsovie, le ZSU‑23/4 a été produit à 6 500 exemplaires, dont 2 500 pour l’exportation. Toujours en service malgré son âge, le Shilka est progressivement remplacé au sein des unités de première ligne soviétiques par le 2S6 Tunguska à partir de la fin des années 1980. Les Russes ne restent pas pour autant inactifs concernant l’amélioration du ZSU‑23/4. En 1999, le bureau d’études de l’usine d’Oulianovsk propose la version la plus évoluée, le ZSU‑23/4 M4/M5 qui, outre le fait de reprendre en partie les améliorations citées supra, y adjoint quatre missiles sol-air Igla en nuque de tourelle. D’autres nations comme l’Ukraine, la Pologne, l’Inde, Israël et les Pays-Bas, développent depuis la fin de la guerre froide leur propre version ou proposent des kits d’améliorations pour l’exportation. En Ukraine, l’usine de Kharkov développe à partir de 1999 le Donets sur châssis de char T‑80UD, armé de deux paires de missiles Strela 10.

En 2017, le bureau d’études de Kiev propose la version M4M‑A, qui comporte un nouveau radar, un télémètre laser et quatre missiles Igla en nuque de tourelle à l’instar du M4/M5 russe. En 2000, Varsovie propose le 4MP Biala, avec une électronique de dernière génération et un radar polonais Grom. Plus improbable, en 1998, la firme Hollandse Signaalapparaten, de nos jours Thales Nederland, propose à l’exportation d’anciens ZSU‑23/4V1 de l’armée est-allemande équipés d’un kit de modernisation comprenant une conduite de tir et un radar d’origine occidentale.

En 1971, lors de la guerre indo-­pakistanaise, l’Inde, par le biais de sa firme Bharat Dynamics en coopération avec la firme Israel Aerospace Industries, développe une première version qui s’avère très efficace contre les Mirage III pakistanais. En décembre 2004, pour un montant de 104 millions de dollars, 48 exemplaires sont modernisés. Ils sont équipés d’un moteur Caterpillar de 359 ch, d’un moteur auxiliaire plus puissant, d’une caméra thermique, d’un télémètre laser, d’un radar capable de détecter des aéronefs à 15 km et d’accrocher plusieurs d’entre eux simultanément jusqu’à 9 km tout en étant passif jusqu’à une distance de 8 km.

Le Shilka en action

Le premier conflit majeur auquel prend part le ZSU‑23/4 est le conflit israélo-­arabe de 1973. Combinés aux batteries de missiles sol-air longue portée SA‑6 Gainful (d’une portée de 24 km, pour une altitude d’intervention de 12 km), les ZSU‑23/4V sont crédités d’un peu moins du tiers des pertes enregistrées par l’aviation israélienne, soit 31 victoires sur les 103 appareils abattus. Les retours d’expérience de ce premier engagement mettent en lumière le peu d’efficacité du ZSU‑23/4 lorsqu’il est engagé seul. En effet, couplé à d’autres systèmes antiaériens, comme le SA‑6, il s’avère redoutable, car en voulant éviter les SA‑6, les pilotes israéliens sont souvent tombés dans le piège tendu par les ZSU‑23/4 à basse altitude, qui ont littéralement haché les A‑4 Skyhawk, les F‑4 Phantom et les Mirage III israéliens.

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