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Les drones sous-marins peuvent-ils révolutionner la guerre navale ?

Après l’invention en 1866 du premier drone sous-marin, la torpille autonome, par le Britannique Robert Whitehead, le serbe Nikola Tesla teste le premier drone de surface radiocommandé à l’exposition électrique de New York, en mai 1898. Si les torpilles transforment la guerre navale, l’utilisation de drones de surface se limite d’abord à l’emploi de cibles télécommandées et de systèmes de balayage de mines après la Deuxième Guerre mondiale.

Depuis trois décennies, les drones sous-­marins et de surface jouent un rôle grandissant dans la surveillance et la protection des plans d’eau. Ils répondent aux besoins accrus dans les domaines du renseignement, de la surveillance et de la reconnaissance maritimes (ISR). Ils permettent d’effectuer des relevés bathymétriques et océanographiques, de contribuer à la guerre des mines (mouillage et neutralisation) et à la lutte anti-­sous-­marine. Mais ces technologies sont-elles assez mûres pour jouer un rôle plus large et remplacer sous-­marins et bâtiments de surface ?

Examinons la part que prennent les drones de surface et les sous-­marins dans la guerre navale pour les trois principales marines du monde, celles des États-Unis, de la Chine et de la Russie.

Définitions

Selon les définitions américaines reprises internationalement, un navire (ou véhicule) de surface sans pilote (Unmanned surface vessel-vehicle –USV –, parfois désigné Autonomous surface craft – ASC – ou encore Autonomous surface vehicle-vessel – ASV) est une plate-forme capable de se déplacer à la surface de l’eau sans équipage. Les véhicules sous-­marins sans pilote (Unmanned underwater vessel/UUV), parfois appelés drones sous-­marins, sont eux des engins capables d’opérer sous l’eau sans personnels embarqués. Ces véhicules sont répartis en deux catégories de véhicules télécommandés (Remotely operated submersible/underwater vehicles – ROSV/ROUV) par un opérateur humain à distance ou de véhicules autonomes (Autonomous submersible/underwater vehicles – ASV/AUV) qui fonctionnent sans intervention humaine. Les torpilles et certaines mines répondent déjà à cette définition.

Les USV et les UUV participent à l’action dans le domaine aéromaritime aux côtés des drones aériens (Unmanned aerial vehicle – UAV) et des drones terrestres (Unmanned ground vehicle – UGV). Tous participent à la surveillance de l’environnement et peuvent contribuer à aider une force navale ou un bâtiment à manœuvrer dans l’espace littoral. Pour l’instant, ce sont les drones aériens qui remplissent le plus grand spectre de missions. Avec l’introduction d’une torpille anti-­cité contrôlée comme un drone, la Russie donne au drone sous-­marin une fonction dans la dissuasion nucléaire. Une étude chinoise souligne que les drones ou engins sans pilotes changent profondément le visage des guerres récentes, révélant « un grand potentiel de développement et de brillantes perspectives d’application ». Ses auteurs pensent que « les équipements sans pilote représenteront un plus grand potentiel de développement dans les guerres futures (1) ». Ils listent leurs avantages : pertes humaines limitées, faible coût, configuration flexible et furtivité, concluant que les drones jouent un rôle de plus en plus important dans «  les frappes militaires et l’alerte avancée  ». Ils ajoutent : «  Nous croyons que l’équipement sans pilote a un grand potentiel dans trois aspects essentiels de la guerre : la reconnaissance, la puissance de feu et le soutien [logistique] (2) ».

Les gains attendus paraissent liés à la réduction d’un désavantage numérique en matière de plates-­formes traditionnelles, tout particulièrement pour les États-Unis face à la Chine et pour la Russie face à l’OTAN, et à l’amélioration des capacités de surveillance et d’interdiction, tout particulièrement pour la Russie et la Chine.

Compenser le déficit de plates-formes

L’US Navy espère développer une « flotte fantôme » de navires sans équipage pour rattraper son déficit numérique face à la montée en puissance de la marine chinoise. Améliorant la connaissance en temps réel du champ de bataille, ces drones ouvrent la perspective de participer à la lutte anti-­sous-­marine et antisurface au-delà de leur apport à la guerre des mines. Même si les drones ne seront pas comptabilisés dans l’ordre de bataille de l’US Navy, leur nombre sera déterminant aussi bien pour remplir des missions actuellement imparties aux destroyers et sous-­marins que pour réduire la vulnérabilité des unités majeures en augmentant le nombre de cibles à traiter par un adversaire. De 2021 à 2025, la marine américaine voudrait affecter 2,2 milliards de dollars aux navires de surface sans équipage, ou USV, et 1,9 milliard de dollars aux navires sous-­marins sans équipage, ou UUV. Elle devrait dépenser 941 millions de dollars en USV et UUV rien qu’en 2021, soit une augmentation de 129 % par rapport à 2019 (3).

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