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Crise de l’énergie ou crise de la politique ?

Le monde de l’énergie est brusquement entré en effervescence suite à l’augmentation du prix de toutes les énergies. L’impact est sérieux et évident dans de nombreux pays. On vend de plus en plus de bois pour se chauffer, y compris aux États-Unis. La panique semble proche, les craintes étant amplifiées par certains médias toujours prêts lorsqu’il faut faire paniquer une population non initiée aux réalités de la marche du monde et en particulier de l’énergie. Mais il faut se garder d’appeler « crise » la situation atypique que nous connaissons.

Le temps passant, beaucoup des personnes actives en politique ou dans les médias, mais aussi l’ensemble des étudiants, n’ont pas conscience de ce que furent les crises pétrolières des années 1973 et 1979. En effet, le prix du pétrole a déjà été utilisé comme une arme géopolitique, à l’occasion de la guerre du Kippour en 1973, afin de contraindre les pays de l’OCDE à abandonner leur soutien à Israël, puis en 1979 afin d’asseoir le régime des mollahs en Iran. Alors que le baril coûtait moins de 2 dollars en 1973, il passa à 38 dollars en 1979. Cette crise géopolitique eut des conséquences inflationnistes dont les effets se font encore sentir, notamment sur les budgets des pays en développement. Lorsqu’on a vécu cette période ou si on la comprend, il est possible de relativiser ce que nous vivons en 2021.

Comment fut résolue cette « crise du pétrole » ? En promouvant la technologie. L’Union européenne créa immédiatement le programme de démonstration « Oil and gas  » qui finançait les industries parapétrolières — celles qui développent les technologies que les entreprises productrices de pétrole utilisent —, ce qui permit de développer la production de pétrole et de gaz naturel dans la mer du Nord. L’autre solution fut l’apport de l’électricité nucléaire. Décidée dans les années 1950 par les fondateurs de l’UE, elle arriva fort opportunément à maturité pour se déployer au moment de la crise. En 1973, alors que 31,9 % de l’électricité produite dans l’UE (9 États à l’époque) provenaient des produits pétroliers, le nucléaire n’en était qu’à ses débuts avec seulement 7,5 %. En 1983, ces chiffres étaient passés respectivement à 13,1 % et 27,5 % (1). La conséquence de ces diverses mesures occasionna « le contre-choc pétrolier » avec le prix si bas de 15 dollars le baril en 1986.

Il importe de garder à l’esprit cette période car la recherche de solution d’énergies alternatives n’est pas la conséquence de la politique de lutte contre le changement climatique anthropique, mais de la nécessité de se libérer de contraintes géopolitiques liées à l’énergie qui avaient des effets tangibles, lourds de conséquences et immédiats.

<strong>1. Évolution du prix du gaz naturel sur le marché de référence européen : le TTF (Title Transfer Facility)</strong>
<strong>2. Consommation mondiale d’énergie primaire</strong>

La Covid-19 perturbe le monde de l’énergie

En 2020, la crise de la Covid-19 a fait chuter les consommations d’énergie dans le monde entier. La figure 2 ci-contre met en évidence les conséquences des crises pétrolières de 1973 et 1979. On peut aussi observer l’impact, entre 2008 et 2010, de la crise financière dite des subprimes. Mais l’impact énorme qu’a occasionné la pandémie mondiale n’a pas eu d’égal jusqu’à présent. Nous pouvons aussi constater qu’au-delà de ces épisodes, la demande en énergie augmente presque de manière linéaire, notamment entre 2010 et 2019. Or, les fondamentaux de la croissance économique mondiale n’ont pas subitement disparu à cause de la pandémie. Dès lors, depuis le moment où elle a pu être limitée, la demande mondiale a repris son rythme, récupérant le retard qu’elle avait dû encaisser. On a vu par exemple que les métiers de la construction ont été impactés par la demande trop forte en matériaux (dont le bois de construction), ce qui a occasionné des retards de livraison. Cette situation a été sublimée en Chine, où elle a repris son rythme effréné de croissance.

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