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Malva et Floks. Le retour en grâce de l’artillerie sur roues en Russie ?

Dans le cadre du programme de recherche et développement Nabrosok (1) lancé dans le courant de la décennie 2010 et attribué à l’institut central de recherches TsNII Burevestnik (2) (spécialisé dans le développement de canons terrestres et navals ainsi que de systèmes d’artillerie), la Russie achève actuellement les tests (3) sur une série de véhicules dont l’objectif premier est d’améliorer de manière significative la mobilité de son artillerie.

L’artillerie automotrice russe repose actuellement et très majoritairement sur des châssis chenillés, ceci étant la résultante de la doctrine en vigueur à l’époque soviétique : l’artillerie devant être en mesure de suivre les chars de bataille sur les terrains les plus difficiles, l’emploi de la chenille s’imposait donc. Cependant, dans le courant des années 1980, les décideurs soviétiques, souhaitant accroître significativement le rayon d’action de leur artillerie, développèrent une version sur roues de leur nouvel obusier 2S19 Msta‑S : le 2S21 Msta‑K dont plusieurs prototypes furent produits dès 1982 avant que le projet ne soit abandonné en 1987 en raison de difficultés techniques (ainsi que de la raréfaction des moyens disponibles).

L’idée de développer une nouvelle gamme d’artillerie plus mobile ne va pas être oubliée pour autant avec la fin de l’URSS, mais il faudra attendre de longues années pour assister au lancement du projet Nabrosok : ce dernier comprend plusieurs véhicules (4) (obusiers, mortiers, lance-­roquettes lourds) montés sur châssis à roues, exception faite du « Magnolia » qui, amené à être exploité en zone polaire, est installé sur chenilles. Les travaux en sont actuellement à un stade avancé de concrétisation puisque les véhicules le composant sont soit en train d’entrer en service au sein des forces terrestres (VS) ainsi que des troupes aéroportées (VDV) russes, soit au stade des essais avancés. Deux véhicules issus de ce programme méritent que l’on s’y attarde : le 2S43 Malva ainsi que le 2S40 Floks.

Repris sous le nom de Malva (5) (la Russie a pour tradition d’attribuer à ses systèmes d’artillerie des noms de fleurs ou de plantes) et conçu pour prendre la relève des 2S1 Gvozdika ainsi que des canons tractés 2A65 Msta‑B des forces terrestres russes, le 2S43 est un obusier automoteur qui a été dévoilé en octobre 2019 et se présente comme un lointain successeur du projet mort-né 2S21 Msta‑K. Il est construit sur un châssis 8 × 8 BAZ‑6010‑27 disposant d’une cabine blindée pouvant accueillir cinq membres d’équipage, et l’armement est composé d’un canon 2A64 (6) de 152,4 mm et 47 calibres alimenté par une dotation de 30 obus avec une capacité de tir de 7 obus/minute. Le canon bénéficie d’une élévation allant de − 3° à + 70° ainsi que d’un débattement horizontal de +/− 30, sa portée de tir maximale étant de 24,5 km. L’ensemble présente une masse totale en charge de 32 t (7), une vitesse maximale de 80 km/h (sur route) et une autonomie évaluée à 1 000 km. Avec une longueur de 13 m, une largeur de 2,75 m et une hauteur de 3,1 m, le 2S43 présente un avantage important par rapport à ses prédécesseurs chenillés : il est aérotransportable dans un Il‑76, ceci facilitant grandement la capacité de déploiement de ce véhicule.

Néanmoins, le Malva n’est pas exempt de défauts : avec une portée maximale du canon de 24,5 km (pouvant éventuellement être accrue à 29 km avec certains modèles d’obus), il est donc bien en deçà des performances du CAESAR français qui peut frapper jusqu’à 50 km. En outre, le canon n’étant pas monté sur tourelle, son équipage est exposé aux tirs d’armes légères lorsque le Malva est en position de tir. On est donc en droit de se poser la question de l’intérêt présenté par ce modèle pour l’armée russe par rapport au 2S35‑1 Koalitsiya‑Sv‑KSh qui n’est rien d’autre qu’une version sur châssis à roues 8 × 8 du 2S35 Koalitsiya‑SV : ce véhicule dispose du canon 2A88 de 152,4 mm monté sur une tourelle (inhabitée) (8) et qui est en mesure de frapper jusqu’à des distances maximales de 80 km (9) avec une cadence de tir plus élevée, soit au minimum 10 obus/minute. À l’inverse, le devis de masse du Koalitsiya‑SV‑KSh est plus important que celui du Malva.

Autre véhicule s’inscrivant dans le programme Nabrosok, le 2S40 Floks (10) est une artillerie automotrice remplissant soit le rôle d’obusier soit celui de mortier installé sur un châssis 6 × 6 Ural‑4320 comportant une cabine blindée (offrant une protection contre les munitions de 7,62 mm) d’une capacité de quatre personnes. L’armement est composé d’un canon 2A80 de 120 mm approvisionné par une dotation composée de 80 obus avec une cadence de tir allant de 8 à 10 tirs/minute. Le tube dispose d’une élévation allant de − 5° à + 80° tandis que le débattement horizontal est de +/− 35° ; l’ensemble offre une portée de tir maximale allant de 7,5 à 13,5 km (variant selon la munition employée). La protection rapprochée de l’équipage est assurée par un module Kord installé sur le toit de la cabine de conduite et équipé d’une mitrailleuse de 12,7 mm, complété par des lanceurs de grenades fumigènes. La masse totale du véhicule est de 20 t, tandis que sa vitesse de pointe est de 80 km/h (sur route) ; la distance franchissable par ce dernier est actuellement inconnue.

Le gros avantage qu’apporte le 2S40 Floks, outre sa maniabilité, sa protection accrue (par rapport aux canons tractés) et sa rapidité de déploiement, réside dans sa dotation en munitions : avec 80 obus à disposition, il est capable de traiter rapidement une cible et de se redéployer pour en traiter une autre sans nécessiter d’être suivi par un train logistique imposant pour le réalimenter.

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