Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

Algérie et Maroc : sur les chemins de la guerre ?

L’abondance des revenus issus des hydrocarbures lui a permis de mener une « guerre privatisée » sans fin, qui ne manqua pas de ruiner le Royaume chérifien, de provoquer des révoltes intérieures, en somme de remettre en question le choix de l’annexion. Mais le contre-choc pétrolier de 1986, qui se traduit par un effondrement du prix du baril, fait voler en éclats cette stratégie, révèle le spectre de la faillite financière et provoque l’explosion d’émeutes en Algérie. Durant la guerre civile en Algérie (1991-1999), le Maroc suspecte son voisin de complicité dans l’attentat du 24 aout 1994 à Marrakech et décide d’imposer un visa aux ressortissants algériens. En réaction, l’Algérie ordonne la fermeture de sa frontière avec le Maroc et bloque ainsi les exportations des produits marocains vers l’Algérie.

Deux voisins devenus ennemis ?

En 1999, l’avènement d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence en Algérie laissait espérer un règlement du conflit. Le plaidoyer du Maroc en faveur d’une autonomie du Sahara a produit ses effets. La France, les États-Unis et l’Espagne le soutiennent. Il reste à convaincre en vain l’Algérie de s’y résigner. Après 2011, l’émergence des « révoltes arabes », le problème du Sahara occidental devient marginal autant pour l’Algérie que le Maroc, les mouvements de contestation à l’intérieur des pays (mouvement du 22 février en 2011, Hirak dans le Rif en 2016, Hirak en Algérie en 2019) mobilisent l’attention des autorités. Le conflit — oublié, gelé, dans l’impasse — du Sahara occidental est l’otage d’un affrontement entre deux puissances rivales, devenues aujourd’hui ennemies. En 2017, le Maroc réintègre l’Union africaine, qu’il avait quittée en 1984, le Royaume déploie depuis un activisme diplomatique en Afrique qui exaspère l’Algérie et cela d’autant plus que le Royaume a été conforté par la présidence de Donald Trump sur la souveraineté marocaine du Sahara occidental. Le Maroc presse en vain ses partenaires européens d’en faire autant. Ce conflit oublié a créé les conditions de la défiance entre ces deux grands pays de l’Afrique du Nord et paralysé tous les projets d’une intégration régionale. Voisins, l’Algérie et le Maroc ne sont pas parvenus, après un demi-siècle, à surmonter les différends qui les opposent. Bien au contraire, chacun s’est efforcé d’instrumentaliser dans les périodes de graves crises politiques et sociales la menace que représente son voisin afin de contraindre les opposants politiques au silence. Il illustre l’incapacité de l’Algérie et du Maroc à sortir d’une relation de méfiance, voire d’hostilité, depuis la guerre des sables de 1963. La question d’un conflit ouvert entre les deux pays est posée.

<strong>Algérie VS Maroc</strong>
<strong>Repères</strong>

Notes

(1) https://​www​.globalfirepower​.com/

(2) Mouvement pacifique qui revendique une transition démocratique.

(3) https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210719-les-propos-d-un-responsable-marocain-sur-la-kabylie-f%C3%A2chent-l-alg%C3%A9rie

(4) Convention sur les engagements réciproques du Maroc et de l’Algérie signée à Rabat le 6 juillet 1961.

(5) Khadija Mohsen Finan, Sahara occidental : les enjeux d’un conflit régional, Paris, CNRS, 1997.

Légende de la photo en première page : Suite à la visite du ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, au Maroc, le 25 novembre 2021 (ici en photo), le président du Sénat algérien a estimé que l’Algérie était « visée », que « les ennemis se [mobilisaient] de plus en plus pour porter atteinte à l’Algérie » et que le rapprochement entre le Maroc et Israël ouvrait la voie au « Mossad israélien pour poser les deux pieds à la frontière ouest de l’Algérie, avec tout ce que cela suppose comme menace pour la sécurité du Maghreb ». (© Israel’s Ministry of Defense)

Article paru dans la revue Les Grands Dossiers de Diplomatie n°65, « L’état des conflits dans le monde », Décembre 2021 – Janvier 2022.
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