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Vers une défense active de Taïwan pour contrecarrer une agression de la Chine populaire ?

En parallèle, la Chine dispose d’une flotte de garde-côtes la plus importante qui soit. Elle comprend environ 250 bâtiments et a été autorisée par une loi de février 2021 à utiliser son armement lourd dans les eaux revendiquées par le pays en mers de Chine.
La milice maritime de Chine méridionale opère à partir de dix ports situés dans les provinces chinoises du Guangdong et de Hainan. Environ 300 de ses navires opèrent dans les îles Spratleys à tout moment, ce qui permet d’estimer leur nombre total à environ 400, auquel il faut ajouter les pêcheurs qui les rejoignent par opportunisme.

Le très grand nombre d’unités de tout tonnage dont disposent ensemble la marine de guerre (360 bâtiments), les gardes-côtes (250) et la milice maritime permet d’envisager une attaque « en essaim » pour saturer les défenses antinavires de Taïwan. Un effet de surprise serait possible en dirigeant les navires indépendamment, noyés dans le trafic maritime, jusqu’à effectuer des regroupements coordonnés à proximité des plages de débarquement et à faire route ensemble vers elles. Depuis 1974, les navires de la milice chinoise sont rompus à ce genre de tactiques qui leur a permis alors de prendre au Vietnam les îles Paracels.

Les bâtiments de gros tonnage, spécialisés dans la projection de puissance (porte-avions) et le transport de personnes (porte-hélicoptères amphibies), accompagnés par des porte-conteneurs et des rouliers aménagés pour la circonstance, interviendraient sur la côte est de l’île, plus accore et donc moins exposée au risque minier. Leurs moyens aériens permettraient d’héliporter des troupes sur les hauteurs surplombant les quelques endroits de la côte où le plageage des engins est possible. Ceux-ci débarqueraient les fusiliers marins entraînés à ce type d’opérations et dont le nombre doit passer progressivement de 8 000 à 100 000 hommes. Ils seraient 40 000 en 2021.

La maîtrise de l’air serait probablement obtenue simultanément en détruisant les pistes d’atterrissage de Taïwan par des tirs de missiles à longue portée. Elle serait conservée par la très nette supériorité numérique de l’APL-A (armée de l’air). Les appareils d’appui aérien rapproché pourraient alors se consacrer à la détection et à la destruction des batteries de missiles terre-mer quand elles se dévoileraient en tirant contre les navires.

Une probable guerre aux objectifs limités

Lancer une opération de très grande envergure pour débarquer en force sur Taïwan et les îles qu’elle contrôle serait d’une très grande témérité tant que l’APL-M n’aura pas atteint la taille planifiée. Le succès repose sur des aléas dont le moindre n’est pas l’état de la mer. Dans une région où la météorologie est capricieuse, la prévoir précisément avec le préavis nécessaire pour faire rallier les centaines de navires nécessaires à la saturation de la défense et au débarquement est très hasardeux.

De plus, engager les forces navales de haute mer, comme les groupes de porte-avions et les grands bâtiments de débarquement — alors qu’ils sont en nombre insuffisant et sans être certains de leur capacité militaire — au risque d’une éventuelle confrontation avec l’US Navy et ses alliés, pourrait conduire à un quatrième échec. La carrière de Xi Jinping n’y survivrait pas. Les objectifs mêmes du « rêve chinois » pourraient être irrémédiablement compromis. Aussi, à court terme, les objectifs politiques d’une possible guerre contre Taïwan seraient probablement limités. S’ils sont atteints, la position de Xi Jinping pourrait être renforcée.

Pour éviter l’intervention de forces étrangères, seuls les territoires non couverts par l’accord entre les États-Unis et la RDC pourraient être concernés en vue de les amener dans le giron de la RPC, qui ne les a encore jamais contrôlés.

De son côté, Taïwan, pour ne pas conduire Pékin à des surenchères qui conduiraient inéluctablement à un conflit total, éviterait de frapper directement le continent. Il pourrait ne cibler que les hauts-fonds remblayés et contestés par la communauté internationale des Spratleys, ainsi que, éventuellement, certaines îles des Paracels. Pour cela, Taïwan utiliserait ses missiles, sous réserve qu’ils aient la portée, la charge militaire et la précision suffisantes pour rendre les pistes et les ports qui s’y trouvent inutilisables. Privées de ces bases avancées, les forces maritimes chinoises auraient beaucoup plus de difficultés à « commander » la mer de Chine méridionale, c’est-à-dire à y conduire un blocus maritime efficace de Taïwan. La Chine pourrait à son tour voir se concrétiser le dilemme de Malacca, un blocus de ses flux maritimes indispensables à sa croissance économique et par conséquent à la stabilité sociale du pays, gage de la survie du régime.

Note
(1) Cf. « ROC National Defense Report 2021 » publié le 12 novembre 2021.

Légende de la photo en première page : La présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, assiste à un exercice militaire. Le 6 octobre 2021, devant les parlementaires à Taipei, le ministre de La Défense taïwanais, Chiu Kuo-Cheng, a demandé une hausse du budget militaire de l’île en avertissant : « c’est la situation la plus difficile que j’ai vue en plus de 40 ans de vie militaire ». Il estime que Pékin aura les capacités pour mener une invasion « à grande échelle » de Taïwan « d’ici 2025 ». Il y a un an, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen annonçait le lancement du chantier de huit sous-marins, démontrant « au monde la force de détermination de Taïwan » et dont les premières manœuvres marines devraient débuter en 2025. (© Office of the President, Republic of China)

Article paru dans la revue Diplomatie n°113, « Taïwan : la menace chinoise », Janvier-Février 2022.
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