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Les cinq défis de la souveraineté européenne

Reconstruire la souveraineté

Chacun de ces cinq agendas de souveraineté représente un énorme défi pour l’UE et ses États membres. Ensemble, ils impliquent la nécessité de récupérer la souveraineté stratégique et de repenser l’ensemble du modèle de mondialisation qui a sous-tendu la politique étrangère européenne au cours des dernières décennies. Car la mondialisation a également entraîné des dépendances asymétriques à l’égard de plusieurs pays — par exemple, de la Chine pour les équipements de base, des États-Unis pour l’accès aux marchés financiers en dollars et de la Russie pour l’énergie — qui parfois les exploitent à des fins géopolitiques. Il ne s’agit pas d’un conseil de protectionnisme ou de découplage — ce serait le comble de la folie de croire que la quête de souveraineté stratégique justifie un repli sur l’isolationnisme. Dans le même temps, la simple résilience face à une telle concurrence ne suffit pas. Les Européens ont besoin d’un programme de souveraineté proactif capable de projeter la puissance européenne et d’évaluer ces déséquilibres, de les réduire et de s’en protéger.

Les Européens doivent donc clairement renforcer le pouvoir des institutions internationales pour maintenir des marchés ouverts, tout en se protégeant et en préservant la capacité de se défendre contre la coercition économique. L’UE doit ainsi commencer à considérer sa capacité normative comme un outil géopolitique qui peut l’aider à se prémunir contre les vulnérabilités créées par la mondialisation et les dépendances asymétriques.

Le moment est propice pour le faire. La Covid-19 a contribué à créer un moment européen et à rendre l’idée de souveraineté concrète et urgente pour le public, ainsi que pour les décideurs. Elle a démontré avec une parfaite clarté comment, dans un monde interdépendant, la souveraineté stratégique européenne est vulnérable aux évènements qui se produisent dans les régions les plus éloignées du globe.

Notes

(1) Ce texte est une version réduite de l’article « Sovereign Europe, dangerous world : Five agendas to protect Europe’s capacity to act », paru sur le site de l’ECFR le 1er décembre 2020 : https://​ecfr​.eu/​p​u​b​l​i​c​a​t​i​o​n​/​s​o​v​e​r​e​i​g​n​-​e​u​r​o​p​e​-​d​a​n​g​e​r​o​u​s​-​w​o​r​l​d​-​f​i​v​e​-​a​g​e​n​d​a​s​-​t​o​-​p​r​o​t​e​c​t​-​e​u​r​o​p​e​s​-​c​a​p​a​c​i​t​y​-​t​o​-​act/

(2) « Strategic Compass ; developing strategic principles », 25 août 2020 (https://​www​.eu2020​.de/​e​u​2​0​2​0​-​e​n​/​n​e​w​s​/​a​r​t​i​c​l​e​/​e​u​-​d​e​f​e​n​s​e​-​s​t​r​a​t​e​g​i​c​-​c​o​m​p​a​s​s​-​f​o​r​e​i​g​n​-​p​o​l​i​c​y​/​2​3​7​7​030).

(3) Carla Hobbs, « Europe’s digital sovereignty : from rulemaker to superpower in the age of US-China rivalry », ECFR, Essay Collection, juillet 2020 (https://​ecfr​.eu/​a​r​c​h​i​v​e​/​p​a​g​e​/​-​/​e​u​r​o​p​e​_​d​i​g​i​t​a​l​_​s​o​v​e​r​e​i​g​n​t​y​_​r​u​l​e​m​a​k​e​r​_​s​u​p​e​r​p​o​w​e​r​_​a​g​e​_​u​s​_​c​h​i​n​a​_​r​i​v​a​l​r​y​.​pdf).

(4) Climate Action Network, « Infographic : cost of inaction on climate change on Europe », 7 septembre 2018 (https://​caneurope​.org/​i​n​f​o​g​r​a​p​h​i​c​-​c​o​s​t​s​-​o​f​-​i​n​a​c​t​i​o​n​-​o​n​-​c​l​i​m​a​t​e​-​c​h​a​n​g​e​-​i​n​-​e​u​r​o​pe/).

(5) COACCH, « The Economic Coast of Climate Change in Europe : Synthesis Report on COACCH Interim Results », 2019 (https://​www​.coacch​.eu/​w​p​-​c​o​n​t​e​n​t​/​u​p​l​o​a​d​s​/​2​0​1​9​/​1​1​/​C​O​A​C​C​H​-​S​e​c​t​o​r​-​I​m​p​a​c​t​-​E​c​o​n​o​m​i​c​-​C​o​s​t​-​R​e​s​u​l​t​s​-​2​2​-​N​o​v​-​2​0​1​9​-​W​e​b​.​pdf).

(6) Simone Tagliapietra et Georg Zachmann, « Europe’s Green Deal must reach beyond its borders », Bruegel, Opinion, 4 février 2020 (https://​www​.bruegel​.org/​2​0​2​0​/​0​2​/​e​u​r​o​p​e​s​-​g​r​e​e​n​-​d​e​a​l​-​m​u​s​t​-​r​e​a​c​h​-​b​e​y​o​n​d​-​i​t​s​-​b​o​r​d​e​rs/).

(7) Simone Tagliapietra et Guntram Wolff, « Relaunching transatlantic cooperation with a carbon border adjustment mechanism », Bruegel, Opinion, 11 juin 2021 (https://​www​.bruegel​.org/​2​0​2​1​/​0​6​/​r​e​l​a​u​n​c​h​i​n​g​-​t​r​a​n​s​a​t​l​a​n​t​i​c​-​c​o​o​p​e​r​a​t​i​o​n​-​w​i​t​h​-​a​-​c​a​r​b​o​n​-​b​o​r​d​e​r​-​a​d​j​u​s​t​m​e​n​t​-​m​e​c​h​a​n​i​sm/).

Légende de le photo en première page : Séance plénière du Parlement européen à Strasbourg. Le 8 février 2020, le nouveau chef de la diplomatie européenne Josep Borrell déclarait : « Nous sommes entrés dans une ère de concurrence stratégique, où certains dirigeants n’hésitent pas à recourir à la contrainte et à détourner des instruments économiques notamment pour en faire des armes. (…) Pour éviter d’être la perdante de la concurrence à laquelle se livrent les États-Unis et la Chine, l’Union européenne doit réapprendre le langage de la force et se considérer comme un acteur géostratégique de premier rang. » (© Shutterstock)

Article paru dans la revue Diplomatie n°111, « Europe : quelle souveraineté ? », Septembre-Octobre 2021.

À propos de l'auteur

Mark Leonard

Fondateur et directeur de l’European Council on Foreign Relations (ECFR — Conseil européen des relations internationales).

À propos de l'auteur

Jeremy  Shapiro

Directeur de recherche à l’ECFR spécialisé dans les relations transatlantiques et la politique étrangère américaine.

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