Je rappelle également que le volet militaire est inclus dans une stratégie globale qui comprend entre autres l’aide au développement avec l’Alliance pour le Sahel. Notre action s’ajuste donc, notre combat contre les groupes terroristes se poursuit mais il se transforme avec une implication accrue de nos partenaires européens et avec l’engagement et le courage des partenaires africains qui souhaitent s’engager dans une véritable coopération internationale.
Pour autant, à chaque fois que les conditions de notre intervention seront remises en cause par le pouvoir local ou qu’il y aura un recul de l’Etat de droit, où que ce soit, nous en ferons l’analyse, en partenariat avec tous nos partenaires africains et les pays de l’Union européenne, et nous en tirerons les conséquences. Cela sans jamais oublier les populations civiles africaines, qui sont les premières victimes de la violence.
C’est ce que nous faisons aujourd’hui en nous retirant de manière coordonnée, Européens, Canadiens et Français, du Mali car les conditions politiques, opérationnelles et juridiques de notre engagement n’y sont plus réunies. Il s’agit d’un redéploiement de notre effort vers les autres pays de la Région. Nous avons toujours la volonté commune de rester engagés dans cette région en proie à la contagion djihadiste.
S’agissant de la Chine, la France refuse les deux extrêmes : refus de toute naïveté quant au comportement de la Chine ; refus d’un alignement sur une politique de confrontation qui alimenterait les tensions. J’ai toujours assumé d’entretenir un dialogue ambitieux mais exigeant sur nos intérêts avec une boussole : celle de la réciprocité. Cela m’a conduit au plan européen à plaider pour l’élaboration d’une politique plus unie et plus lucide. Je suis convaincu que face à la puissance chinoise, l’Europe est plus forte lorsqu’elle est unie.
Depuis 2017, l’Europe s’est affirmée. Elle reconnait désormais la Chine à la fois comme un partenaire mais aussi comme un concurrent et un rival systémique. En 2019, pour la première fois de l’histoire, j’ai accueilli le Président chinois au Palais de l’Elysée aux côtés du Président de la Commission européenne et de la Chancelière allemande. Le message était clair : l’Europe est forte lorsqu’elle est unie. C’est d’ailleurs ce message d’unité et de fermeté qui a été adressé aux autorités chinoises lors du sommet UE/Chine du 1er avril.
Beaucoup de candidats et de candidates sont en faveur d’une défense solide. Quelle serait la ou les particularités qui vous distingueraient des autres ?
J’ai répondu à cette question tout au long de mon quinquennat, non par des promesses mais par des engagements que j’ai scrupuleusement tenus. Il faut garder l’horizon du temps long car un outil de défense se bâtit dans la durée. J’ai eu l’occasion de le rappeler lors du lancement en 2019 de notre nouveau sous-marin nucléaire d’attaque, le Suffren.
Je continuerai donc la modernisation de nos capacités en continuant à les adapter aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces. Par ailleurs, je compte accélérer notre réponse à la compétition technologique, par une innovation de défense encore renforcée. La maitrise des nouvelles technologies est essentielle pour notre indépendance. La création de l’agence d’innovation de défense en 2018 et la hausse importante des crédits consacrés à la recherche et technologie (R&T) ont été les premières réponses. Il convient de développer encore nos capacités d’innovation de défense, en recherchant une meilleure dualité civil/militaire et en nous appuyant davantage sur les PME.
L’Europe de la défense restera mon combat. Pendant des années, les capacités militaires françaises ont été réduites en se cachant derrière une défense européenne qui avait pourtant du mal à s’affirmer. Cela a fait douter, notamment les militaires, sur la réalité de ce concept car en réalité on leur proposait de partager plutôt des idées que des moyens. J’ai une autre vision à la hauteur de nos ambitions nationales : avoir une défense française, forte et souveraine, afin d’être moteur au sein de nos alliances, pour la sécurité de nos concitoyens et de notre continent.
Nous sommes une grande puissance dont les prises de position sont scrutées partout dans le monde. Puissance d’équilibre, nous devons, avec nos partenaires européens, dans le respect de nos alliances, être à la tête du combat pour le multilatéralisme et le droit international avec une devise simple : tout faire pour sortir de la spirale guerrière mais ne rien négliger pour s’y préparer. Nous développerons encore nos partenariats stratégiques partout dans le monde, en les basant sur des valeurs partagées et des objectifs communs. Nous continuerons en particulier à le faire dans la zone indopacifique dont nous sommes riverains grâce à nos territoires ultramarins et à leurs zones maritimes.
Au cœur de la défense nationale se trouvent les femmes et les hommes de nos forces armées. Leur abnégation et leur engagement sont essentiels. C’est pour cela que j’ai voulu une LPM à hauteur d’homme, afin d’améliorer leur quotidien et la vie de leurs familles. Nous continuerons dans cette voie et nous continuerons à défendre la singularité militaire, non seulement parce que nous le leur devons mais également parce nous préparons ainsi l’avenir de nos armées. Nos armées font un travail formidable pour l’éveil de notre jeunesse à la citoyenneté et à la force d’une nation au travers de nombreux organismes. Je compte renforcer encore cette implication grâce à de nouvelles initiatives et je proposerai également aux anciens combattants, dont l’exemple est particulièrement inspirant, de m’aider dans cette tâche essentielle pour notre pays.
Propos recueillis par Joseph Henrotin le 5 avril 2022.
* Les réponses données dépassent le quota de 12 400 signes alloués à chaque candidat, de même que la date de rendu n’a pas été respectée. Cependant, nous estimons pertinent de rendre publique cette interview.
