Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

De l’utilité du wargaming

Au contraire, la démarche actuelle a consisté à approcher, expliquer et convaincre en même temps la base, les strates intermédiaires et le sommet de la hiérarchie militaire et institutionnelle, avec un narratif pédagogique cohérent. À cet égard, les réseaux tissés patiemment par la FMES et l’association SGN-F ont permis de sensibiliser en parallèle le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, l’Académie du renseignement, les écoles de formation d’officiers, les écoles d’état-major, l’École de guerre, le Centre des hautes études militaires, les états-majors, les services d’analyse du ministère des Armées et de nombreux généraux et amiraux qui savent que « tout est redevenu possible » dans un monde chaque jour plus imprévisible. Au-delà des acteurs institutionnels, ces ateliers s’adressent désormais à un très large public : journalistes, élus locaux, chefs d’entreprises, universitaires, chercheurs. C’est cette « fertilisation croisée » qui a sans doute permis à cette nouvelle pratique du wargame de germer.

Tout comme le fait d’insister pour que ces ateliers se déroulent aux heures de travail, et non plus le soir ou le week-end, pour montrer qu’il s’agit là d’une activité pédagogique et réflexive s’inscrivant totalement dans un cadre de formation professionnelle et intellectuelle. Cette même approche est en train de porter ses fruits dans le monde de l’entreprise, de l’analyse économique, du renseignement et même dans l’université.

Au fond, si la pratique du wargame semble se développer en France depuis quelques années, c’est parce qu’un nombre croissant de responsables civils et militaires comprennent que cette pratique permet de stimuler l’agilité intellectuelle qui concourt indubitablement au renforcement du leadership (par l’analyse et la prise de décision), de la prospective et de l’esprit d’anticipation (notamment après les attentats de 2015). La présence visible et active d’un atelier et d’une table ronde consacrés aux wargames lors de la « Fabrique Défense » — véritable « salon de l’étudiant » des métiers de la défense tenu sous le patronage de Florence Parly, ministre française des Armées — en est la démonstration flagrante.

En partenariat avec :

Notes

(1) Fitna – Global War in the Middle East (2020) de Pierre Razoux, disponible chez Nuts Publishing (https://​www​.nutspublishing​.com/​e​s​h​o​p​/​f​i​t​n​a​-en).

(2) Pierre Razoux, « De l’utilité des war studies et du wargaming pour décrypter les dilemmes stratégiques au Levant », FMES, juin 2020 (https://​fmes​-france​.org/​d​e​-​l​u​t​i​l​i​t​e​-​d​e​s​-​w​a​r​-​s​t​u​d​i​e​s​-​e​t​-​d​u​-​w​a​r​g​a​m​i​n​g​-​p​o​u​r​-​d​e​c​r​y​p​t​e​r​-​l​e​s​-​d​i​l​e​m​m​e​s​-​s​t​r​a​t​e​g​i​q​u​e​s​-​a​u​-​l​e​v​a​n​t​-​p​a​r​-​p​i​e​r​r​e​-​r​a​z​o​ux/).

(3) www​.sgnfr​.wordpress​.com.

(4) Chaque joueur ne dispose que de quelques cartes seulement lors de chaque tour pour créer des évènements, prendre des renforts, lancer des offensives et les appuyer avec des appuis offensifs ou défensifs ; bref, il ne peut pas bouger tous ses pions ni combattre avec toutes ses unités.

(5) Contrairement aux Européens, Américains et Britanniques ne s’interdisent pas d’organiser un atelier consacré aux risques d’escalade nucléaire dans le cadre de leur stratégie de dissuasion globale. C’est ce qui a poussé le gouvernement britannique a ordonner en 2021 l’augmentation du nombre de ses têtes nucléaires militaires.

Légende de la photo en première page : Plateau du jeu Suprématie 2050, un serious game développé par Pierre Razoux qui met en scène l’Union européenne, la Chine, la Russie et les États-Unis, et dont le but est de devenir la puissance la plus prestigieuse en l’espace de 30 ans. L’enjeu est de simuler les rivalités stratégiques, chacun ayant des objectifs propres, en amenant chaque participant à développer les différents vecteurs de la puissance : militaire, économie, spatial, ressources, prestige… (© Thomas Delage)

Article paru dans la revue Les Grands Dossiers de Diplomatie n°65, « L’état des conflits dans le monde », Décembre 2021 – Janvier 2022.

À propos de l'auteur

Pierre Razoux

Directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) ; auteur de Tsahal : Nouvelle histoire de l’armée israélienne (Perrin, 2006) et de La guerre Iran-Irak : La première guerre du Golfe (1980-1988) (Perrin, 2013)

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