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Dosan Ahn Changho : Séoul mise sur l’océanique

Mi-août 2021, la marine sud-­coréenne a admis au service actif la tête de sa nouvelle classe de sous-­marins à propulsion anaérobie de conception nationale, le Dosan Ahn Changho, avec en ligne de mire la construction de huit autres unités. Le bâtiment, qui prend appui sur l’expérience de Séoul en matière de construction sous licence, représente un saut capacitaire pour la marine, mais aussi pour la dissuasion.

Un programme mené tambour battant

Le programme lui-même remonte au début des années 2000. La modernisation de la marine sud-­coréenne est entendue comme étant phasée avec les capacités de construction navale et doit procéder par étapes. Dans le domaine sous-­marin, le programme KSS‑2 comprend ainsi six sous-­marins à propulsion anaérobie Type‑214 commandés en Allemagne, mais construits sur place. L’expérience acquise, de même que des transferts de technologies et des achats à l’étranger, doit ensuite permettre de se lancer dans le programme KSS‑3, un bâtiment au déplacement plus important conçu et construit en Corée du Sud. Les commandes se font par tranches de trois unités en vue de remplacer les Changbogo, la version construite sous licence des Type‑209. En 2009, les objectifs de la marine sont ambitieux : la tête de la nouvelle classe entrerait en service à partir de 2016, la troisième unité devant être livrée en 2021.

Pratiquement, la phase de conception, entamée en 2004, a pris un peu plus de temps, mais le calendrier, une fois redéfini, a été respecté à quelques mois près. La tête de classe été commandée en décembre 2012 et la première découpe de tôle effectuée le 27 novembre 2014, en vue d’un lancement planifié – et effectué – en 2018 chez Daewoo shipbuilding (DSME). Ses essais en mer ont débuté en juin 2019 pour une entrée en service prévue fin 2020, finalement officialisée en août 2021. Concrètement, la marine poursuit ses essais opérationnels, s’appropriant son sous-­marin le plus complexe. La deuxième unité, l’Ahn Mu, devait entrer en service en 2022, selon le contrat de 2012. Pratiquement, il a été mis sur cale en avril 2018, également chez DSME, et a été lancé en novembre 2020. En cours d’achèvement, il pourrait également, à quelques mois près, tenir les délais. Ces deux premières unités ont coûté 1,56 milliard de dollars.

Commandée en novembre 2016, la troisième unité, le Yi Dongnyeong, a été mise sur cale en avril 2019. Sa construction se poursuit, cette fois chez Hyundai, en vue d’une admission fin 2023. La construction d’une deuxième série (batch‑2) de trois bâtiments, différant du batch‑1 du point de vue des dimensions et des équipements et dont la conception avait été confiée à DSME dès 2016, a été approuvée en mars 2019. Un batch‑3, comprenant également trois unités, serait également commandé à terme, mais rien n’est encore dit de ses caractéristiques. In fine, le neuvième et dernier bâtiment de la classe entrerait en service en 2029 – ce qui représente un rythme d’admission plus que respectable d’environ une unité par an.

Des bâtiments océaniques… et stratégiques

Les Dosan Ahn Changho sont de grands bâtiments. Avec 83,5 m de longueur et 9,6 m de largeur, le KSS‑3 batch‑1 déplace 3 358 t en surface et 3 750 t en plongée. L’évolution est nette comparativement aux Type‑214 qui déplacent 1 690 t en surface et 1 860 t en plongée. Les Dosan Ahn Changho déplacent ainsi plus qu’un SNA de classe Rubis (1). Ils ont bénéficié d’une grande attention au niveau de leur endurance – donnée pour 50 jours – et leur autonomie, estimée à 10 000 nautiques à 12 nœuds. L’équipage comprend 50 marins (27 sur un Type‑214).

La propulsion est conventionnelle. Elle comprend, d’une part, deux moteurs diesels de 3,12 MW de puissance unitaire et un jeu de batteries classiques et, d’autre part, une propulsion AIP (Air independant propulsion) alimentée par quatre piles à combustible Bumhan Industry PH1 PEM d’une puissance unitaire de 150 kW, l’ensemble entraînant une ligne d’arbre. La vitesse de pointe en plongée est quant à elle donnée pour 20 nœuds. Les piles à combustible produisent de l’électricité sans combustion, permettant ainsi d’alimenter directement les batteries. Ce faisant, l’endurance lors d’une navigation sous-­marine continue serait de 20 jours.

Ces caractéristiques sont pour partie appelées à évoluer avec les batch‑2 et batch‑3 de la classe. Si le nombre de systèmes de conception nationale équipant les sous-­marins va augmenter, ce sera également le cas de leurs dimensions. Le KSS‑2 batch‑2 devrait conserver la même largeur, mais il sera plus long et son déplacement, en surface comme en plongée, comptera quelques centaines de tonnes supplémentaires. Le système AIP devrait également être remplacé par des batteries lithium-­ion, qui offrent une plus grande endurance. Le système, utilisé pour la première fois sur la dernière unité de la classe japonaise Soryu, n’est pas sans risques, liés aux surchauffes ou à la corrosion. Mais, Samsung, qui fournira les batteries, travaille depuis plusieurs années sur leur sécurisation.

L’évolution de la taille et du déplacement des batch‑2 est notamment due à l’une des principales caractéristiques de la classe. En effet, l’armement des Dosan Ahn Changho batch‑1 comporte huit tubes lance-­torpilles de 533 mm à la proue, mais également six tubes de lancement verticaux positionnés au milieu de la tranche arrière. Sur les Batch‑2, la dotation serait de dix tubes verticaux, aucune information n’ayant encore été donnée pour les Batch‑3. Ces tubes seraient capables de tirer au moins deux types de munitions :

• classiquement, des missiles de croisière Hyunmoo‑3C/Cheonryong. Opérationnels depuis 2012, ils peuvent être tirés depuis des navires de surface ou des sous-­marins, y compris via une capsule à lancement différé. Ce sont des engins subsoniques d’une portée estimée à 1 500 km et à guidage inertiel/GPS assurant une grande précision terminale. Leur diamètre leur permet d’être tirés depuis les tubes de lancement verticaux, mais également depuis les tubes lance-torpilles ;

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