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L’industrie européenne des batteries prise dans la géopolitique des minerais

30Le 29 décembre 2021, le suédois Northvolt a annoncé l’assemblage de sa première batterie lithium-ion dans sa méga-usine à Skelleftea, dans le Nord du pays. La réussite de cette initiative privée renforce les ambitions de l’Union européenne de se doter d’une industrie des batteries de rang mondial. L’objectif est double : maîtriser une technologie clé pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et localiser sur son sol des activités à fort potentiel de croissance économique. Les plans de l’UE sont en passe d’aboutir : les projets de méga-usines de batteries seraient déjà suffisamment nombreux pour répondre aux besoins de l’UE dès 2025 (1). Mais un maillon de la chaîne de valeur des batteries pose problème : l’approvisionnement en minerais.

Les minerais sont au cœur des performances des batteries lithium-ion (Li-ion), qui reposent sur un socle général commun, dont un électrolyte liquide à base de lithium et une anode de carbone en graphite. Elles se distinguent en différentes familles en fonction de leur cathode. Les batteries Li-ion NMC utilisent des cathodes à base de nickel, de manganèse et de cobalt. Les batteries NCA s’appuient quant à elles sur des cathodes composées de nickel, de cobalt et d’aluminium. Les LFP, enfin, sont constituées de phosphate de fer lithié.

Une demande mondiale en pleine expansion

La croissance de la demande mondiale en minerais pour batteries s’annonce colossale : elle pourrait être multipliée par 30 d’ici 2040 (2). En effet, le nombre de véhicules électriques (VE) en circulation dans le monde pourrait passer de 7,6 millions en 2019 à 230 millions en 2030 (3). Pour répondre aux besoins de l’industrie automobile, l’offre mondiale de batteries devra passer d’une capacité de production d’environ 300 GWh par an en 2020 à 1 600 GWh par an d’ici 2030. Les besoins en lithium pourraient être multipliés par 42, ceux pour le graphite par 25, le cobalt par 21 et le nickel par 19 à l’horizon 2040 (4). Sans compter que d’autres industries consomment également les mêmes minerais, ce qui présente un risque de concurrence d’usage entre secteurs.

La sécurisation des approvisionnements en minerais constitue un enjeu stratégique. Certes, une rupture d’approvisionnement de minerais n’empêcherait pas les citoyens et les entreprises européennes d’utiliser leurs VE ou tout autre appareil équipé de batteries. C’est une différence fondamentale par rapport à la géopolitique du pétrole, où une pénurie peut rapidement mettre à l’arrêt tout un pays. Mais une rupture d’approvisionnement en minerais stopperait la production de batteries et, par effet d’entraînement, celle de l’industrie des VE et de toutes les industries qui dépendent de l’industrie automobile ou qui intègrent des systèmes de stockage d’électricité par batteries.

Batteries : bientôt à court de minerais ?

Plusieurs des minerais pour batteries, dont le lithium, le cobalt et le graphite, ont été inclus dans la liste des minerais qualifiés de critiques par la Commission européenne (CE) en 2020, tandis que le nickel a été placé sous surveillance rapprochée. De son côté, l’équipe de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) considère quatre facettes de la criticité des minerais : géologique, économique, stratégique, environnementale (5).

À propos de l'auteur

Pierre  Laboué

Chercheur à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) au sein du programme « Climat, énergie et sécurité » et coordinateur de l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques (DGRIS).

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