Si le soutien otanien s’avéra critique dans ce processus de transformation, l’existence d’une industrie de défense autochtone relativement diversifiée associée à celle de vastes inventaires d’équipements inusités s’avéra indispensable au réarmement ukrainien, car jamais les budgets nationaux (3,02 milliards de dollars en 2018) n’auraient permis de remplacer les pertes en équipement subies en 2014 et 2015 et de doter les unités nouvellement créées s’il avait fallu recourir à des acquisitions à l’étranger – et ce alors que nombre de fournisseurs potentiels se seraient montrés dans tous les cas réticents à livrer des armements offensifs.
La remontée en puissance ukrainienne, entravée par des facteurs structurels comme une corruption restant endémique ou plus simplement par un manque de moyens, demeurait cependant incomplète au moment où l’invasion russe intervint. Nombre des équipements en parc restaient inférieurs à leurs équivalents russes tandis que certaines capacités ne purent être étendues ou suffisamment modernisées, et ce tout particulièrement pour ce qui concerne les systèmes d’armes les plus sophistiqués. La force aérienne put ainsi compléter ses inventaires en systèmes antiaériens et en avions de combat datant de l’ère soviétique, mais ceux-ci furent à peine modernisés, ou pas du tout, alors que la marine en était aux débuts d’un programme d’expansion capacitaire à l’ambition au demeurant réduite, la priorité ayant été donnée à la reconstitution de forces terrestres aussi puissantes que possible. De la même manière, la mise sur pied de la défense territoriale restait inachevée lorsque la guerre éclata. La refonte doctrinale fut sans doute la plus décisive, puisque la flexibilisation et la décentralisation de l’institution facilitèrent entre autres choses le passage à une techno-guérilla partielle dès les premiers jours de la guerre, avec l’efficacité que l’on sait, alors que les unités mécanisées firent elles aussi rapidement la preuve de leur capacité manœuvrière.
Notes
(1) Sur l’impréparation de l’armée en 2014, voir Dmytro Putiata, Andrii Karbivnychyi, et Vasyl Rudyka, « Ukraine Armed Forces on the Eve of the Conflict », mil.in.ua, 12 mars 2020.
(2) Banque mondiale, Military Expenditure – Ukraine.
(3) Au moins une des brigades mécanisées, la 92e, aligne deux bataillons de chars.
(4) Pour une perspective critique de la montée en puissance ukrainienne, voir Glenn Grant, « Seven Years of Deadlock: Why Ukraine’s Military Reforms Have Gone Nowhere and How the US Should Respond », The Jamestown Foundation, 16 juillet 2021.
(5) Cité dans John Garamone, « Ukrainian-Californian Ties Show Worth of National Guard Program », DoD News, 18 mars 2022.
Légende de la photo en première page : Au terme d’un exercice à Zhytomyr, en 2018. (© Korkins/Shutterstock)