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Les cyberopérations dans la guerre en Ukraine

L’activité cyber dans les conflits et les conflits armés présente donc une intensité variable. En phase de compétition, elle se manifeste comme une activité « à bas bruit » dans laquelle l’ensemble des acteurs impliqués – y compris par opportunisme – cherche à se positionner dans les réseaux et systèmes des adversaires, rivaux et partenaires. Dans la configuration de contestation, elle se traduit par un fort « bruit de fond » qui contribue aux manœuvres d’intimidation et de coercition auxquelles se livrent des adversaires au sujet d’un enjeu stratégique. Comme la guerre en Ukraine semble le suggérer, l’affrontement est marqué par une activité intense totalement intégrée dans les dynamiques du conflit et pas uniquement dans l’espace numérique. À ce titre, elle contribue à accentuer le niveau d’incertitude propre à la guerre et à la conduite des opérations militaires.

Notes

(1) L’occasion de recommander sur le premier point l’étude de James Shires, The Politics of Cybersecurity in the Middle-East, Hurst Publishers, Londres, 2021.

(2) Sur la chronologie de ces opérations : Cyber Peace Institute, « Ukraine : Timeline of Cyber Attacks on Critical Infrastructure and Civilian Objects », en ligne : https://​cyberpeaceinstitute​.org/​u​k​r​a​i​n​e​-​t​i​m​e​l​i​n​e​-​o​f​-​c​y​b​e​r​a​t​t​a​cks (consulté le 29 mars 2022).

(3) Le « hack and leak » consiste à dévoiler publiquement des informations compromettantes ou sensibles sur une cible pour des raisons d’extorsion ou d’influence. Le 1er mars 2022, le journal Ukrainska Pravda a rendu publique une liste qu’il a présentée comme celle de 120 000 militaires russes, incluant noms et affectations. Le 29 mars, le renseignement militaire ukrainien publiait une liste de 620 individus prétendument membres des services de renseignement intérieur russes (FSB).

(4) Les acteurs non étatiques et semi-étatiques se distinguent par la relation de proximité ou de distance construite avec les acteurs gouvernementaux. La première catégorie inclut plutôt les groupes d’hacktivistes et les cybercriminels, tandis que la seconde regroupe les principaux acteurs du secteur numérique. Voir Florian Egloff, Semi-State Actors in Cybersecurity, Oxford University Press, Oxford, 2021.

Article paru dans la revue DSI n°159, « Ukraine : bataille dans le ciel », Mai-Juin 2022.

À propos de l'auteur

Stéphane Taillat

Maître de conférences à l’université Paris-VIII détaché aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, chercheur au Centre de géopolitique de la datasphère (GEODE) et au pôle « mutations des conflits » du Centre de recherche des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (CREC).

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