Magazine DSI HS

Switchblade : un game changer pour l’Ukraine ?

Quel effet militaire ?

Les Switchblade ne sont pas les seules munitions rôdeuses reçues par l’Ukraine. En 2017, elle avait commandé à WB Group (Pologne) un nombre inconnu de Warmate, dont l’usage a, entre-­temps, été attesté. Quels seront les effets militaires de ces munitions ? Au Haut-Karabagh, elles ont permis de détruire un grand nombre de blindés arméniens et artsakhiotes, ouvrant ainsi la voie aux actions de l’infanterie et des forces blindées mécanisées de Bakou (3). Leur intégration s’était cependant produite en amont, avec la mise en place d’un véritable système tactique, bien rodé et efficace, dans lequel les TB2 permettaient d’abord d’éclairer une zone d’intérêt avant que les munitions ne soient lancées, et avant l’engagement de forces terrestres. En Ukraine, l’intégration aux opérations s’effectue dans le courant du conflit et il n’est pas certain qu’elle sera aussi harmonieuse qu’en Azerbaïdjan : il faut en effet savoir dans quelle direction lancer les munitions, afin de ne pas gaspiller leur endurance en vol. Par ailleurs, l’effet militaire de ces munitions rôdeuses va également dépendre non seulement de la quantité engagée, mais aussi du nombre de celles qui auront fait coup au but. Or quelques centaines d’entre elles ne changeront pas fondamentalement la donne – on en revient donc à la question de savoir ce que recouvre précisément la notion de « système » évoquée par les Américains. En outre, la question de la poursuite des approvisionnements va également se poser, dans un contexte où l’Ukraine semble chercher à effectuer des achats directement auprès d’AeroVironment. Or ce dernier indiquait fin avril que sa production était contrainte par une chaîne d’approvisionnement en composants électroniques et en sous-­systèmes se tarissant. Reste également un autre aspect de cette question : à la complexité de la tâche répond la multitude des dons en matériels pertinents pour la lutte contre les blindés. Si les Switchblade apportent une profondeur tactique aux combattants de Kiev, c’est dans la masse globale des coups portés par la combinaison de différents types de systèmes que l’effet d’attrition sur les forces russes se réalisera.

<strong>Phoenix Ghost</strong>
Si la plupart des armements antichars livrés à l’Ukraine ont une portée limitée, les munitions rôdeuses offrent une vraie profondeur, en plus de multiplier les sources images utilisables, par exemple pour le pointage d’artillerie. En l’occurrence, le 21 avril, le Pentagone a annoncé qu’il allait livrer à Kiev « plus de 121 » exemplaires d’un nouveau type de système, le Phoenix Ghost. Inconnu jusque-là, il a été développé par l’US Air Force avant la guerre, mais pour des types de scénarios proches de ceux observés en Ukraine et est produit par AEVEX Aerospace, basée en Californie. Si très peu de détails sont disponibles à son sujet, les officiels américains indiquent qu’il a des capacités semblables, mais pas identiques, à celles du Switchblade. Selon David Deptula, le drone décollerait verticalement, aurait une endurance de six heures et serait adapté à la frappe de cibles moyennement blindées. Comme certains drones kamikazes, il n’est pas destiné à revenir, mais à être lancé pour frapper et peut opérer de jour comme de nuit (1). En l’occurrence, il serait emblématique de nouveaux armements conçus suivant des logiques de prototypage et de mise en production rapide.
Note
(1) Lee Hudson et Paul McLeary, « Mystery drone : how the Air Force fast tracked a new weapon for Ukraine », Politico​.com, 21 avril 2022.

Notes

(1) Sur ces systèmes de munitions : Jean-Jacques Mercier, « Munitions rôdeuses : l’Europe déjà dépassée », Défense & Sécurité Internationale, hors-série no 75, décembre 2020-janvier 2021.

(2) Philippe Langloit, « Le Javelin, fer de lance de la techno-guérilla ukrainienne », Défense & Sécurité Internationale, no 159, mai-juin 2022.

(3) Joseph Henrotin, « Munitions rôdeuses : le vrai game changer ? », Défense & Sécurité Internationale, hors-série no 75, décembre 2020-janvier 2021.

Légende de la photo en première page : Un Switchblade 300 au moment du tir, sa voilure non encore déployée. On note le petit compresseur, destiné à l’éjection de la munition. (© US Marine Corps)

Article paru dans la revue DSI hors-série n°84, « Guerre en Ukraine : les premières leçons », Juin-Juillet 2022.
0
Votre panier