Magazine Moyen-Orient

Israël : une aspiration croissante à la laïcité ou l’exclusion des haredim

Service militaire  : Si 22 % des Juifs israéliens acceptent que les étudiants des yechivot soient exemptés du service militaire, 29 % pensent qu’ils devraient tous le faire entièrement, 49 % acceptant des exemptions. D’autant que l’armée n’accepte pas – officiellement – l’objection de conscience.

Enseignement  : S’agissant des écoles ultra-orthodoxes financées par l’État, 77 % des Juifs israéliens (85 % parmi les non ultra-orthodoxes) estiment qu’elles doivent offrir à leurs élèves le même cœur de curriculum que les écoles publiques.

Pluralisme religieux et conversion : 65 % des Juifs israéliens préconisent une reconnaissance égale des trois principaux courants du judaïsme (orthodoxe, conservateur et réformé). De plus, 36 % estiment que l’État doit reconnaître comme Juif tout immigrant qui s’identifie comme tel ou qui s’est converti religieusement.

Confiance dans les institutions : 41 % des Juifs israéliens n’ont confiance dans aucune des quatre principales institutions. Parmi ceux qui s’y fient, c’est la Cour suprême qui, avec 36 %, jouit de la plus élevée : neuf fois plus que la Knesset (4 %), quatre fois plus que le gouvernement (8 %) et trois fois et demie plus que le Grand rabbinat (11 %). De surcroît, 66 % s’opposent à toute réduction du statut et des prérogatives de la Cour. Parmi les « laïcs », 55 % ont confiance dans la Cour, 6 % dans le gouvernement et 3 % dans la Knesset.

Religion et politique : L’enquête confirme combien le paysage s’est droitisé, 45 % des Juifs israéliens se situant « à droite » ou « très à droite », 21 % au « centre droit », 20 % au « centre » et 14 % au « centre gauche » ou « à gauche ». Mais les « laïcs » sont plus à gauche, leur répartition sur la même échelle donnant respectivement 23 %, 23 %, 30 % et 24 %. Les « ultra-orthodoxes », à l’inverse, sont plus à droite : 84 %, 12 %, 4 % et 0 %.

Partis ultra-orthodoxes : 64 % des Juifs israéliens s’opposent à leur participation au gouvernement « d’une manière qui leur permet de dicter la politique du gouvernement et la législation sur les questions touchant à la religion et à l’État ».
Voilà qui témoigne d’une véritable percée de l’aspiration à la laïcité et au pluralisme au sein du judaïsme, désormais majoritaire parmi les Juifs israéliens. Ce faisant, ces derniers rejettent l’emprise croissante de la religion sur la vie quotidienne.

Un paradoxe originel

Paradoxalement, le sionisme, mouvement à l’origine laïc, voire antireligieux, a donné naissance à un État auquel les ultra-orthodoxes avaient fini par imposer l’essentiel de leurs lois. Impossible de comprendre cette évolution sur la longue durée sans revenir aux contradictions originelles du sionisme. 
Dans l’esprit de Theodor Herzl (1860-1904) et de la plupart des penseurs du mouvement à la fin du XIXe siècle, le projet d’État juif répondait à un antisémitisme jugé insurmontable : selon eux, les Juifs demeuraient inassimilables, même en Europe occidentale, où la Révolution française avait provoqué un mouvement d’émancipation qui s’y développait partout. Le sionisme se voulait aussi une réponse aux rabbins, que leur foi avait conduits à accepter passivement des siècles de persécutions.

À propos de l'auteur

Dominique Vidal

Journaliste et historien, spécialiste du conflit israélo-palestinien, coordinateur de l’édition annuelle de l’« État du monde » (avec Bertrand Badie, La Découverte), membre du bureau de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO).

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