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Yémen : la Corne de l’Afrique en première ligne des prédations du Golfe

En Somalie, la coopération des EAU avec le Somaliland — qui a déclaré son indépendance unilatéralement de Mogadiscio en 1991 et avec l’État autonome (non reconnu) du Puntland —, a creusé les divisions internes entre le pouvoir fédéral et les régions. Les rivalités entre les EAU, d’un côté, et le Qatar allié à la Turquie, de l’autre, les ont amenés à soutenir des parties opposées et à agir comme des faiseurs de rois de la scène politique somalienne (10).

Le renouvellement des partenariats entre le Golfe et la Corne, propulsé par la guerre au Yémen, s’est structuré autour des tourments sécuritaires de Riyad et d’Abu Dhabi. Le conflit a favorisé l’exportation des rivalités intra-golfe sur les terrains de la Corne, au bénéfice de l’Arabie saoudite et des EAU qui profitent de l’asymétrie des rapports pour jouer leurs partitions. L’« alignement » des pays africains sur cet axe n’a pourtant rien d’idéologique et répond à des logiques opportunistes des pouvoirs en place, sans effet pacificateur, que ce soit à l’échelle nationale ou régionale. Les tensions persistent et s’échauffent dans certains cas (Soudan/Éthiopie, Érythrée/Djibouti, Tigré/Érythrée). La multiplication des sollicitations, du Golfe mais aussi d’ailleurs (Occident, Chine, Russie, Inde), a augmenté le niveau de compétition et encouragé le télescopage d’alliances réformables, qui, sans garantir un gain de sécurité, complexifie un peu plus la géopolitique de la région.

Notes

(1) Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Bahreïn, Koweït, Qatar, Jordanie, Maroc, Égypte, Soudan.

(2) Economist Intelligence, « UAE deploys mercenaries in Yemen », 30 novembre 2015 (https://​bit​.ly/​3​Q​H​l​xf7).

(3) En référence à la « fuite de Malacca » par la Chine.

(4) Luca Baccarini, « Attaque d’un pétrolier saoudien par des miliciens houthis au large du Yémen : prémices d’un nouveau front sécuritaire ? », IRIS, 12 avril 2018 (https://​bit​.ly/​3​d​O​n​t6X).

(5) Laura Angela Bagnetto, « New Red Sea alliance launched by Saudi Arabia, but excludes key players », RFI, 10 janvier 2020 (https://​bit​.ly/​3​A​c​5​4sc).

(6) En référence à la stratégie du collier de perles chinois qui désigne l’installation de points d’appui par la marine chinoise le long de sa voie d’approvisionnement maritime vers le Moyen-Orient.

(7) Jean-Loup Samaan, « Les Émirats arabes unis en Afrique : les ambitions parfois contrariées d’un nouvel acteur régional », IFRI, 13 septembre 2021 (https://​bit​.ly/​3​p​B​5​uDy).

(8) Elisa Domingues dos Santos, « La Corne de l’Afrique : une déstabilisation à deux échelles », Ramses 2023, IFRI, à paraître.

(9) Fatiha Dazi-Héni et Sonia Le Gouriellec, « La mer Rouge : nouvel espace d’enjeux de sécurité interdépendants entre les États du Golfe et de la Corne de l’Afrique », Note de recherche n°75, IRSEM, 29 avril 2019 (https://​bit​.ly/​3​A​F​4​JQq).

(10) Brendon J. Cannon et Federico Donelli, « Somalia’s Electoral Impasse and the Role of Middle East States », ISPI, 12 mai 2021 (https://​bit​.ly/​3​w​J​2​n0z).

Légende de la photo en première page : Aux alentours de Sanaa, le camp de Dharawan (ici en photo) accueille les habitants qui ont fui leur ville depuis le début de la guerre civile en 2014. Au total, plus de 4 millions de Yéménites, sur une population de 30 millions, ont été déplacés à l’intérieur du pays. Malgré la trêve, la situation humanitaire globale continue de se détériorer ; 17,4 millions de personnes sont dans une situation d’insécurité alimentaire. (© Mohammed Mohammed/Xinhua)

Article paru dans la revue Diplomatie n°117, « Les Balkans : l’autre poudrière de l’Europe ? », Septembre-Octobre 2022.

À propos de l'auteur

Elisa Domingues dos Santos

Jeune chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI). Elle travaille sur les relations entre le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne.

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