Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

Quel espoir pour les femmes iraniennes ?

En l’absence d’une volonté politique, certaines avancées, notamment dans le domaine de l’éducation des femmes, sont susceptibles de reculer. Déjà, du fait de la pauvreté, le nombre de filles scolarisées dans plusieurs provinces pauvres a diminué en raison de la pandémie de Covid, qui a imposé les cours en ligne et l’impossibilité pour les enfants des familles pauvres d’accéder à des tablettes, des ordinateurs ou des téléphones portables. À cela s’ajoute la féminisation de la pauvreté, notamment celle de presque quatre millions de femmes cheffesses de famille.

Les lois et institutions islamiques qui renforcent les inégalités sociales entre les femmes et les hommes sont remises en question précisément parce qu’elles sont en contradiction avec les réalités sociales et les nouveaux comportements sociaux, démographiques, culturels ou politiques, notamment chez les jeunes générations. Les luttes des femmes contre les rapports de pouvoir entre hommes et femmes ont certes affaibli le discours hégémonique, mais elles n’ont pas encore réussi à transformer les institutions et les lois. En outre, ces dernières années, l’État a imposé de nouvelles limites aux activités des groupes organisés, dont les groupes de défense des droits des femmes. Par conséquent, la lutte des femmes a pris la forme d’une action individuelle plutôt que collective (4).

Dans ces circonstances, où les femmes ne peuvent placer aucun espoir dans le gouvernement d’Ebrahim Raïssi, qui incarne le taliban à l’iranienne, et où les sanctions états-uniennes avec effets extraterritoriaux sont en voie d’être levées, l’accentuation des pressions internationales sur le régime islamique d’Iran pour respecter les droits humains et les droits des femmes est plus que jamais urgente. Il ne s’agit pas de victimiser les Iraniennes, agissantes et combatives, mais de desserrer l’étau qui les empêche de s’exprimer, de se réunir et de s’organiser collectivement afin de mieux lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Inégalités qui se trouvent au fondement du régime islamique d’Iran.

Notes

(1) « Critique de Qom à l’encontre de la motion contre la violence faite aux femmes », Radio Zamaneh, 21 février 2022 (https://​www​.radiozamaneh​.com/​5​9​1​583).

(2) « Promulgation de la motion sur la Population et la Promotion de la famille au onzième parlement » rapport du Bureau des études sur l’éducation et la culture de Téhéran, cité dans « Le taux de naissance est le plus bas depuis une décennie », Radio Zamaneh, 1er juillet 2020 (www​.radiozamaneh​.com/​5​1​5​610).

(3) « Le mariage précoce a augmenté de dix pourcents en Iran », Radio Zamaneh, 19 août 2021 (https://​www​.radiozamaneh​.com/​6​8​2​222).

(4) Azadeh Kian, « Individualization and the Emergence of Personalized Politics in Post-Revolutionary Iran », Iran Namag, A Quarterly of Iranian Studies, volume 6, no 4, hiver 2021, p. 58-77.

Légende de la photo en première page : Place Naqsh-e Jahan, à Ispahan, Iran. Le gouvernement a proclamé le 12 juillet 2022 comme le « jour du hijab et de la chasteté ». En réaction et en signe de protestation contre la répression accrue quant au « mauvais port » ou au « hijab inapproprié », des collectifs lancent la campagne #No2Hijab sur les réseaux sociaux et appellent les femmes à retirer leur foulard dans l’espace public. (© Shutterstock)

Article paru dans la revue Les Grands Dossiers de Diplomatie n°69, « Où va l’Iran ? », Août-Septembre 2022.

À propos de l'auteur

Azadeh Kian

Professeure de sociologie, directrice du Centre d’enseignement, de documentation et de recherches pour les études féministes (CEDREF), Université de Paris.

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