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Retour à la haute intensité des armées françaises. Les conséquences de la guerre en Ukraine

D’un point de vue plus français, la question du maintien d’un modèle d’armée échantillonnaire se posera de manière de plus en plus aiguë pour les armées françaises alors que la hausse des coûts d’acquisition et d’usage des systèmes modernes devrait se poursuivre. Abandonner certaines capacités afin de s’assurer d’un niveau de maîtrise satisfaisant sur d’autres, impliquant une plus grande intégration des forces françaises dans le dispositif euro-atlantique, semble être une piste pertinente bien que la conséquence soit une forme de renoncement à un particularisme hexagonal de plus en plus difficile à tenir. Maintenir le format actuel semble difficilement conciliable, à budget égal, avec le retour à la haute intensité, nécessitant de trouver un nouvel équilibre entre quantité et qualité au sein des forces. Identifier les capacités à conserver et celles qui pourraient être laissées aux alliés reste un exercice particulièrement ardu, bien qu’il semble, à moyen terme, virtuellement inévitable sans un important développement budgétaire.

Conclusion

En mettant les réalités de la haute intensité au premier plan médiatique, le conflit ukrainien ouvre une fenêtre d’opportunité pour des mesures radicales destinées à réduire les vulnérabilités identifiées plus haut, en faisant de la remontée en puissance des forces françaises un objet d’opinion. Toutefois, cette fenêtre pourrait s’avérer particulièrement courte : puisqu’une guerre contre la Russie était la principale perspective d’engagement majeur en haute intensité pour les armées françaises, une défaite russe, voire un statu quo actant une forme de déclassement de Moscou, amoindrirait le sentiment d’urgence au point d’inhiber les efforts nécessaires à la préparation d’un retour à la haute intensité. Or, comme l’écrivait Vincent Tourret dans ces pages, retour de la puissance russe en Europe et retour à la haute intensité sont deux dynamiques différentes, de même que la haute intensité peut concerner d’autres acteurs que les seuls États-­nations. Le conflit ukrainien montre l’importance de réadapter l’outil militaire français à un cadre d’emploi spécifique, qui dépasse la seule menace russe. Ce constat ramène l’ensemble de la réflexion sur la haute intensité à la dualité entre planification basée sur la menace et planification basée sur des capacités, un antagonisme plus que centenaire. L. P.-P.

Notes

(1https://​twitter​.com/​j​m​k​o​r​h​o​n​e​n​/​s​t​a​t​u​s​/​1​5​2​3​5​8​2​4​5​7​4​3​7​8​8​0​321

(2https://​www​.bbc​.com/​n​e​w​s​/​w​o​r​l​d​-​e​u​r​o​p​e​-​6​1​7​4​2​736

(3) Conrad Crane, « Too Fragile to Fight : Could the US Military Withstand a War of Attrition ? », https://​warontherocks​.com, 9 mai 2022.

Légende de la photo en première page : Les volumes de feux engagés en Ukraine, notamment pour les missiles antichars, posent la question de l’adaptation des stocks. (© MBDA)

Article paru dans la revue DSI hors-série n°85, « Guerre de haute intensité », Août-Septembre 2022.
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