Par décret du 5 avril 2016, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, crée la Garde nationale de Russie (ou Rosgvardia) et la subordonne directement à son autorité. Cette garde nationale ne s’est pas construite en une seule nuit, mais est le fruit de l’amalgame de certaines unités du ministère de l’Intérieur russe (le MVD), elles-mêmes issues d’une longue histoire russo-soviétique. Parfois comparée à la Gendarmerie nationale française, la Rosgvardia en diffère considérablement par ses missions et sa composition. « Nouveau » corps répressif entre les mains du président russe, elle n’en est pas le seul rempart.
Une histoire déjà ancienne
Depuis les origines de l’Empire russe, des troupes spécialisées ont été utilisées pour assurer la sécurité intérieure. Cela a commencé avec le corps des « Streltsy » (1550-1705), arquebusiers à cheval décimés en 1698 par Pierre le Grand après qu’il eurent tenté de le renverser. Ils sont remplacés, à partir de 1705, par les Troupes de garnison (1705-1811), partie de l’armée russe chargée des missions de police. Avec les guerres napoléoniennes, leur succède le Corps de la Garde intérieure (1811-1864), fort de 145 000 hommes en 1853.
En 1864, une nouvelle réorganisation le transforme en Troupes locales (1864-1917), au sein desquelles est créée en 1886 la Garde de convois, chargée de l’escorte des prisonniers, sous le contrôle de l’administration pénitentiaire. Avec la prise du pouvoir par les bolchéviques en novembre 1917, les anciens organes de police se sont effondrés. Au niveau local, la police est remplacée par la Milice. Dans un premier temps, les Gardes rouges du parti bolchévique, créés en octobre 1917, vont remplacer les Troupes locales, jusqu’à leur intégration dans l’Armée rouge en juin 1918.
Le 20 décembre 1917, Félix Edmundovich Dzerjinski crée la Tchéka, la police politique du régime soviétique, et la dote de son premier détachement armé. D’autres détachements sont ensuite constitués, notamment en province. Le 31 mars 1918, tous ces détachements armés sont unifiés en un seul, le Détachement de combat de la VCheka, d’environ 900 hommes. À la mi-juin 1918, il est décidé d’unifier tous les détachements armés des Cheka de province et du centre dans un unique Corps spécial des troupes de la VCheka pour défendre le pouvoir soviétique contre ses ennemis de l’intérieur, fort de 35 000 hommes à la fin de juillet 1918.
Parallèlement, le Parti communiste crée le 27 novembre 1918 des « détachements communistes spéciaux » (1) (TchON : Tchasti Ossobogo Naznacheniya). Fin 1919, ils comptent environ 30 500 hommes. Après la défaite des armées blanches, une décision datée du 21 mars 1921 intègre les TchON aux milices de l’Armée rouge. Une nouvelle réforme entraînera la dissolution des TchON en 1925. Le 28 mai 1919 sont créées les Troupes de Sécurité intérieure (VOKhR : Voisk vnutrennei okhrany), qui absorbent le Corps spécial des troupes de la VCheka, ainsi que différents corps militaires créés par les divers commissariats du peuple et les placent sous l’autorité de Félix Dzerjinski, commissaire du peuple aux Affaires intérieures et président de la VCheka. Les VOKhR rassemblent 125 000 hommes en 1920.
Le 1er septembre 1920, sont créées les Troupes de service intérieur (VNUS : Voisk vnutrennei sluzhbi), qui intègrent les troupes des VOKhR et diverses forces qui avaient échappé à la précédente réforme. Elles vont comprendre jusqu’à 17 divisions et 14 brigades. Avec la fin de la guerre civile, le gouvernement soviétique réduit fortement ses forces paramilitaires. Le 19 janvier 1921, les VNUS sont dissoutes et la majorité de leurs effectifs sont transférés à l’Armée rouge. Toutefois, un décret du 19 janvier 1921 crée les Troupes de la VCheka (Voisk VCheka), fortes de 137 000 hommes à l’été 1921. Le 6 février 1922, la Cheka est remplacée par l’Administration politique de l’État (GPU). Avec la paix, les troupes de la GPU passent de 126 000 hommes fin 1921 à 13 000 hommes fin 1924.
Le 10 juillet 1934, le Comité exécutif central de l’URSS crée un nouveau Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD). Les troupes de l’OGPU (Direction politique d’État unifiée) sont divisées en troupes de gardes-frontières et en troupes de sécurité intérieure du NKVD. Le 1er septembre 1939, une loi intègre les troupes du NKVD au sein des forces armées de l’URSS. Au 22 juin 1941, l’ensemble des troupes du NKVD représentait environ 363 500 hommes, dont 167 000 pour les gardes-frontières, 65 000 pour les unités opérationnelles des troupes intérieures, 38 000 pour les troupes d’escorte et 93 000 pour les différentes troupes de protection des infrastructures.