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La Garde nationale de Russie [Rosgvardia] : dernier rempart de Vladimir Poutine

Dès le déclenchement de l’invasion de l’URSS par les Allemands à l’été 1941 (opération « Barbarossa »), les troupes du NKVD vont participer simultanément à la défense du pays sur le front (110 000 hommes sont transférés à l’Armée rouge), à la garde des infrastructures et à la poursuite de la répression intérieure. En particulier, les troupes du NKVD (parfois appuyées par l’Armée rouge) ont été utilisées pour déplacer en masse, des régions occidentales et centrales de l’URSS vers les régions orientales, des personnes considérées comme des complices de l’ennemi : Allemands (450 000 en 1941), Grecs pontiques (15 000 entre 1942 et 1949), Tchétchènes et Ingouches (496 000 en 1944), Turcs meskhètes (115 000 en 1944), Tatars de Crimée (183 000 en 1944). À la mort de Staline (1953), le NKVD est dissous et ses troupes sont divisées entre :

• le KGB (police politique et renseignement) : gardes-frontières ;

• le MVD (ministère de l’Intérieur) : troupes intérieures.

En 1966, afin d’aider la police dans les cas d’urgence et de lutter contre les émeutes, des unités spéciales de police motorisées (SMChM) sont créées au sein des troupes intérieures. Avec l’effondrement de l’URSS, les troupes intérieures (fortes de 360 000 hommes en 1989) interviendront sur tous les points chauds (Caucase, pays baltes…). Une fois l’URSS disparue, chacune des anciennes républiques soviétiques récupère le contrôle des troupes intérieures présentes sur son territoire.

En Russie, les troupes intérieures (VV) restent subordonnées au ministère des Affaires intérieures (MVD). Elles continuent leurs missions et participent aux deux guerres de Tchétchénie (1994-1996 et 1999-2009). En 1997, elles comprenaient 257 000 hommes, dont 100 000 pour les unités d’escorte et de convois, 167 000 pour les unités de garde statique et 80 000 pour les unités opérationnelles (Opnaz) et les forces spéciales (Spetsnaz) (2). En 1999, les unités d’escorte et de convois sont dissoutes, leurs missions étant reprises par le Service pénitentiaire fédéral, créé en 1994.
En signant le décret no 157 du 5 avril 2016, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, crée la Garde nationale de Russie (ou Rosgvardia, RSGV) et la subordonne directement à son autorité. Cette nouvelle entité est formée en regroupant différents corps du MVD :

• les Troupes intérieures (VV MVD, environ 170 000 hommes) ;

• les Détachements mobiles à vocation particulière (OMON, environ 40 000 hommes), police anti-émeute, l’équivalent des CRS ou de la gendarmerie mobile ;

• les Unités spéciales de réaction rapide (SOBR, environ 5 200 hommes), unités d’intervention spéciale, l’équivalent des brigades de recherche et d’intervention de la PJ française ;

• les services du MVD chargés du contrôle des armes à feu et des entreprises de sécurité privées ;

• la société de sécurité d’État FSUE Okhrana (environ 110 000 employés).

La peur des « révolutions de couleur » (3)

Avant de décrire la Rosgvardia, il est nécessaire de préciser les raisons qui ont motivé sa création. La Russie se considère comme l’héritière de l’Empire byzantin et des valeurs chrétiennes orthodoxes. Sa pensée stratégique a des influences byzantines (en particulier le Strategikon de l’empereur Maurice) et mongoles, structurées par la doctrine militaire soviétique. Elle est, bien entendu, fortement influencée par la situation géopolitique et l’histoire.

Ainsi, la Russie a subi plusieurs invasions qui l’ont fortement marquée : hordes mongoles à l’est (XIIIe siècle), Polonais et Suédois (1558-1583) à l’ouest, Grande Armée napoléonienne en 1811-1812, puissances occidentales pendant la guerre civile (1917-1921), Pologne en 1920, Allemagne nazie en 1941‑1945.

Par ailleurs, les élites russes sont traumatisées par la disparition de l’URSS. La Russie se considère comme « encerclée », par l’océan Arctique au nord, par la Chine au sud-est et par l’Europe occidentale (Union européenne et OTAN) et les États-Unis à l’ouest. Ce sentiment est d’autant plus fort qu’à l’ouest la Russie a perdu son « glacis » de protection constitué par les ex-États satellites d’Europe de l’Est et les ex-républiques soviétiques. De plus, l’UE et l’OTAN se sont étendues vers l’est jusqu’à ses frontières.

La Russie se sent également comme une puissance en déclin : sa population, relativement importante (147 millions d’habitants), est en baisse en raison d’une natalité insuffisante et ne fait pas le poids face à ses grands concurrents (Europe, États-Unis, Chine). Son PIB (1 610 milliards de dollars en 2019), l’équivalent de celui du Canada, fait qu’elle est distancée dans la compétition économique internationale. Son économie n’est pas assez diversifiée et trop dépendante des exportations de matières premières et d’armes.

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