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Comment adapter son outil militaire durant un conflit. L’exemple de la guerre des Malouines

L’analyse des outils militaires sous le prisme du cycle DORESE (1) permet une étude exhaustive de l’adaptation de ceux-ci par les deux belligérants. Présentée de façon chronologique, elle met en exergue le rôle crucial du facteur humain, celui fondamental de la logistique et ceux primordiaux des équipements et de l’entraînement, ce dernier aspect n’étant pas forcément allé jusqu’au bout du processus escompté, et ce dans chacun des camps. Les autorités britanniques ont réalisé tardivement qu’elles feraient face à une véritable stratégie du « fait accompli » qui se traduirait par une offensive sans préavis. En raison de la distance considérable qui le sépare de ses possessions, et de l’état de ses forces armées à l’époque, le Royaume-Uni n’avait d’autre choix que de réaliser un véritable tour de force en matière d’adaptation, lequel sera finalement au rendez-vous.

Le 6 mars 1982, le plan d’invasion des îles Malouines planifié par les armées argentines est approuvé, l’accent étant mis sur la surprise stratégique, clé de voûte de l’opération. Le 19 mars, les Britanniques soupçonnent l’armée de l’air argentine (Fuerza Aérea Argentina – FAA) d’avoir effectué des missions de reconnaissance aérienne lors des quatre derniers jours, notamment au-­dessus de Port Stanley, provoquant l’inquiétude du gouverneur des îles. Le 27 mars, des renseignements américains et britanniques confirment l’activité inhabituelle de la marine argentine et concluent à l’imminence d’une action d’envergure. Le 28 mars voit la clôture officielle des manœuvres de la marine argentine et, dès le lendemain, 14 navires embarquant 4 500 fusiliers marins quittent Puerto Belgrano pour participer à des manœuvres navales conjointes avec la marine uruguayenne. Il s’agit en fait d’un leurre avec la complicité tacite des Uruguayens.

« Corporate »

Le 31 mars 1982, les Britanniques reçoivent de la part des services de renseignement américains la confirmation du plan d’invasion argentin. Dans la soirée, le Premier ministre, Margaret Thatcher, préside une réunion de crise au cours de laquelle est décidée la mise sur pied d’une force expéditionnaire (Task force – TF) de reconquête devant appareiller sous quatre jours. L’opération, nommée « Corporate », est constituée de trois composantes :

• tout d’abord, une composante navale de 36 navires de guerre (dont deux porte-aéronefs), cinq sous-­marins nucléaires et un conventionnel, totalisant 220 000 t, ainsi que 68 navires de transport et de soutien logistique (dont trois paquebots réquisitionnés) totalisant 980 000 t ;

• ensuite, une composante aérienne de 43 avions de combat, 165 hélicoptères, 60 avions de transport mobilisés pour le pont aérien à destination de l’île britannique de l’Ascension et 36 avions à long rayon d’action basés sur cette même île ;

• enfin, une composante terrestre comprenant la 3e brigade commando, la 5e brigade d’infanterie et des forces spéciales réunissant 9 000 combattants professionnels, huit blindés légers et 24 pièces d’artillerie lourde.

L’opération étant essentiellement dirigée par la marine, le commandement de la TF est confié à un amiral. Le général ayant la responsabilité de la composante terrestre appartenant au corps des Royal Marines dépend de ce fait directement de la Royal Navy. Les unités de la Royal Air Force (RAF) intégrées au sein du corps expéditionnaire passent sous contrôle opérationnel de la marine. La même option est également retenue pour les quelques unités de l’Army engagées dans l’opération.

La préparation du corps expéditionnaire dans des délais si contraints n’est permise que par la grande flexibilité du système britannique et par une étroite collaboration entre les forces armées, la marine marchande, les ports, les arsenaux et les organismes de transport dépendant des ministères de la Défense et de l’Industrie.

L’opération « Corporate » est en effet rendue possible par la mise en œuvre d’une gigantesque manœuvre logistique qui représente le plus grand défi depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Le déploiement des forces britanniques à 14 600 km nécessite la réquisition d’une cinquantaine de navires commerciaux et la mobilisation des ports et arsenaux qui acceptent de travailler 24 heures sur 24 pour entretenir et ravitailler quotidiennement hommes et matériels. Cependant, l’institution militaire et la société civile sont parfaitement conscientes que cet effort colossal ne peut être prolongé indéfiniment.

plus des forces, la flotte logistique convoie 100 000 t de fret et 400 000 t de carburant via la base aéroportuaire de Dakar mise à disposition par la France et où 40 % de la logistique transite, et via Freetown (Sierra Leone), pour atteindre l’île de l’Ascension.

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