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Comment adapter son outil militaire durant un conflit. L’exemple de la guerre des Malouines

La Royal Fleet Auxiliary (RFA) regroupe une centaine de bâtiments de soutien, dont 60 civils, qui œuvrent au profit de la Royal Navy. Sa flotte est composée de navires-­ateliers et de bâtiments logistiques, habituellement loués à des courtiers civils, et pouvant être mobilisés en période de conflit (2). Stationnée en Géorgie du Sud, elle est chargée de la logistique en carburant, munitions, pièces détachées à destination des navires, hélicoptères et avions, ainsi que des vivres. La RFA dépend du Ministry of Defense (MoD), et ses 2 300 membres d’équipage sont en majorité des civils chinois encadrés par des marins de la Royal Navy. Suivant le même principe de fonctionnement, le Royal Maritime Auxiliary Service (RMAS) regroupe tous les navires de servitude de la Royal Navy, à savoir les remorqueurs, dont ceux de haute mer, les navires hydrographiques et les câbliers.

La zone de soutien logistique de réparation et de remorquage (3) regroupe les remorqueurs de haute mer, les pétroliers et les navires-­ateliers au profit des bâtiments de la TF. Elle est située à 370 km au large des Malouines, soit en dehors du rayon d’action des chasseurs argentins, mais suffisamment près du théâtre d’opérations. Cette zone est reliée à l’île de l’Ascension par une chaîne de pétroliers ravitailleurs remplissant la fonction de stations-service flottantes sur 6 200 km.

Le 1er avril 1982, les troupes terrestres britanniques sont mises en alerte en fin de journée. La première mission de la RAF est d’acheminer en urgence du matériel sur la base avancée de l’île de l’Ascension. En moins de 100 jours, elle va effectuer plus de 600 rotations avec les avions de transport et de ravitaillement en vol, qui permettent d’acheminer plus de 6 000 t de fret et 5 000 passagers sur plus de 13 000 km. La flotte de ravitailleurs en vol comprend 25 anciens bombardiers modifiés, six Vulcan K2 et 19 Victor K2, lesquels connaissent des difficultés de maintenance et donc de disponibilité, ainsi que quatre avions de transport C‑130 CK1 Hercules tout juste reconfigurés. À partir du 15 avril, sept C‑130 Hercules sont équipés d’une perche de ravitaillement et de projecteurs afin de permettre le ravitaillement de nuit au-­dessus de l’Atlantique. Le problème qui se pose est de permettre au quadriréacteur Victor, dont la vitesse minimale est de 425 km/h, de pouvoir ravitailler le C‑130 Hercules à turbopropulseurs dont la vitesse maximale à pleine charge est de 390 km/h. Les aviateurs vont innover avec la technique du ravitaillement en toboggan, c’est-à‑dire en procédant au ravitaillement en descente, permettant au C‑130 Hercules d’atteindre la vitesse compatible avec celle du ravitailleur pendant 20 minutes. Au départ de l’île de l’Ascension, les transporteurs C‑130 peuvent alors effectuer des missions de largage de ravitaillement des troupes au sol jusqu’aux Malouines, mais en n’emportant que 25 % de leur charge utile.

L’opération argentine « Rosario » débute le 2 avril, laquelle engendre des négociations tous azimuts pour se procurer entre autres des missiles Exocet, accélérer la livraison de neuf chasseurs Super-Étendard et acquérir des avions de patrouille maritime Orion. En vain.

En France, le président François Mitterrand gèle immédiatement toutes les livraisons d’armements à destination de l’Argentine, soit neuf chasseurs Super-Étendard, dix missiles antinavires Exocet et plusieurs batteries de missiles antiaériens Roland. Les services secrets français coopèrent pleinement avec leurs homologues britanniques, mettant sur écoute les officiers argentins envoyés en France pour acquérir de nouveaux missiles Exocet. Le soutien français au Royaume-Uni est avant tout dicté par des considérations pragmatiques et géopolitiques, car, tout comme Londres, Paris craint qu’une défaite britannique n’encourage l’Union soviétique à pousser ses pays satellites dans des actions agressives visant certains de ses territoires d’outre-mer ou États avec lesquels il a conclu des accords de défense.

L’adaptation des Argentins

Concernant les équipements argentins, la FAA aligne 130 appareils de combat au début du conflit, lesquels effectuent 700 sorties, avec un taux d’attrition des missions offensives de l’ordre de 8 %. Sur 17 intercepteurs Mirage III EA, 12 sont opérationnels. Ils sont équipés du radar Cyrano II bis, une version dégradée du radar Doppler équipant les Mirage III E français, d’une portée maximum de 25 nautiques. Seule une patrouille de quatre est intervenue le 1er mai sur une unique mission d’assaut air-­surface avec des bombes de 450 kg et des canons. À l’issue de ces passes de tir sans réels dommages sur l’escadre britannique, deux Sea Harrier les engagent. En théorie, les intercepteurs d’origine française sont largement supérieurs aux chasseurs embarqués STOVL/VTOL (4) britanniques. Cependant, trois facteurs changent cette donne.

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