Magazine DSI

Comment adapter son outil militaire durant un conflit. L’exemple de la guerre des Malouines

Au dernier acte de la bataille terrestre, la reconquête de Port Stanley, les Argentins sont certes solidement retranchés, mais leurs conditions de vie restent précaires, tandis que les Britanniques ont l’initiative et un moral bien meilleur. Le commandement argentin porte trop peu d’attention au moral de son personnel, alors que celui britannique tient compte de ce facteur, lequel explique partiellement l’issue de ce conflit. Certes, le choix d’une armée de métier bien entraînée est judicieux, mais si les soldats britanniques refoulent inexorablement les défenseurs dans leurs derniers retranchements, c’est principalement dû à leur motivation, à leur esprit d’équipe et à leur sens de la discipline. Parallèlement, la chaîne sanitaire argentine ne dispose que de moyens vétustes et peu nombreux, avec une organisation très déficiente. Quant aux blessés britanniques, ils sont presque tous soignés en moins de six heures, et plus de 90 % survivent.

Le matin du 14 juin, toutes les hauteurs entourant Port Stanley sont sous contrôle britannique, les troupes argentines se retrouvant encerclées dos à la mer. Celles-ci fuient en désordre, laissant derrière elles armes et paquetages, tandis que les 38 pièces d’artillerie et les 46 blindés légers sont abandonnés sans même être détruits par leurs servants et équipages.

L’adaptation post-conflit

À l’issue de ce conflit, la première adaptation britannique se fera au niveau stratégique. En effet, les officiers généraux affectés au quartier général de Northwood se plaignent des nombreuses décisions du Premier ministre britannique qui interfèrent de façon intempestive dans la conduite des opérations. Pour éviter que de tels désagréments ne se reproduisent, deux nouvelles structures sont créées, l’une permettant au Premier ministre de gérer les aspects politiques d’une crise depuis le siège du gouvernement, l’autre offrant aux stratèges militaires la capacité de gestion d’opérations militaires depuis Northwood.

La palme de l’adaptation de l’outil militaire revient donc quasi exclusivement au Royaume-Uni, illustrant le rôle fondamental du soutien au profit des 110 navires, 9 000 hommes et 200 aéronefs projetés à 14 000 km de là. Le partenariat établi avec la France permet également un entraînement minimal face aux systèmes d’armes adverses redoutés et mis sous embargo. Mais surtout, le véritable tour de force est en provenance des troupes qui, privées d’hélicoptères lourds, doivent pour la plupart traverser l’île à pied dans des conditions climatiques semblables à celles précédemment rencontrées lors d’entraînements en Écosse et en Norvège. L’adaptation du combattant reste donc bien le facteur premier.

Notes

(1) Doctrine, organisation, ressources humaines, équipements, soutien et entraînement (auquel sera ajouté l’aspect du partenariat).

(2) Ship taken up from trade (STUFT), désignation attribuée aux navires civils britanniques réquisitionnés pour un usage gouvernemental, en particulier en temps de guerre. En France, une procédure similaire est définie par le Code de la défense concernant le transport maritime d’intérêt national (TRAMIN).

(3) Towing, repair and logistics area (TRALA).

(4) Short take off vertical landing (STOVL) : décollage court et atterrissage vertical ; Vertical take off and landing (VTOL) : décollage et atterrissage verticaux.

(5) Capacité de détection du radar vers le bas, associée au tir de missile vers le vas « shoot-down ».

Légende de la photo en première page : Les troupes britanniques à Port Stanley, au terme de la guerre. (© Crown Copyright) 

Article paru dans la revue DSI n°159, « Ukraine : bataille dans le ciel », Mai-Juin 2022.
0
Votre panier