Magazine Moyen-Orient

Dubaï, rencontre avec une ville mondiale d’un nouveau type

La pandémie a aussi été l’occasion pour les Émirats arabes unis de renforcer leur ouverture au monde : ils ont assoupli certaines lois afin de faciliter la vie des résidents étrangers et de rendre Dubaï plus attractive dans la compétition des villes mondiales. La consommation d’alcool a été dépénalisée et, pour les étrangers, la détention d’une licence spécifique n’est plus une nécessité. La cohabitation de personnes non mariées a été autorisée, tout comme la création et la détention d’entreprises à 100 % par des capitaux étrangers. Dubaï, en instaurant le district créatif d’Al-Quoz, cherche à renforcer son image de « ville créative ». Elle multiplie les dispositions pour attirer des talents capables de faire d’elle une capitale mondiale de l’innovation. La crise semble même avoir produit un changement de paradigme, puisque a été annoncée l’ouverture de la nationalité à certaines catégories d’étrangers (investisseurs, médecins, scientifiques, artistes). L’effet d’annonce vise à attirer ou à retenir des personnes très qualifiées, contribuant à la prospérité du pays. Pour autant, dans les faits, le changement risque de ne pas être si radical : la naturalisation sera réservée à une poignée d’élus, à la discrétion des familles régnantes et de l’exécutif.

Dubaï est parfois fustigée par des intellectuels comme l’archétype de la ville artificielle produite par un capitalisme ultralibéral, pâle imitation de la modernité occidentale. Elle incarnerait la « non-ville » par excellence. Ne faudrait-il pas voir plutôt en Dubaï le paradigme d’un nouveau modèle urbain, une cité qui nous amène à penser la condition urbaine contemporaine ? C’est ce qu’on pourrait appeler le « devenir Dubaï » du monde. Parce que la métropole incarne une nouvelle formulation urbaine de la mondialisation et du cosmopolitisme, avec toutes ses contradictions, ses logiques concomitantes d’inclusion et d’exclusion, certes loin de sa dimension normative originelle, mais éclairante pour comprendre les logiques actuelles et futures d’un nouvel ordre urbain mondial, qui n’est plus dominé par l’Occident.

Crédits de la photo en première page : © Shutterstock/shutterlk

Article paru dans la revue Moyen-Orient n°53, « Pétrole : géopolitique de la rente », Janvier-Mars 2022.

À propos de l'auteur

Delphine Pagès-El Karoui

Professeure de géographie au département d’études arabes de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)
et membre du Centre d'études et de recherche Moyen-Orient Méditerranée (CERMOM).

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