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Déni d’accès en Méditerranée orientale : l’un des thermomètres des relations OTAN/Russie

Entrée en jeu de l’aéronavale russe, comme mise en garde ostensible

Deux attaques majeures sont menées par la coalition occidentale, en réaction à l’emploi d’armes chimiques en Syrie. La première est observée le 7 avril 2017, lorsque deux destroyers de l’US Navy lancent 59 missiles Tomahawk. Leur cible est la base de Chayrat, plate-­forme de l’aviation syrienne pour ses opérations sur la région insurgée d’Idlib. De source russe, la batterie sol-air syrienne 2K12 Kub (SA-6) en protection n’a rien pu détecter avant d’être détruite. Au bilan, 10 avions de combat du régime sont hors de combat. Une deuxième série de frappes, l’opération « Hamilton », est lancée dans la nuit du 13 avril 2018. Cette fois, 105 missiles de croisière britanniques, français et américains sont lancés. Leurs cibles sont trois sites liés aux programmes chimiques, qui sont aussi détruits. Par les moyens qu’elles engagent, ces attaques constituent un avertissement pour la Russie, ainsi qu’un test capacitaire pour la coalition.

L’attaque de Chayrat révèle à la Russie l’inadaptation de son dispositif de déni d’accès. La batterie de S-400 de Lattaquié constitue l’unique système capable d’intercepter des missiles de croisière à mi-­course (7). Un avion d’alerte avancée A-50U rejoint la Syrie juste après les frappes de Chayrat. Cet appareil doit épauler les Sukhoï s’il leur faut intercepter des missiles adverses. L’ajout d’une seconde batterie de S-400 à Massyaf, en juin 2017, en remplacement de l’inadapté S-300VM (8), permet ensuite de couvrir le sud du littoral (voir carte ci-dessous). La menace promet de croître puisque la Marine nationale française gagne une capacité de frappe contre terre, en 2017, avec l’entrée en service du missile de croisière naval (MdCN). Pour la Russie, il reste l’option de gêner les frappes, d’abord par le déploiement de systèmes de brouillage GPS, qui réduisent la précision des missiles assaillants (9). Une autre solution, plus volontariste, est de menacer les vecteurs adverses de missiles.

Deux exercices aéronavals en 2018, en deçà des besoins

La Russie doit engager des moyens performants et crédibles face à ses compétiteurs. Ses ambitions sont d’abord modestes. Le dispositif antinavire, réduit à un système côtier Bastion (10), se renforce. Jusqu’ici à l’ombre des missions des VKS, l’aéronavale russe entre dans le champ des projecteurs, avec des missions inédites pour elle.

Avril 2018 : montrer la capacité antinavire en Syrie

Alors que l’offensive du régime sur la poche insurgée de la Ghouta bat son plein, la Russie ressent le risque de frappes occidentales. Six chasseurs multirôles Su-30SM de l’aéronavale, spécialisés dans la frappe antinavire, sont à Lattaquié début avril 2018. Placés à la vue des satellites, ils ont une livrée grise unie connue des analystes militaires, qui les distingue des Su-30SM des VKS, camouflés de vaguelettes bleues et destinés à la chasse. Deux Il-38 de patrouille maritime sont aussi déployés pour la capacité anti-­sous-­marine et d’autres patrouilleurs, des Tu-142MK (11), font des allers-­retours sans escale de Russie jusqu’en MEDOR, soit 14 h de vol. Le message se veut clair : la Russie engage des moyens substantiels pour protéger le littoral syrien. Afin de le souligner davantage, des Sukhoi s’approchent des bâtiments occidentaux, avec de l’armement antinavire. Le dispositif reste symbolique et ne dissuade pas l’arrivée des bâtiments occidentaux pour « Hamilton ». Ces derniers lancent leurs missiles depuis le sud de Chypre, le 13 avril 2018.

Septembre 2018, premier pas vers un travail aéromaritime russe en MEDOR

L’aéronavale, déployée en Syrie pendant la période « Hamilton », se retire en Russie le 28 juin 2018. Elle revient le 25 août, avec huit chasseurs multirôles Su-30SM, quatre chasseurs embarqués Su-33 et deux Il-38. À la différence de mars, une composante de surface arrive également, avec le croiseur Ustinov – dont les senseurs viennent d’être modernisés –, la frégate Yaroslav Mudry et le destroyer Severomorsk. Sous couvert d’exercices, ces bâtiments complètent le dispositif aérien face aux menaces navales, alors qu’une offensive contre la région d’Idlib débute le 3 septembre. La séquence s’interrompt le 17 septembre, après la destruction d’un avion de recueil Il-20 des VKS, par un système sol-air syrien de S-200/SA-5. Le quadrimoteur russe a été confondu avec des F-16 israéliens, qui venaient de lancer des missiles près des côtes. Pour sa part, la Russie croit d’abord que les munitions israéliennes, qui visent des positions syriennes, sont lancées par la frégate française Auvergne, également sur zone. Cette suite d’évènements souligne que la fusion des données entre les IADS russe et syrien n’est pas au point, de même que le dispositif de détection russe.

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