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Économie de défense. Les sanctions économiques, l’autre arme des relations internationales

Pour qu’une échelle de gains et de pertes puisse être calculée par les différentes parties, il est aussi important de cibler un domaine limité, clairement défini et offrant un fort effet de levier. La plupart des sanctions échouent parce qu’elles restent vagues ou trop larges. Mieux vaut qu’elles ne soient décidées que par un petit nombre de pays, mais qui pèsent face à l’État sanctionné (notamment en raison d’une interdépendance forte) et capables de frapper vite et fort.

La temporalité des sanctions joue aussi. Plus elles durent, moins elles sont efficaces. Les acteurs ciblés vont chercher à les contourner (avec l’aide parfois de tierces parties qui ne « jouent pas le jeu », car contourner les sanctions peut être très rentable), voire à s’adapter pour ne plus en subir les effets. Depuis l’annexion de la Crimée en 2014, la Russie a réussi à remplacer une partie importante des importations sous sanction soit en trouvant de nouveaux fournisseurs, soit en développant ces activités sur son territoire. Une fois cette adaptation achevée, les sanctions perdent leur efficacité potentielle et donc leur crédibilité. De ce fait, une montée en intensité des sanctions risque d’être en réalité une stratégie contre-productive.

Enfin, les sanctions sont d’autant plus efficaces que les entreprises et la société du pays ciblé pourront réagir. Dans un régime dictatorial, le pouvoir musellera les réactions de protestation (la Corée du Nord, par exemple) ou pourra même profiter des stratégies de contournement pour renforcer son pouvoir politique ou financier (les Pasdaran en Iran).

Pour obtenir le résultat recherché, une sanction est utile, mais pas suffisante, car une sanction prise isolément a un impact limité. En moyenne, une combinaison de trois ou, mieux, quatre types de sanctions est nécessaire pour obtenir un effet significatif. Régulièrement, l’ONU impose en même temps un embargo sur les armes, des interdictions de voyager et un gel d’actifs. Cependant, il est bien souvent nécessaire d’associer aussi d’autres mesures de coercition : menace de l’usage de la force, intervention militaire, procédures judiciaires, opérations militaires clandestines…

Les sanctions sont une arme utile quand elles sont bien définies et couplées avec d’autres outils, notamment de coercition plus directe. Leur efficacité doit enfin être évaluée à l’aune des multiples objectifs recherchés : démonstration de la volonté tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays, expression d’une réprobation, volonté de punir, envoi de signaux pour prévenir la répétition de mauvais comportements… Les sanctions s’inscrivent donc bien dans un calcul économique et politique participant de la dialectique des volontés. 

<strong>Sanctions en application</strong>
<strong>Coût économique</strong>
<strong>Durée et efficacité</strong>

Note

(1) Gary Hufbauer, Jeffrey Schott, Kimberly Elliott et Barbara Oegg, Economic sanctions reconsidered, 3e éd., Peterson Institute for International Economics, Washington, 2007.

Légende de la photo en première page : Déploiement d’un Iskander-K (SSC-7). Les sanctions sur la Russie, dès 2014, ont impliqué des ruptures d’approvisionnement dans les composants des systèmes avancés. (© Vectorkel/Shutterstock) 

Article paru dans la revue DSI n°160, « Char T-64 : le glaive de l’Ukraine », Juillet-Août 2022.
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