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Face à une guerre totale, quels partenaires pour l’Ukraine ?

Au-delà de ses efforts menant à former de nombreuses alliances géographiques, Kyiv continue à développer ses initiatives diplomatiques existantes, telles que la plateforme pour la Crimée, dont la seconde édition s’est tenue, en ligne, le 23 août 2022 (8). Le sommet a surpassé le sommet inaugural de 2021, tant par le nombre de ses participants que par leur niveau et leur représentation géographique (60 délégations ont participé à l’événement contre 45 en 2021).

Soutien financier international à l’Ukraine

Entre février et septembre 2022, les partenaires internationaux ont fourni à l’Ukraine 17,5 milliards de dollars. Selon le ministre des Finances Sergiy Marchenko, l’Ukraine aurait besoin de 5 milliards de dollars par mois afin assurer un bon fonctionnement économique, ce qui est loin du niveau actuel. Si le principal soutien financier demeure les États-Unis (9), le soutien international a connu un plus haut en août dernier avec près de 4,6 milliards de dollars, comprenant des prêts et des dons en provenance des États-Unis (3 milliards d’euros), de l’UE (prêt de 1 milliard d’euros), du Canada (350 millions d’euros), de l’Italie (200 millions d’euros), de la Banque mondiale (88 millions de dollars) ou de l’Albanie (1 million de dollars). Selon les estimations de Kyiv, l’Ukraine pourrait recevoir jusqu’à 30 milliards de dollars entre septembre et décembre 2022.

Risques à court terme 

Malgré le travail de Kyiv sur la coopération internationale, il existe des risques qui pourraient avoir un impact négatif sur le soutien des partenaires occidentaux envers l’Ukraine à court terme.

En effet, les conséquences d’une crise énergétique et économique prolongée au sein de pays partenaires, pourraient provoquer un effet d’épuisement de la guerre et indirectement affecter les positions de certains gouvernements partenaires. La question du soutien à l’Ukraine est ainsi devenue la pierre angulaire des campagnes électorales parlementaires en Italie, en Suède et au Royaume-Uni. Mais, si la Première ministre britannique nouvellement élue, Liz Truss, a déjà manifesté son soutien total à l’Ukraine en poursuivant le travail de son prédécesseur, Boris Johnson, la position de la nouvelle coalition italienne au sujet de la guerre en Ukraine pourrait réserver de mauvaises surprises à Kyiv.

Autre risque, qui exercerait une influence sur la durée des combats : celui d’une pénurie importante d’armes lourdes et de munitions au sein des armées occidentales. Cela pourrait affecter le rythme du soutien des États partenaires, comme l’illustre la longueur de prise de décisions concernant les livraisons d’armes à l’Ukraine. Ces délais ont déjà retardé la contre-attaque de l’Ukraine, faute de supériorité militaire sur le champ de bataille. Comme l’Institut Kiel l’a noté dans son étude du mois d’août, aucun grand pays de l’UE tel que l’Allemagne, la France ou l’Italie n’a fait de nouvelles promesses significatives en juillet dernier. Ils se sont contentés de réduire l’écart entre l’aide promise et l’aide fournie.

L’Ukraine doit également faire face aux risques économiques importants liés à la durée de la guerre. Selon Kyiv, le financement du secteur de la défense représente actuellement jusqu’à 30 % de son PIB. Dans le même temps, les partenaires étrangers de l’Ukraine refusent catégoriquement de financer ses dépenses militaires. Or, les recettes budgétaires propres de l’Ukraine sont insuffisantes. Le gouvernement sera obligé de prendre des ressources de crédit supplémentaires et faire pression sur la Banque nationale d’Ukraine afin qu’elle émette des hryvnias supplémentaires.

Pris ensemble, ces risques pourraient conduire à une prolongation des opérations militaires et à l’augmentation du nombre de victimes et de pertes matérielles.

L’une des meilleures façons pour les partenaires étrangers d’aider l’Ukraine pourrait être d’apporter une réponse plus rapide aux demandes du ministère ukrainien de la Défense. Les militaires ukrainiens ont prouvé qu’ils méritent la confiance de leurs partenaires. Aujourd’hui, il est nécessaire de mettre en place un processus afin de soutenir l’opération de contre-offensive entamée par l’Ukraine en septembre dernier, pour stabiliser la ligne de front et créer un périmètre de défense aérienne fiable autour des infrastructures clés et des grandes villes du pays.

Gennadiy Maksak

Notes

(1) Arianna Antezza, André Frank, Pascal Frank et al., « Kiel Working Paper. The Ukraine Support Tracker : Which countries help Ukraine and how ? », Kiel Institute for the world economy, n°2218, juin 2022 (https://​bit​.ly/​3​f​1​f​JPY ).

(2) Ekonomichna Pravda, « [Makarova a expliqué comment les $40 milliards des USA seront dépensés] », 21 mai 2022.

(3) L’UE a fourni à l’Ukraine 10 milliards d’euros entre mars et septembre pour répondre à ses besoins financiers, humanitaires et militaires.

(4) EU Neighbours East, « [L’aide humanitaire pour l’Ukraine : l’UE a coordonné la livraison de plus de 60 000 tonnes de biens vitaux] », 11 août 2022.

(5) Polskie Radio, « [L’aide militaire de la Pologne vers l’Ukraine a atteint $1,7 milliard] », 24 août 2022.

(6) Ukrinform, « [La Grande-Bretagne a donné £2,3 milliards d’aide militaire à l’Ukraine] », 26 août 2022.

(7) Philippe Ricard, « Guerre en Ukraine : des pistes pour garantir la sécurité du pays, en cas de cessation des combats », Le Monde, 13 septembre 2022 (https://​bit​.ly/​3​z​4​p​Ud9 ).

(8) Vie publique, « Plateforme pour la Crimée : soutien réaffirmé à l’intégrité et à la souveraineté de l’Ukraine », 30 août 2022 (https://​bit​.ly/​3​T​L​s​ugg).

(9) Forbes UA, 15 août 2022.

Article paru dans la revue Diplomatie n°118, « Guerre d’Ukraine : vers un échec de Moscou ? », Novembre-Décembre 2022.
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