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Sondervermögen : l’arme secrète de l’Allemagne pour renforcer sa défense

L’annonce par le chancelier allemand Olaf Scholz de la création d’un fonds spécial (Sondervermögen) de 100 milliards d’euros afin d’accroître les investissements dans les équipements militaires a suscité à la fois beaucoup d’émoi et beaucoup de doutes. Quel est le sens d’un tel fonds ? Est-il approprié pour répondre aux enjeux capacitaires ? Une mise en perspective est nécessaire, notamment au regard de l’approche française avec la Loi de programmation militaire.

La somme de 100 milliards d’euros paraît faramineuse et suscite des inquiétudes quant à un réarmement de l’Allemagne. Toutefois, depuis de nombreuses années, l’Allemagne était accusée, notamment par les États – Unis, de se comporter en « passager clandestin » au sein de l’Alliance atlantique en raison de ses dépenses militaires bien trop faibles en dépit d’une santé économique éclatante. L’Allemagne a été l’un des pays qui ont le plus profité des dividendes de la paix de l’après – guerre froide, ce qui s’est traduit par un déficit massif d’investissement dans les équipements militaires.

Ce fonds constitue en fait un rattrapage. Il vise à porter l’effort de défense allemand à 2 % du PIB, comme cela est demandé au minimum par l’OTAN. En dépit de l’engagement pris lors du sommet de l’OTAN en 2014, l’Allemagne dépense aujourd’hui moins de 1,5 % de son PIB dans la défense et son effort était même tombé en dessous de 1,2 % pendant de nombreuses années après la crise de 2008. Le fonds va permettre d’accroître la part du budget consacré à l’investissement, qui représentait jusqu’à très récemment moins du tiers des dépenses militaires contre environ la moitié pour les deux autres puissances militaires européennes que sont la France et le Royaume‑Uni.

Cependant, le choix de créer un fonds spécial est surprenant. Le principe de base des finances publiques est la non – affectation des recettes et le recours au budget général pour financer les dépenses. Le gouvernement allemand a fait le choix au contraire d’un fonds spécial consacré à la Bundeswehr avec un financement extrabudgétaire. Alors que les dépenses publiques doivent être réalisées à partir des impôts et taxes, ce fonds sera financé par de l’endettement, ce qui a obligé l’Allemagne à modifier sa Loi fondamentale afin de contourner les règles constitutionnelles d’équilibre budgétaire.

Olaf Scholz a indiqué que les ressources du fonds seraient engagées d’ici à 2025 et que le remboursement de la dette s’échelonnerait à partir de 2031. Ce choix suscite deux questions. Le fonds devra-t‑il néanmoins perdurer au-delà de 2025 ? Le recours à un tel mécanisme de financement est-il le plus pertinent pour assurer un bon niveau d’équipement des forces armées ?

Il est évident que l’Allemagne doit combler un déficit important d’investissement cumulé depuis des années. Cependant, le trop – plein de financement est aussi problématique que le manque de ressources. Dépenser beaucoup et rapidement n’est pas un gage d’efficacité de l’investissement. La construction d’un outil de défense se fait dans la durée, ce qui requiert des ressources budgétaires à la fois constantes et à bon niveau. La certitude d’avoir des ressources disponibles est aussi importante que leur montant, car elle apporte la visibilité dont ont besoin tant les armées du côté de la demande que les entreprises du côté de l’offre.

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