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« Il y a clairement un enjeu à épaissir »

En novembre 2021, toute la Marine a été engagée dans l’exercice « Polaris », qui a rassemblé pendant 16 jours le groupe aéronaval, 24 bâtiments, 65 aéronefs et 6 000 militaires, dont 4 000 marins de six nations. C’est l’impulsion fondatrice d’une approche renouvelée de la préparation opérationnelle de la Marine. « Train as you fight. » Allons chercher des conditions d’entraînement toujours plus proches de la réalité du combat. L’exercice interarmées « Hemex-Orion » en 2023 permettra de continuer à avancer dans cette voie.

Le format prévu de la Marine nationale est-il suffisant pour faire face à toutes ses missions dans l’environnement probable qui l’attend ?

Un bâtiment de combat est le fruit de nombreux développements technologiques et la durée de sa construction est liée aux capacités industrielles disponibles. Le temps capacitaire de la Marine s’inscrit par conséquent dans le temps long, sur plusieurs dizaines d’années. Le format de la Marine est l’expression dans la durée de l’ambition et de la volonté de la nation dans le domaine de la puissance navale. C’est vrai depuis toujours.

Après trois décennies de réduction continue du format, l’impulsion très énergique donnée par la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 a permis de mettre un terme à cette situation et d’affirmer une ambition renouvelée. Cette LPM a permis de commencer le renouvellement des nombreux segments capacitaires affectés par des ruptures de capacités et de lancer la préparation des capacités futures (SNLE de 3e génération, porte – avions de nouvelle génération).

Cet effort de long terme commence à porter ses fruits aujourd’hui. L’année écoulée affiche de belles réussites communes à l’industrie de défense, à la DGA et aux marins engagés au sein des équipes de programme. Les exemples les plus emblématiques sont :

• le SNA Suffren, qui a été admis au service actif le 1er juin 2022. Nous pouvons être fiers de ce nouveau sous – marin aux performances exceptionnelles qui apporte deux capacités différenciantes face à un ennemi symétrique : frapper loin et discrètement avec des missiles de croisière, ce qui est une première en France depuis un sous – marin. Mais aussi conduire une opération spéciale en plongée grâce au hangar de pont qui permet de déployer des nageurs de combat ;

• pour le segment frégate, la FREMM de défense aérienne. L’Alsace, première de ce type, a été admise au service actif au mois de novembre 2021 et engagée au cœur des opérations du groupe aéronaval début 2022. La Lorraine, dernière FREMM, sera réceptionnée en fin d’année. Avec l’arrivée très prochaine des FDI (première frégate mise à l’eau à l’automne), cette « colonne vertébrale » renouvelée offre à la Marine de belles perspectives ;

• pour l’outre-mer, le patrouilleur Auguste Bénébig, dont les essais ont commencé en Bretagne au mois de juillet. Il arrivera en Nouvelle-Calédonie début 2023. Le Teriieroo a Teriierooiterai vient d’être mis à l’eau à Saint-Malo et ralliera Papeete après ses essais. La voie du remplacement de nos capacités navales outre–mer est ouverte ;

• dernier exemple avec les BRF (Bâtiments ravitailleurs de force), qui vont donner un nouveau souffle à une flotte logistique dont les fonctions sont actuellement assurées par des BCR (Bâtiments de commandement et de ravitaillement) en fin de vie opérationnelle. Le Jacques Chevallier, premier de cette nouvelle série, a été mis à l’eau le 29 avril 2022 et commencera ses essais à la mer en fin d’année. Que ce soit en termes de volume de carburant, de munitions ou de vivres, le BRF apporte une capacité deux fois supérieure aux anciens BCR, ce qui offrira un gain opérationnel certain pour combattre et durer à la mer.

Les efforts consentis ces dernières années ont permis d’entamer le renouvellement de la flotte, qui se poursuivra dans les années à venir avec l’arrivée de la première FDI, la poursuite des livraisons des POM, le développement des patrouilleurs océaniques, etc.

La guerre d’Ukraine a eu des implications maritimes jusqu’en Méditerranée. Deux croiseurs et leurs escortes y ont opéré jusqu’au 24 août – le Marshall Ustinov ayant alors quitté la zone. Durant six mois, ils ont été suivis, y compris jusqu’avec trois groupes aéronavals. Ce type d’action, disons de « confrontation symbolique », est-il appelé à se reproduire, notamment pour la Marine nationale ?

Le conflit en Ukraine illustre la bascule du monde et vient confirmer l’entrée dans une période de turbulences, dont une des caractéristiques est la contestation du droit par la force. La guerre qui y sévit donne à l’actualité une coloration éminemment continentale. Mais il ne faut pas se tromper de focale dans notre analyse et ne pas la limiter aux combats tragiques qui se déroulent dans la plaine du Donbass.

Il y a en effet un risque de méprise stratégique en zoomant excessivement sur le conflit ukrainien. Comme l’a récemment souligné le président de la République, « jamais nos problèmes […] n’ont été aussi essentiellement mondiaux (3) ». Le fait géopolitique fait un retour fracassant dans toutes les dimensions de notre vie en société. Nos enjeux économiques sont mondiaux. Notre commerce est mondial. Notre approvisionnement énergétique se trouve également bousculé par la situation géopolitique. Par conséquent, notre sécurité est mondiale.

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