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RDC - Rwanda : un conflit remis au goût du jour par le M23

L’année 2022 a vu apparaître un regain de tension entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Un climat de tension qui, en dépit de périodes d’accalmie, demeure depuis la période postgénocide de 1994 et qui déstabilise la région sur fond de violences, de rhétorique belliqueuse et de lutte d’influence pour l’exploitation des ressources naturelles.

Depuis la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23) en novembre 2021, le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) a recensé plus de 390 000 personnes qui ont fui les zones occupées par ce mouvement dans les territoires de Rutshuru et de Nyiragongo dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) (1). Ces déplacés vivent dans des conditions très difficiles, notamment dans des camps de fortune au nord de la ville de Goma. Le ton est monté depuis plusieurs mois entre le président rwandais Paul Kagame et le président congolais Félix Tshisekedi.

En effet, le soutien du Rwanda au M23 a contribué à la détérioration des relations diplomatiques avec la RDC qui, fin octobre 2022, a expulsé l’ambassadeur rwandais Vincent Karega. Le 4 décembre, devant une centaine de jeunes Congolais, le président congolais a déclaré que le régime rwandais avec Paul Kagame à sa tête est l’ennemi de la RDC (2) et que les Rwandais et Rwandaises ont besoin de l’aide de la RDC pour se débarrasser du régime de Kigali. Ces propos sont en réaction à ceux tenus par le président rwandais, le 30 novembre 2022. Ce dernier avait insinué que Tshisekedi n’avait pas été élu démocratiquement (3) en 2018. Le président Kagame a aussi répondu au président congolais qui disait ne pas exclure une guerre avec le Rwanda. Kagame, un vétéran de la guerre en Ouganda et au Rwanda, a dit préférer la paix à la guerre tout en étant prêt pour cette dernière (4).

Comment peut-on comprendre cette rhétorique belliqueuse de part et d’autre alors que plusieurs initiatives diplomatiques ont été prises au niveau régional et international ?

Soutien rwandais au M23

Depuis la résurgence du M23, les officiels rwandais ont jugé légitimes les revendications de ce mouvement (5). Cette légitimation apparaît comme un soutien diplomatique dans les sphères où le mouvement n’est pas convié. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, avait même suggéré des discussions directes entre le M23 et le gouvernement congolais, qui le considérait déjà comme un mouvement terroriste. Au-delà de ce soutien diplomatique, il y a un soutien militaire déterminant. Même si le Rwanda continue de nier son implication, les données de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) et les renseignements fournis par les militaires rwandais capturés à Rutshuru attestent de ce soutien. Les groupes d’experts des Nations Unies ont démontré ce soutien dans un rapport au conseil de sécurité qui avait fuité (6).

La raison de ce soutien se trouverait dans la protection des intérêts stratégiques et économiques du Rwanda dans l’Est de la RDC qu’il considère comme sa zone d’influence et de projection. La doctrine militaire rwandaise peut être analysée comme impliquant de s’assurer que le gardien de la maison soit dehors. Ainsi, le petit territoire rwandais est sécurisé à partir du territoire congolais. La rhétorique rwandaise insiste sur la menace des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) (7) comme pouvant justifier son implication, alors même que les rebelles rwandais, les FDLR et le Conseil national pour la restauration de la démocratie (CNRD) (8) ont été affaiblis, notamment par les opérations conjointes entre les troupes rwandaises et congolaises en 2019 et 2020. Le ministre rwandais, Vincent Biruta, continue d’accuser le gouvernement congolais de soutenir les FDLR. La partie orientale de la RDC est aussi convoitée par l’Ouganda, dont les intérêts sont souvent concurrents à ceux du Rwanda. La résurgence du M23 avait coïncidé avec l’entrée des troupes ougandaises en RDC pour traquer les Forces de défense alliées (ADF), mais aussi avec la signature des contrats pour la construction de routes entre l’Ouganda et les villes congolaises de Beni, Butembo et Goma. Ces investissements en infrastructures auraient inquiété Kigali qui craignait que les flux économiques qui passent par le Rwanda soient détournés vers l’Ouganda. Aujourd’hui, la situation a évolué. La construction des routes n’a pas avancé et la relation rwando-ougandaise s’est apaisée. On semble assister à une division de fait de cette zone : l’Ouganda se projette militairement et économiquement en province d’Ituri et en territoire de Beni (9), et laisse ainsi de l’espace au Rwanda dans la partie sud de la province du Nord-Kivu.

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