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La Suède dans l’OTAN, quelles conséquences pour la stratégie navale en Baltique ?

L’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN change le rapport de force en Baltique. Que peut-on dire de l’activité navale et aérienne russe dans cette région ces derniers mois ?

L’activité de la marine russe se concentre sur les exercices et les croisières d’essai, comme par le passé. Les troupes de marine de la flotte de la Baltique sont déployées en Ukraine et ont probablement besoin d’être renouvelées. L’aviation russe fait des manœuvres agressives, surtout contre les États-Unis. Il faut souligner que la marine et l’armée de l’air suédoises surveillent les activités russes très étroitement.

L’île de Gotland est une position stratégique. Peut-elle constituer le cœur d’un « A2/AD à la suédoise » ?

Oui, ce serait possible et souhaitable. Gotland peut constituer le noyau d’une stratégie suédo-finlandaise d’A2/AD – c’est-à-dire que nous pouvons créer une zone d’interdiction autour de l’île et ainsi contrôler le nord et le centre de la mer Baltique, y compris l’espace aérien au-dessus. Cela peut se faire à l’aide de capacités de défense aérienne et navale à longue portée : le Patriot de l’armée de terre suédoise, les capacités de défense aérienne et navale de l’armée de l’air suédoise, les corvettes des marines suédoise et finlandaise équipées de missiles antiaériens et antisurface, les missiles côtiers terrestres et les torpilles à longue portée des sous – marins suédois. Coordonnés, ils fournissent une capacité de projection de force difficile à vaincre.

Une adhésion à l’OTAN implique le développement d’une interopérabilité sur de très nombreux plans. La Suède peut-elle y faire face rapidement ?

La Suède a, depuis des années 1990, développé l’interopérabilité avec l’OTAN et nos unités participent régulièrement à des exercices et opérations de l’OTAN. Pour la marine, les réglementations de l’OTAN sont généralement respectées. Les ordres et les rapports sont rédigés en anglais, même lors des exercices et des opérations nationales. De grandes parties de la documentation de l’OTAN, même au niveau secret, sont disponibles. Les forces armées ne disposent pas actuellement de la capacité de se connecter au réseau de commandement et de contrôle de l’OTAN ; il nous manque, évidemment, des clés de crypto. Mais cela va se résoudre avec notre adhésion.

Les officiers de la marine jouent souvent le rôle de commandants de forces navales dans le cadre des exercices. En outre, l’OTAN met particulièrement l’accent sur la participation des corvettes suédoises aux exercices « Trident Juncture » et « Baltops ». La marine a également un rôle clair dans la Joint Expeditionary Force dirigée par les Britanniques et notre expertise, notamment dans les aspects de l’environnement sous – marin, est très appréciée.

Pour l’armée de terre, les systèmes de commandement, etc. sont essentiellement nationaux. L’interopérabilité est relativement peu développée, sauf avec la Finlande. L’interopérabilité de l’armée de l’air reste une capacité clé et a déjà atteint un niveau très élevé. Cette situation sera encore améliorée avec l’adhésion à l’OTAN. Des exercices conjoints très fréquents ont lieu dans la région de la mer Baltique avec toutes sortes d’acteurs, ainsi qu’avec la Bomber Task Force (B-1 et B-52 américains) qui opère au-dessus de la Scandinavie. La guerre de 2022 en Ukraine a renforcé les liens entre la Suède, la Finlande et l’AIRCOM de l’OTAN en matière de défense aérienne européenne.

Depuis 2014, la Suède a changé de posture : après avoir largement réduit ses forces après la guerre froide, elle cherche maintenant à remonter en puissance. Comment envisagez-vous l’évolution de sa marine dans les 15 prochaines années ?

Pour la marine, la loi de programmation de 2020 prévoit des améliorations telles que la rénovation des corvettes – les deux types Gävle ont déjà été mises à niveau – et l’introduction des missiles défense aérienne et autres mises à niveau pour les corvettes type Visby. Deux nouvelles corvettes seront délivrées avant 2030 et deux autres plus tard. Mais il s’agira plutôt du remplacement des anciennes corvettes. Deux sous – marins, type Blekinge (A26), sont en chantier et deux sous – marins type Gotland sont rénovés. Un nouveau concept amphibie sera adopté, dans lequel l’efficacité contre les cibles maritimes et la mobilité sont clairement établies. Puis il y aura une refonte du système logistique et une modernisation générale des équipements existants. Avec la guerre d’Ukraine, tous les partis politiques sont tombés d’accord sur un renforcement au plus tôt de nos forces armées. On parle d’un cinquième sous-marin, mais tout est suspendu à cause des élections générales du 11 septembre et de la crise économique.

À propos de l'auteur

Lars Wedin

Capitaine de vaisseau (R) de la marine suédoise, ancien rédacteur du Tidskrift i Sjöväsendet (TiS) de l’Académie royale des sciences navales et membre associé à titre d’étranger de l’Académie de marine.

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