Magazine Moyen-Orient

La relation entre la Russie et les monarchies du Golfe à l’épreuve de la crise ukrainienne

Dans le golfe Persique, malgré la guerre en Ukraine, la Russie profite des bénéfices d’une décennie d’efforts diplomatiques lors de laquelle ses liens, notamment économiques, se sont approfondis avec les différentes monarchies. Aucune d’elles n’a adopté le régime des sanctions occidentales contre Moscou. Dubaï est de surcroît devenu un refuge pour les grandes fortunes russes, qui y transfèrent la plupart de leurs avoirs. En dépit des pressions de Washington, Riyad refuse d’augmenter sa production de pétrole, maintenant les prix du marché mondial à la hausse.

Si l’adhésion des monarchies du golfe Persique à l’idée d’une normalisation du régime de Bachar al-Assad (depuis 2000) et d’un soutien financier à la reconstruction de la Syrie constituait la principale préoccupation de Moscou dans cette région, le déclenchement des hostilités en Ukraine en février 2022 en hypothèque la réalisation. Le maintien des prix comme de la production des hydrocarbures, ainsi que la prolongation de l’immunité pour les oligarques russes sur certains marchés financiers du Golfe forment dorénavant les objectifs cardinaux recherchés par la Russie pour limiter les conséquences économiques de son action internationale.

De la création en 2011 d’un dialogue stratégique entre les ministères des Affaires étrangères des six États membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) d’une part et de la Russie d’autre part, jusqu’à l’entente russo-saoudienne sur le maintien de la stabilité du marché pétrolier lors d’un appel téléphonique le 16 avril 2022, les relations multiformes entre Moscou et les chancelleries du Golfe ont évolué de façon positive. 

Un partenariat « en dents de scie », mais positif

Après une période de frictions entre 2012 et 2016, causées par le désaccord du CCG envers le soutien russe à Bachar al-Assad, un rapprochement s’est enclenché à partir de 2017 à la faveur de la présence croissante des Russes au Moyen-Orient (1), de la détérioration des relations avec Washington (2) et de l’évolution des marchés de l’énergie. Même la décision de Moscou, en mars 2020, de quitter l’accord OPEP+ (3) puis de lancer une guerre des prix avec Riyad n’a pas menacé dans la durée les acquis de la diplomatie russe dans la région : un an plus tard, le 24 août 2021, ces deux pays signaient un nouveau texte de ­coopération militaire – dont les termes commerciaux demeurent intentionnellement confidentiels.

Parallèlement à cette période de réchauffement des relations entre les membres du CCG et la Russie, cette dernière a tenté d’exploiter les divisions et polarisations qu’a engendrées son intervention militaire à l’appel de Bachar al-Assad. Moscou espérait que l’appui modéré de certains États du Golfe (Émirats arabes unis, Oman, Koweït, Bahreïn) à la Syrie inciterait l’Arabie saoudite et le Qatar, opposés au camp Al-Assad, à suspendre leur soutien aux mouvements d’opposition dans ce pays. La Russie s’est également présentée auprès des puissances du Golfe comme un rempart de long terme contre les influences iranienne et turque en Syrie. Ces efforts du Kremlin ont porté leurs fruits : les Émirats arabes unis et Bahreïn ont rouvert leurs ambassades à Damas dès décembre 2018, et le Koweït s’est engagé à faire de même si la Syrie était réadmise au sein de la Ligue arabe – elle en a été suspendue dès novembre 2011. En raison des pressions occidentales et d’une baisse générale des affrontements, l’Arabie saoudite et le Qatar ont réduit de manière drastique leur soutien militaire et financier aux mouvements d’opposition syriens. Ces changements ont notamment permis à la Russie de s’engager de manière constructive avec les pays arabes du Golfe sur la question de la Syrie.

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